Tomber sept fois, se relever huit - Philippe Labro

Un Français sur cinq a été, est ou sera touché par une dépression nerveuse. Un phénomène assez courant pour qu’on y consacre un livre, Non ?

Eh bien c’est Philippe Labro s’y colle, dans un récit autobiographique sincère et percutant.

Sans pudeur ni excès, il livre au lecteur les faits bruts : l’inexplicable, l’irrésistible chute de celui qui, peu d’années auparavant, a pourtant frôlé la mort ( lire La Traversée ) et se juge un miraculé. Un état de doute de soi, d’inertie et d’inappétence à tout que constatent l’entourage et la famille avant que le principal intéressé ne finisse par l’admettre, et se résolve enfin à consulter. Pas si évident, car il peut arriver qu’un déprimé tombe obscurément amoureux de sa brisure (…) Le symptôme même de la dépression vous déprime (…) La dépression se nourrit de sa propre nuisance ( p. 99 ).

Psys, médicaments, traitements divers, échecs apparents, hospitalisation, tentatives diverses et ratées pour émerger. Puis lente remontée à la surface... inexplicable, elle aussi ?

Peut-être pas.

Philippe Labro explore quelques pistes, notamment celle d’une réussite exemplaire suivie de la peur de l’échec. Il évoque Nietzsche qui a écrit : Si tu plonges longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi. Il relate aussi de vieilles chutes ( au cours de l’enfance, de l’adolescence, un ou deux examens ratés ) dont il s’est tant bien que mal relevé.

Ainsi, va-t-on peut-être ricaner, Grenier lit non seulement Pancol mais aussi Labro ?

Mais oui. Et j’assume ! Ce récit m’a touché.

Peut-être parce que la dépression menace les créateurs plus que d’autres. Si je n’ai fait que la côtoyer, nombre d’amis et de collègues l’ont connue, en sont sortis ( on ne peut pas dire « l’ont vaincue » ) ; d’autres ont plongé, se suicidant d’une manière ou d’une autre.

Au-delà de son sujet douloureux et passionnant, cet ouvrage a la qualité dont bénéficient tous les ouvrages de l’auteur : il se fit facilement, et d’une traite. J’ajoute qu’il semble exemplaire - j’entends par là : qu’il peut servir d’exemple. Attention : je n’ai pas dit qu’il peut servir de thérapie ! On connaît la célèbre histoire ( drôle ? ) du client qui sort radieux de chez son psy et rencontre un ami qui lui demande :

  • Alors ? Tu es guéri ?

  • Non. Mais maintenant, je sais pourquoi je suis malade !

Labro ne livre aucun mode d’emploi.

Il nous propose son cas, il en examine les racines et en tire des leçons : il faut admettre son état, parler et être bien entouré. Quand on le peut.

Pour ma part, j’ai lu ce récit sans jamais sourire. Avec un profond sentiment de sympathie et de compassion, peut-être parce que l’attention aux autres, dit Labro p. 223, est une vertu non seulement chrétienne, mais universelle. Une vertu que le déprimé a perdue puisqu’il est souvent, d’une certaine façon, amoureux de sa propre dépression. ( p. 177 ).

Une maladie qui, dépassée, rend modeste, comme le rappelle Léon Bloy qui a écrit : Quand une personne qui se croit importante se présente devant vous, demandez-lui d’abord où est sa douleur.

Comment va la douleur ? Le titre d’un ( excellent ) roman de mon regretté camarade Pascal Garnier.

Albin Michel a aussi sa collection « blanche ». Plus modeste qu’un grand format, plus luxueuse qu’un Poche. Un beau livre broché au magnifique papier bouffant.


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