Les rencontres avec mes lecteurs (première partie)

Il y a quelques mois, Corinne Seyral me demandait de répondre à quelques questions relatives aux motifs et aux conditions de mes rencontres avec des classes de collèges.
Il m’a semblé intéressant de livrer ce dialogue en pâture à mes lecteurs…
Voici la première partie de notre échange.

Préparez-vous ou non vos rencontres ? Si oui de quelle manière ?
Oui, toujours. D’abord en contactant l’enseignant, en essayant de connaître sa demande, en exigeant qu’un de mes textes au moins ait été lu par ses élèves. Au besoin en échangeant des mails avec les profs, la documentaliste et même mes lecteurs – ils ne se privent d’ailleurs pas de m’écrire avant la rencontre, par le biais de mon site.

Est-ce que  vos diverses expériences vous ont amené(e) à modifier votre manière de travailler avec des enfants ?
En quarante ans, mon approche n’a cessé de varier, d’évoluer.
Mais la plupart du temps parce que le monde, la société, les attentes des enfants et surtout des ados ont changé.

Quels sont les facteurs pour qu’une rencontre fonctionne ?
1/ Que l’enseignant soit motivé, passionné.
2/ Qu’il motive et passionne sa classe, qu’il crée une attente.
3/ Qu’un ouvrage ait été lu, que l’enseignant en ait parlé avec sa classe.
4/ Que le temps de la rencontre, le lieu soient favorables – et là, tout dépend de la classe, et des rapports que l’enseignant entretient avec elle.

Quels sont, selon vous, les points essentiels ?
Voir plus haut !

Quand est-elle enrichissante ?
1/ Quand il y a eu préparation longtemps en amont, que les lecteurs ont visité mon site, lu des informations ou des textes avant la rencontre.
2/ Quand sont posées des questions précises sur le texte, le style, les personnages, la structure, le genre littéraire de l’œuvre.
3/ Quand un maximum de lecteurs participe, pose des questions, demande des précisions.

Quand devient-elle pauvre ?
1/ Quand la préparation a été médiocre, voire nulle.
2/ Quand l’enseignant n’a même pas lu l’un de mes textes, y compris celui qu’il a exigé que ses élèves lisent ( ça arrive ).
3/ Quand l’enseignant ou le demandeur de la rencontre n’est pas là ( ça arrive une fois sur cinq : congé, stage, classe verte, maladie, emploi du temps – il n’a pas cours le jour de la rencontre et ne juge pas bon de venir ) ou qu’il corrige ses copies au fond de la classe pendant que j’interviens.
4/ Quand les rapports entre le prof et les élèves sont tendus – l’échec d’une rencontre vient très souvent des rapports de force entretenus en amont par le prof et sa classe.

Que vous apporte-t-elle ?
La satisfaction d’avoir fait passer mon amour de la littérature, le désir chez mes lecteurs de lire davantage, d’élargir leur champ d’investigation, de mieux comprendre la portée des mots, de la pensée structurée par l’écrit, de l’importance de la fiction, de la force de l’imaginaire… j’en passe !
Quitter une classe en sachant qu’on a fait rebondir l’enthousiasme et la demande est très valorisant.
J’oublie : elle apporte aussi des liens parfois privilégiés avec des profs – et documentalistes - exceptionnels.

Préférez-vous que l’accueil de ces rencontres ait lieu en bibliothèque ? Oui, non, pourquoi ?
Oui !
J’exige presque toujours qu’on soit au CDI.
 Parce que j’utilise toujours les livres qui sont à ma portée pour lire un extrait, montrer comment fonctionne un dialogue, étayer une affirmation qui peut surprendre ( comme : « il n’y a que deux temps de narration : le présent et le passé. Il n’y a, sauf exception, que deux façon de relater une fiction romanesque : le je et le il )
Enfin, parce qu’on est hors du cadre de la classe.

Lors de ces rencontres, est-ce plus dans ce qui se dit ou dans ce qui s’éprouve, que l’intérêt se trouve ?
Les deux sont intimement liés.

L’expérience prouve que l’attitude de l’auteur vis-à-vis de son public est capitale. Pour ma part, j’essaie d’être proche, physiquement et mentalement – tout en ayant conscience que je n’ai pas quinze ans, et que mon statut est particulier.
J’ai devant moi non pas des élèves mais des lecteurs, que j’appelle par leurs prénoms, avec lesquels je dialogue individuellement, même un  temps très bref. Montrer sa considération pour le lecteur qui est face à vous est essentiel. Créer un  lien personnel, même ténu, même éphémère. Ce qui se dit prend alors un poids beaucoup plus grand.

Suffit-il de mettre en contact un auteur et des élèves pour que la « rencontre » ait lieu ?
Pas du tout.
Il peut ne rien se passer… même si l’on a l’impression qu’il s’est passé quelque chose. Un ratage ( dont les causes peuvent être multiples ) est même déplorable, mieux aurait valu que la rencontre n’ait pas eu lieu.

La suite la semaine prochaine !

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