L’autre moitié de moi-même, Anne-Laure Bondoux

L’auteur du Destin de Linus Hope*, des Larmes de l’assassin* et du Temps des miracles* se raconte à ses lecteurs. Elle part d’un incident inexplicable, survenu le 25 octobre 2010, soir où ont surgi devant sa Mazda bleue un enfant et sa petite bicyclette. Elle a cru avoir écrasé la garçon ( non, c’était plutôt une fillette ? ) mais il n’y avait personne, ni sous ses roues, ni alentour.

Dans un long flash back plein de plaies, de bosses et de cahots ( de chaos ? ), Anne-Laure Bondoux évoque son enfance de garçon manqué, ses terreurs nocturnes et ses larmes, sa conviction que ses parents portent un masque, leur étrange hantise des cimetières – et sa propre hantise de la solitude, peur qu’elle retrouve en écho devant son écran quand il lui faut désormais assumer son rôle de raconteuse d’histoires…

Elle se souvient d’une tante Praline aimée et trop tôt disparue, d’une sœur obscure qu’elle croyait dangereuse…

Elle raconte ses premières amours, une grossesse soudaine et pourtant désirée qui manque provoquer un drame, et que suit un babyblues en apparence inexplicable. Jusqu’à cet enterrement récent auquel sa sœur et elle veulent assister, et à l’issue duquel le père révèle à ses deux filles le secret si longtemps gardé, et qui soudain éclaire le passé.

Une biographie ?

L’autre moitié de moi-même est bien davantage que cela : des morceaux de vie en apparence banals, un puzzle auquel l’écriture, sans que son auteur l’ait jamais pressenti, donne peu à peu un sens, comme ces ancêtres paternels qu’Anne-Laure a inconsciemment mêlés pour construire le personnage de Lom’Pa, dans son roman Pépites*.

La vérité enfin retrouvée, c’est que la vie d’Anne-Laure est le creuset de son écriture, l’aliment inconscient de son imaginaire. « J’écris des histoires parce que je n’en ai pas », répondait-elle parfois à ses lecteurs. « Parce qu’il ne m’est rien arrivé d’extraordinaire. En fait, il ne m’est rien arrivé du tout. »

Il faut l’apparition de cet(te) enfant inconnu(e) devant ses phares, ce soir du 25 octobre, pour que l’auteur révise son jugement, revisite le gouffre de son enfance, explore les raisons qui ont fait d’elle un écrivain authentique qui croit puiser ses idées ailleurs, alors qu’elles sont le fruit longuement mûri d’une vie en catimini.

Magnifique analyse de l’écriture, ce récit fort et original fera réfléchir et bouleversera celles et ceux qui s’intéressent aux mystérieux rapports entre… l’écriture et la vie, pour parodier Georges Semprun. « Je suis devenue écrivain comme on devient explorateur ou archéologue », conclut Anne-Laure Bondoux. « Je suis devenue écrivain pour plonger dans les abysses, à la recherche de ce qui n’a pas de nom. Je suis devenue écrivain pour nommer les fantômes. »

CG

* Tous publiés chez Bayard.

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