Culture gratuite pour tous ?

Un fascicule ( gratuit : La gratuité, c’est le vol, cliquez ici pour le télécharger ! ) diffusé par le SNE depuis le 10 septembre, explique précisément que… rien n’est gratuit !

Y compris Internet et ce que l’on y trouve en ligne. Ceci à l’heure où le livre papier semble reculer, et où le principe des droits d’auteur est remis en cause. Après tout, des milliers, des millions de gens écrivent aujourd’hui, et livrent ( gratuitement ) leurs récits en ligne. Oui, on trouve à peu près tout sur Internet – sauf, il est vrai, ce qui vient de sortir en librairie ; et l’achat d’une liseuse ou d’une tablette vous donne l’accès immédiat à des milliers de textes. Mais un ordinateur ( un smartphone, un e-book, une tablette ) n’est pas gratuit. L’accès à Internet non plus. Même regarder la télé n’est pas gratuit puisqu’il faut acheter le récepteur, payer la redevance ( et la consommation de l’appareil ), et que la publicité ( non, elle ne vous influence jamais, évidemment ) permet aux chaînes de mettre du beurre dans leurs épinards.

La vérité, en effet, est que rien n’est gratuit. Tout a un coût – et ce qui vous semble « donné », quand on en étudie les coulisses, a parfois coûté très cher. Et c’est vous, même quand vous n’en avez pas conscience, qui allez le payer.

Une fois de plus, je prétends accepter de ne plus toucher de droits d’auteur. Je veux bien écrire « pour rien » ( en réalité, ça me coûtera de l’argent : achat du matériel, etc – voir plus haut ). A condition que toute la chaîne m’imite : que les éditeurs, les distributeurs, diffuseurs, libraires, Fnac et autres Cultura… travaillent eux aussi pour rien.

Un écrivain privé de droits d’auteurs, c’est dire à un agriculteur :

- Vous produisez du lait ( du maïs, des tomates, de la viande, etc ) mais c’est si agréable de s’occuper des animaux et de vivre à la campagne ! Quelle chance vous avez ! Faites-le donc désormais sans vous faire rétribuer – et laissez-nous ( nous : intermédiaires, grossistes, spécialistes de l’emballage, de la force de vente et du marketing ) vendre ce que vous avez produit.

Dans mon village, on achète 0,28 euro ( parfois 0,30 ! ) le lait produit par mon fermier. Et 0,07 euros ( oui, il n’y a pas d’erreur de virgule ) le kilo de pommes destinées à la compote. Oui : dans cette compote à un euro le pot de 400 grammes, le sucre, l’emballage et le transport coûtent bien plus cher que la matière première ( 0,04 euro de pomme !).

Quand vous achetez Virus LIV 3 en librairie ( 4,95 euros ), je touche un an plus tard 5% hors taxe par volume vendu. Soit 0,23 euro. Parce qu’il faut payer l’éditeur, le papier, l’imprimeur, le distributeur, le diffuseur et le libraire. Chacun son dû. Mais ici comme ailleurs, le producteur n’est pas le mieux traité

Une fois de plus, l’argument Le livre est cher me fait éclater de rire.

Surtout quand l’argument vient de quelqu’un qui change de smartphone ( 600 euros ) chaque année et porte des chaussures et vêtements de marque ( faites le total ).

Le vrai problème, c’est que lire n’est plus tendance.

Etrangement, le musée ( enfin…certains musées ) et les expositions le sont devenus.

Dans les années soixante, ma femme ( qui n’était pas encore ma femme ) et moi allions le dimanche au Louvre, à l’Orangerie, à Carnavalet ou au musée Guimet. Le croirez-vous ? Il n’y avait personne – surtout au musée Guimet. Et entrer ne coûtait presque rien, c’était parfois gratuit ! La culture n’est donc pas ( pas seulement ) une question de prix.

Le livre papier ? C’est la denrée la moins chère du monde.

Nul besoin d’un engin pour le lire. On en trouve partout pour rien : chez les parents, les amis, dans les boîtes à livres. Et en bibliothèque où, c’est vrai, il faut débourser ( quand on est adulte ) le prix d’un livre ( de poche ! ) par an pour accéder à des milliers d’exemplaires, y compris ce qui vient de sortir – oui, je sais, il faut parfois s’inscrire sur une liste d’attente.

Tout ça ne signifie pas que le livre est gratuit.

Il a fallu l’écrire, le fabriquer, le diffuser – et ça a un coût.

Tout a un coût. Parfois déguisé ou mal connu. Y compris celui des tonnes de publicité papier que vous trouvez dans vos boîtes aux lettres. Mais cette publicité finit par rapporter beaucoup plus qu’elle n’a coûté !

En réalité, le livre ( ou le DVD ) emprunté en médiathèque a coûté très cher. Beaucoup plus que les 8 ou 24 euros inscrit en 4ème de couverture : il a fallu payer le bâtiment, assurer son entretien, le salaire des bibliothécaire, j’en passe !

Et c’est de l’argent public. Comme celui de l’école ou de l’hôpital.

Ce qui reste ouvert, c’est le débat : « est-ce bien nécessaire de dépenser tant d’argent pour… l’éducation, la santé… et la culture ? » Bien sûr, j’ai ma réponse, et des convictions.

Quand ils achètent un billet à 50 ou 100 euros, les amateurs d’opéra ignorent souvent que pour être rentable, le billet aurait dû coûter deux ou trois fois plus.

Oui : la culture est ( elle aussi ) financée, subventionnée par l’argent public. Et pour le dépenser ( et décider le pourcentage qu’on y consacrera ! ), l’ordre des priorités relève… de la politique.

Le jour où l’on jugera que la culture coûte trop cher ( ou qu’elle n’est pas nécessaire ), on supprimera la subvention de l’opéra, de la Comédie française, du Louvre et du Musée d’Orsay. On remettra ensuite en cause l’existence des bibliothèques et des médiathèques – mais aussi celle de chaînes comme Arte, la 5 ou LCP : pas assez d’audience, pas rentable, ça coûte trop cher… On livrera alors au public ce qu’il veut et ce qu’il préfère – après tout, c’est la démocratie, non ? Sans se douter que derrière la gratuité ( ou l’économie ) apparente de ces choix se cachent des intérêts gigantesques. Ceux de Google, Apple, Vivendi – et bien d’autres. Aussi, je me méfie des tendances : ce modèle plaît énormément, j’en vends beaucoup cet été ( autrement dit si vous ne l’avez pas, vous êtes un plouc. Vous ne connaissez pas ? Pourtant ça a été vu à la télé ! ).

La tendance, c’est le sens du poil.

Et moi, j’ai tendance à être à rebrousse-poil.

Même si je rame à contre-courant.

CG

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