POURQUOI  ÉCRIRE DE LA S-F ? Suite et fin...

Dans le cadre de ses recherches, une jeune doctorante, Amélie Rebours, m’a posé une série de question sur mon intérêt pour la science-fiction.

On trouvera ici ( la suite et la fin de ) mes réponses.

5) L’essor du numérique a-t-il directement influencé votre créativité, votre écriture ? ( sur les sujets à aborder par exemple )

C’est l’évidence. L’essor du numérique m’a influencé de deux façons :

1/ d’abord, en effet, en orientant la thématique de mes récits.

Mes romans policiers, à commencer par L’OrdinaTueur, n’existeraient pas sans l’informatique. Et mes nouvelles de SF ( Virtuel, attention Danger ! Allers simples pour le Futur ), ou mes romans de SF ( de La Musicienne de l’aube à Virus LIV 3 ou La mort des livres ) ont pour sujet l’essor du numérique, leurs prolongements ( les réseaux sociaux, les jeux, les mondes virtuels ), leurs limites, leurs dangers.

2/ Ensuite ma façon d’écrire.

Qu’on le veuille ou non, l’informatique a changé la donne : on n’écrit plus de la même façon depuis l’essor des nouvelles technologies : le cinéma, la télévision, les réseaux sociaux, les clips vidéo, la publicité, l’usage des ordinateurs, des smartphones, des tablettes – et les échanges au moyen du téléphone, des mails, des SMS, de Skype – j’en passe ! – tout cela contraint les écrivains à adopter de nouvelles stratégies et à adapter leur écriture à l’usage quotidien des nouvelles technologies !

6) Bien avant les années 2000, comment imaginiez-vous notre époque aujourd’hui ?

J’étais naïf – et convaincu que l’humanité s’orienterait vers un gouvernement mondial. Comme la plupart des auteurs de SF, je n’avais imaginé ni l’auto-destruction des blocs de l’est, ni l’essor d’Internet.

Dans Le Soleil va mourir, j’envisageais notre planète gouvernée par un « Conseil des Mille », un monde qui ne pensait plus en termes de nations ou d’intérêts particuliers, mais avec l’objectif de lutter contre la pauvreté, les injustices, les maladies – et de veiller à ce qu’aucun conflit ne dégénère. J’imaginais un collectivisme universel bienveillant et fraternel, une utopie avec un essor des technologies mises au service du bien-être général, et non des distractions et du confort individuel…

Nous sommes loin de mes rêves d’adolescent ! Certains se sont pourtant concrétisés : dans Aio, Terre invisible, une expédition spatiale réunit Américains, Soviétiques, Chinois et Français – c’était déjà une sorte d’ISS imaginée en… 1968.

7) Votre regard sur le futur a-t-il changé aujourd’hui ? Pourquoi ?

Bien sûr, il a changé !

Pourquoi ?

Parce que notre regard sur le futur change en fonction des événements et du présent.

Même si j’ai été, dans mes écrits de 16 ans, un précurseur dans le domaine de l’écologie, je n’avais pas imaginé ni prophétisé le réchauffement climatique. Encore moins le triomphe d’une économie de marché qui, en ce XXIe siècle, laisse un boulevard à une surconsommation programmée et, à terme, à de multiples problèmes dont nous ne pouvons, aujourd’hui, que constater les premier effets : accentuation des inégalités, revendications des pays émergents à la consommation ( et, dans quelques décennies, à leur simple survie ) pénurie d’eau potable, montée des eaux des océans, désertification, apparition de nouvelles maladies liées aux conséquences ( multiples et indirectes ) du réchauffement de la planète… la liste serait trop longue à énumérer.

Certains auteurs de SF ( Huxley, Orwell, Bradbury ) redoutaient que l’humanité ne s’enfonce dans certaines impasses : sélection génétique, surveillance de la population, mise sous influence permanente grâce à la « novlangue », recherche effrénée du plaisir immédiat, disparition du livre et de la culture...

Ces univers de cauchemar sont pourtant à notre porte, comme ils l’avaient prévu. Leurs avertissements étaient vains. C’est même pire que cela, car dans leurs dystopies, une frange de la population prenait conscience de l’aliénation générale… alors qu’aujourd’hui, cette aliénation est mieux que consentie ou acceptée : elle est réclamée !

On comprend que certains auteurs, dont je fais partie, soient parfois dépités ou amers. Mais toujours prêts à s’exprimer – et à s’indigner.

8) Comment imaginez vous notre futur ? Positivement, négativement ?

Nous sommes à la croisée des chemins. Le GIEC ( et certains économistes ) jugent que si des mesures drastiques ne sont pas prises avant 2030 pour limiter notre consommation ( notamment celle du CO 2 ), le réchauffement de la planète deviendra incontrôlable, comme je le suggère dans mon roman Cinq degrés de trop ( Rageot, 2006 ).

Mais le système économique mondial est un moteur plus puissant que la prise de conscience de la réalité climatique. Et les choix politiques mondiaux générés par notre… « démocratie » ( mais oui, Trump a été élu ! ) ne vont pas dans le sens du respect de l’environnement et du sort des générations futures.

Aujourd’hui, 62 personnes possèdent autant de richesses que la moitié de la population mondiale. Ces 62 personnes dirigent des multinationales dépendant les unes des autres et à l’origine de la destruction massive d’écosystèmes naturels et du réchauffement climatique.

Ces chiffres ne sont pas un scoop : ils sont livrés par Véronika Zarachowicz dans Télérama ( N° 3491, 10/16 décembre 2016 ). Un autre chiffre, livré par Le Point le 16/01/2017, révèle que « huit personnes détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. »

Dans cinq ans, dans dix ans, combien seront-ils à avoir le sort du monde entre leurs mains – et à décider de changer le destin de la planète, et de l’humanité ?

Oui, mon regard sur le futur ne cesse de changer.

Et mon inquiétude de grandir.

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