Lumière ( Le voyage de Svetlana ), Carole Trébor, Rageot

Paris en 1774 ( Louis XV est mourant ). Svetlana vient d’avoir 15 ans.

Svetlana est la fille naturelle de Piotr et Ania. En 1762, à St Pétersbourg, les époux, mystérieusement menacés, ont dû confier leur fille de 3 ans à des nobles français : Jeanne et André Horville. Svetlana a bénéficié de leur éducation. Après la mort de Jeanne, André est devenu l’un des auteurs de l’Encyclopédie, Diderot est l’un de ses amis.

Grâce au journal intime de sa mère adoptive, Svetlana devine que ses vrais parents sont peut-être encore vivants et qu’ils cachent un secret. Fille des lumières ( son nom, en Russe, signifie d’ailleurs Lumière ! ), savante et cultivée, Svetlana convainc son père de partir avec un vieil ami, Guy, et, en poche, une recommandation de Diderot pour Catherine II. La puissante souveraine de Russie doit savoir où se trouvent ses parents ; en effet, elle aurait eu pour amant Vitali, le frère d’Ania ; ce dernier aurait été évincé par Grigori Orlov au moment où un coup d’état allait permettre à Catherine de prendre le pouvoir après la mort suspecte de son époux, le tsar Pierre III, sans doute assassiné.

Hélas, le voyage de Svetlana est long et périlleux, plein d’embûches…

A la suite d’une attaque meurtrière, Svetlana est sauvée ( puis protégée ) par un jeune et sympathique sauvageon : Aliocha. Arrivée à Riga, elle fait la connaissance d’un couple pittoresque, Varlaam et Mira, de vieux amis de ses parents. Ces derniers lui révèlent qu’elle est… une sorcière, et fille de sorcière ! Svetlana refuse d’y croire.

Pourtant, peu à peu, elle s’aperçoit qu’elle a de nombreux pouvoirs…

Difficile d’en révéler davantage, mieux vaut laisser le suspens aux futurs lecteurs – car nous n’en sommes ici qu’à la première moitié du récit !

Ce roman historique, superbement documenté, tient le lecteur en haleine de bout en bout - à condition qu’il ne pas se décourage pas, au départ, avec un contexte politique, sentimental et religieux rigoureux qui constitue la toile de fond de l’ouvrage.

Docteur en Histoire, spécialiste de la Russie et de l’URSS, Présidente actuelle de La Charte, Carole Trébor a le vent en poupe : elle est, avec trois de ses camarades, l’auteure chez Nathan d’un best seller pour jeunes adultes, U 4, qui rivalise avec les dystopies anglo-saxonnes à la mode. Ici, elle nous entraîne dans un tourbillon d’aventures dignes de Jules Verne ( Michel Strogoff ) et d’Anne et Serge Golon ( Angélique ).

Bien sûr, dans la seconde partie, les pouvoirs de Svetlana font glisser ce récit vers le fantastique sans que la réalité historique soit jamais prise en défaut. Les amateurs de fantasy seront sans doute ravis en lisant le combat final, qui rappelle le meilleur d’Ewilan, de Pierre Bottero.

Mais cette incursion ( justifiée ) dans l’univers fantasmagorique ne doit pas dissimuler l’essentiel : Lumière constitue avant tout un moyen inespéré de se familiariser avec l’ambiance du « siècle des lumières » - et les relations privilégiées existant à l’époque entre notre pays et la francophile Russie. Le poème qui sert d’introduction ( une « byline » ) livre le ton et sert de déclaration d’intention de Lumière : montrer que le despotisme éclairé ( et la religion orthodoxe imposée par les tsars de la Russie dès l’an 988 ) n’ont pas toujours réussi à annihiler les vieilles croyances et les dieux païens révérés par le peuple.

Svetlana, l’héroïne, est symboliquement partagée entre ses origines naturelles russes ( sa mère Ania, est l’une des « sorcières de l’Oural » ) et son éducation française, pétrie de scientisme et de rationalité. Le chapitre 40, Fille des lumières, fille de sorcière, aurait d’ailleurs fourni un sous-titre aussi éclairant que Le voyage de Svetlana.

Les personnages annexes sont tous pittoresques ; et la peinture de Saint Pétersbourg réaliste.

De plus, le lecteur sera ( de gré ou de force ! ) entraîné à comprendre la façon dont Catherine II a pris le pouvoir – probablement en faisant assassiner son époux, le tsar Pierre III, avec la complicité d’un de ses nombreux amants ; à l’époque, c’était Grigori Orlov, successeur présumé de Vitali, oncle de l’héroïne.

Dans une longue postface très détaillée, qui passionnera les enseignants, l’auteure explique et justifie la façon dont elle a, à la manière d’Alexandre Dumas, introduit des personnages de fiction dans un décor historique et géographique.

Un roman conseillé à toutes les lectrices et les lecteurs… du collège à l’université !

Lu dans son unique version, un sobre et joli grand format élégant.


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