Le livre : quel avenir ?

Au-delà du sort de la littérature jeunesse, j’aimerais livrer un pronostic personnel  ( et partial ! ) sur l’avenir du Livre ( le livre papier ) en général.

Et ceci, au moyen de quelques réflexions et constatations récentes…

 

Il y a quinze ans, mon ami et camarade Alain Grousset  m’a affirmé que dans dix ans, le livre aurait disparu au profit des écrans et que les ouvrages de fiction tels que nous les connaissions seraient en fin de vie.

Il a perdu son pari ; mais je crains qu’il ne le gagne avec quelques années de retard.

 

En effet, la situation se durcit peu à peu, et certaines tendances s’accentuent.

J’ai déjà évoqué le fait que dans le domaine de la fiction, si les ventes fléchissent peu, elles s’effectuent de plus en plus au profit des best sellers ( le plus souvent traduits ) et au détriment des auteurs peu connus. Je ne suis pas le seul écrivain à constater que parmi tous ses ouvrages, ceux qui continuent à se vendre sont ceux… qui se vendaient déjà plutôt bien ! Quant aux autres, leurs ventes fléchissent d’une façon vertigineuse.

Tout se passe comme si on privilégiait ce qui est connu ( ce dont on parle, ce qu’il faut avoir lu ! ) en abandonnant les inédits qui ont peu de chances de sortir du lot.

 

En cette rentrée littéraire, on sait déjà que sur les 650 nouveautés de la rentrée ( dont une bonne moitié seront françaises ), seuls une vingtaine de titres tireront leur épingle du jeu, les autres étant retournés par les libraires, ouvrages condamnés à devenir de la pâte à papier.

 

Cet été, j’ai eu l’occasion de constater ( dans le train, le métro, dans le bus, le car, dans la famille, chez les amis, et même pendant les promenades ou excursions ) qu’aucun enfant ou ado rencontré n’avait en main… un LIVRE. Tous, sans exception, utilisaient leur smartphone ( ou I-phone ou tablette ).

Et à voir l’usage digital qu’ils en faisaient, aucun n’était plongé dans la lecture d’un roman !

 

Il y a deux ans ( très exactement le 20/10/2013 ! ), au cours d’un repas avec Michel Serres, celui-ci tentait une fois de plus de nous convaincre qu’Internet était un magnifique outil culturel, mettant d’un simple clic des millions, des milliards de données et de connaissances à la portée de tous. C’est vrai.

Mais quel usage en font la plupart des utilisateurs en général… et les jeunes générations en particulier ?

Ils se connectent surtout sur les réseaux sociaux, ils communiquent par SMS – et quand ils effectuent une recherche, c’est sur la météo, un chanteur, un comédien, un film… j’en passe ! Et je ne parle pas des jeux en ligne…

 

Au collège, pas question de rater « la révolution numérique ». On enseigne donc, dans les CDI ( ou en classe ) l’utilisation raisonnée de l’informatique et d’Internet. Soit.

Mais quel usage les jeunes en font-ils ?

Certes, ils utilisent Wikipedia – mais c’est afin d’y puiser des infos pour une recherche, un devoir ; et effectuer des copier-coller.

Autrefois, on était contraint de lire, de résumer, de surligner – aujourd’hui, on gagne du temps ; mais si l’accès à la connaissance est immédiat, il n’est pas très… approfondi !

En 2015, quand un ado n’a plus son portable ni accès à Internet… c’est presque la panique !

 

Je suis pessimiste ? Peut-être.

Mais voyons les choses en face : aujourd’hui, les adultes eux-mêmes ( et les plus cultivés d’entre eux ! ) sont accros à leur smartphone. Les enseignants ( et les jeunes enseignants ! ) ne font pas exception. Si j’ajoute à cette réalité ( oui : on passe en moyenne plus de 5 heures chaque jour devant un écran !!! ) le fait qu’au collège, lire un livre est devenu une corvée ( les instructions, je le rappelle, ne préconisent l’usage de la littérature jeunesse que pour la lecture cursive ! ), on voit mal comment le LIVRE pourrait avoir un avenir.

 

J’entends d’ici des réactions offusquées :

- C’est faux ! Moi, je lis ! Et mes enfants aussi ! 

D’accord. Mais voyons les statistiques et ce qui se passe dans les familles ou à l’école.

Ah oui : l’école… l’école primaire. Là, le livre existe encore - car il faut apprendre à lire.

 

Les enfants doivent ( doivent ! ) donc lire.

Et les parents leur achètent de vrais livres.

Les éditeurs jeunesse le savent bien : le cœur de cible, c’est le primaire, du CE1 au CM2 ! Ensuite, les enfants grandissent, prennent de l’assurance, assument leurs choix - et leurs achats. Et les voir acheter ( ou emprunter ) spontanément un roman qui leur est destiné devient un acte de plus en plus rare – sauf quand c’est Nos étoiles contraires.

 

En conclusion, je dirais que les adultes ( et les jeunes ) qui lisent encore le font parce que leur milieu culturel leur a enseigné ( et les a rompus à ) l’usage du LIVRE.

Mais quid des générations à venir, celles qui vont grandir avec l’informatique, Internet, les smartphones… et sont les adultes de demain ?

Le livre, objet de plaisir et de culture ?

Oui, pour certains d’entre nous, encore.

Mais combien ?

Et pour combien de temps ?

Ces questions, sans réponse, n’ont aucune valeur de jugement !

CG

P.S. Hasard du calendrier ?

Le lendemain du jour où j’écrivais cette Minute du vieux schnock,  sortait le N° 3423 ( 22 au 28 août ) de Télérama. Michel Abescat et Erwan Desplanques y évoquent largement le même thème que moi, sous le titre : Lecture : une page se tourne ( p 15 à 18 ).

J’y puise cette citation de François Bégaudeau qui préfère positiver et affirme :

« Assumons-nous comme petits et minoritaires, serrons-nous les coudes entre passionnés de littérature, écrivons de bons livres et renversons l’aigreur en passion joyeuse. »

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