Ma minute du vieux schnock, on l’aura remarqué, est surtout un moment de mauvaise humeur, une réaction critique et pessimiste.
Eh bien une fois n’est pas coutume : je vais tenter cette semaine de montrer que je ne suis pas, mais pas du tout d’accord avec la fameuse expression : « c’était mieux avant ! », que certains lecteurs croient lire en filigrane entre les lignes de mes billets d’humeur.
Moi, nostalgique du passé ? Pas une seconde !
Comme l’ont souligné bien des auteurs avant moi, on ne regrettera sans doute pas le 20ème siècle : ses dictatures, ses deux conflits mondiaux, ses camps d’extermination, ses dizaines de millions de morts… Rarement un siècle aura compté autant de victimes, d’injustices et de scandales humanitaires.
Mes parents ? Mes grands-parents ? Mes arrières grands-parents ?
Ils ont vécu deux guerres – parfois trois : celles de 1870, de 14-18 et de 39-45.
Ils ont trimé toute leur vie et sont morts jeunes.
Quand je demandais à mon père de quoi était mort son père ( Claude-Adolphe Grenier 1868-1943, charpentier ), il me répondait :
« De fatigue. Il a travaillé jusqu’à l’épuisement, il est mort dans son atelier, à 69 ans ».
Moi, je n’ai connu aucune guerre – j’ai échappé de justesse à l’Algérie.
Mes parents, de petits comédiens, ont vécu heureux sans manger tous les jours à leur faim. Souvent au chômage, ils ne bénéficiaient pas du statut d’intermittent du spectacle – celui-ci n’existait pas !. Ils vivaient de studio en meublé et n’ont pu louer un appartement ( une pièce de 12m2 avec les WC sur le palier ) qu’en 1945, à ma naissance. Ma mère me lavait dans l’évier, et nous allions une fois par semaine aux « bains-douches » de la rue Ordener.
L’eau courante et le gaz à tous les étages étaient un tel luxe que les appartements parisiens qui en étaient pourvus l’affichaient fièrement sur le mur de l’immeuble !
On peut aujourd’hui se régaler des romans de terroir qui évoquent le temps où il fallait aller puiser l’eau de la fontaine… ce temps n’était pas si heureux. On travaillait dur, sans rechigner et la radio était la seule distraction quotidienne, avec la promenade du dimanche ou la partie de tarot avec les amis et les voisins. Quant à la violence et aux meurtres, ils n’ont cessé de diminuer – les statistiques prouvent qu’ils étaient cent fois plus nombreux au XIXe siècle qu’aujourd’hui !
Récemment ont été mis en examen, à grand renfort de publicité, des supporters anglais qui, dans le métro, à Paris, ont empêché un Noir de monter dans une rame. Loin de moi l’idée de ne pas me réjouir de ce scandale… mais il y a 50 ans, il n’aurait pas fait l’objet d’une seule ligne dans les journaux ! Et le récent accident industriel de Tianjin en Chine, malgré ses 123 ( ou 200 ? ) victimes, n’aurait fait l’objet que d’un entrefilet dans un quotidien du soir.
Eh oui, la mort et l’injustice scandalisent aujourd’hui plus qu’hier. Et je m’en réjouis, comme l’une des ( nombreuses ) preuves que… avant, ce n’était pas mieux !
CG