Fou l'amour, Yves Pinguilly, Oscar

Grégoire, dit Greg, 17 ans, part à Plouaret Trégor pour passer juillet chez ses grands-parents, dans les Côtes d’Armor. Dès son arrivée se pose un problème : Mémé, la mère de son grand-père, atteinte d’Alzheimer, doit entrer dans une maison de retraite...

Là-bas, Greg fait la connaissance d’une belle infirmière de 35 ans, Rosine, qui l’embauche pour tondre sa pelouse et ses haies. Peu attiré par Eléonore, l’amie d’enfance qu’il connaît trop bien, il lui préfère Rosine qui, très vite, va lui faire connaître l’amour. Une passion qui devra s’achever à la mi-août puisque le mari de l’infirmière, qui travaille à l’ambassade de France en Malaisie, va bientôt rejoindre son épouse – Greg, lui, partira aux Etats-Unis pour y parfaire son anglais…

Entre-temps survient, parmi les pensionnaires âgés de la maison de retraite de Mémé, un épisode inattendu : l’idylle physique ( et même le mariage ! ) de Bernard et Gigi deux pensionnaires de 80 ans !

Pour le grand bonheur du lecteur, Yves Pinguilly n’est jamais politiquement correct - qu’il en soit remercié !

Le ton est donné dès le départ du train, quand Greg, assis à côté d’une religieuse qui lit la bio de Jean XXIII, confie au lecteur : « Moi qui avais respiré les vents alizés, j’eus l’impression qu’elle sentait le pipi de chat » !

Ah, l’amour et l’âge… ou la différence d’âge ! Ceux qui ont lu L’Amour Pirate savent que ce sujet m’est cher – et que l’amour n’a pas d’âge, comme le note Greg en observant des photos : « Toutes les photos ne racontent que du passé. Quelle différence entre le passé d’hier qui n’a qu’un jour et le passé qui a déjà dix ans ou plus ? C’est nous qui interprétons ».

L’auteur de L’amour Baobab entraîne son lecteur dans une aventure inattendue – même si Greg, fantasque et rêveur, est prêt à toutes les expériences. D’ailleurs, Greg accompagne son odyssée sentimentale par la lecture de She travelled along the route 66, avec Lauren, Russ Clifford et son Impala rouge, comme Pinguilly accompagne la scandaleuse idylle de Greg et son amante plus âgée avec celle, inconvenante ( ou pas ? ) de Bernard et Gigi.

Certes, Yves se cache ( mal ? ) derrière un ado dont le langage poétique et les réflexions ne sont pas vraiment celles d’un jeune d’aujourd’hui – heureusement, ai-je envie d’ajouter ! Sans doute est-il plus proche du grand-père, fort attachant, dont le portrait, la mémoire, les voyages et les engagements politiques feront écho auprès des lecteurs de mon âge – mais c’est sans importance. Car le récit, qu’on lit d’une traite, emporte le lecteur dans une verve littéraire qui gomme ce qu’on pourrait prendre pour des invraisemblances. En y regardant de plus près, ce roman d’apprentissage est d’autant plus crédible que Greg, on le devine, aura vécu une belle initiation avant qu’il ne s’intéresse d’un peu plus près à une Eléonore qui, tout compte fait, est très jolie et a beaucoup grandi…

Choquante, l’idylle entre Greg et Rosine ?

Non, pas plus que ne l’est celle de ces deux octogénaires qu’une infirmière surprendra sans le  vouloir dans le même lit.

Ce beau récit provocateur touchera les lecteurs de tous les âges, collégiens y compris.

Sa morale, plus ouverte et moins évidente qu’il y paraît, pourrait être la définition que donne Marcel Proust de l’amour, « c’est ce qui se passe entre deux personnes qui s’aiment. »

Lu dans son unique version, un joli moyen format avec une couverture brune et floue ( flou, l’amour ? ) très réussie. Papier épais et belle typographie.

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