La COP 21, c’est quoi ?
Ce nom de code est – pour simplifier - celui de la 21ème conférence sur le changement climatique, qui aura lieu à Paris du 30 novembre au 11 décembre prochain. Une conférence qui fera suite au fameux « Protocole de Kyoto » ( COP 3 ) de 1997.
Voilà des décennies que le GIEC tente de faire reconnaître aux pays industrialisés que l’activité humaine est la cause du ( ou accentue le ) réchauffement climatique. Un combat longtemps nié par les Etats-Unis, responsables du quart des émissions des gaz à effet de serre ! Eh oui, en 1997, le sénat américain a refusé de ratifier le traité… à 95 voix contre 0 ( même les députés démocrates étaient contre ) ! En 2005, George W. Bush confirma ce refus, jugeant qu’il « freinerait l’économie des USA ». Quant au Canada, qui s’est retiré de la partie, il a jugé que « Kyoto est essentiellement un complot socialiste qui vise à soutirer des fonds aux pays les plus riches » ( sic ) Si ce protocole a été signé, il n’a pas été ratifié par un seul pays : les Etats-Unis !
Plus positifs, la Californie et le Nouveau-Mexique ont adopté « l’objectif, pour 2050, de diviser par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre ». Le problème, c’est qu’il y a un abîme entre les intentions et la réalité !
Si, entre 1990 et 2004, quelques pays ont réduit leurs émissions : l’Allemagne ( de 17 % ), le Royaume-Uni ( de 14 % ), la France ( de 3,2 % % ), d’autres l’ont augmenté : le Japon : ( de + 6,5 % ) ; les USA : ( de + 16 % ) ; l’ Irlande : (- de + 23 % ) ; la Grèce : ( de + 27 % ) ; le Canada : ( de + 28 % ) ; le Portugal : ( de + 41 % ) ou l’Espagne : de + 49 % !
La question que personne ne pose est celle de savoir si la lutte contre le réchauffement climatique est compatible avec… l’économie de marché.
Après l’avoir cru, Nicolas Hulot et Naomi Klein ( l’altermondialiste, rappelez-vous : No logo ! ) répondent désormais NON. Depuis vingt-cinq ans qu’on essaye de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre, affirme cette dernière, celles-ci ont grimpé de 60% !
Eh oui : tout se passe comme s’il fallait choisir entre modifier radicalement notre mode de consommation ( donc de vie… et de société ) ou continuer à (sur)produire, à (sur)consommer et à… « s’adapter de gré ou de force au changement climatique ».
En étudiant les chiffres, on voit que la réponse est dans la question : on sait ce qu’il faudrait faire… mais en attendant, on continue comme avant – en nous faisant croire que faire payer ceux qui polluent constitue une solution !
Un vieil ami à moi a changé récemment de voiture. Son nouveau véhicule consomme 10 litres aux cent. Le mien, qui a 20 ans, en consomme la moitié. Qui est le bon citoyen ?
Dans mon village, il est désormais interdit de brûler ses déchets verts. Résultat : la déchèterie locale crie grâce : chaque jour, elle accueille des tonnes de feuilles et de branches apportées par des centaines de véhicules qui ont accompli chacun vingt à trente kilomètres aller-retour… sans parler des camions qui doivent aller et venir sur des centaines de kilomètres pour déposer leurs conteneurs géants de déchets verts… oh, on ne les brûlera pas, ils seront réduits en copeaux ou en résidus organiques - mais avec des engins qui fonctionnent… au gasoil ou à l’électricité !
J’aimerais qu’on me prouve que le résultat est bénéficiaire en matière de production de CO2 !
Le trafic aérien, lui, devrait doubler entre 2010 et 2030. Avec, certes, des avions qui consommeront jusqu’à… 15% de kérozène en moins. Le calcul est vite fait : ce n’est pas la circulation aérienne qui améliorera le réchauffement climatique !
Bref, il en est des conférences sur le climat comme des bonnes résolutions du premier janvier : on les prend à grands renforts de publicité… et on s’aperçoit très vite qu’elles n’ont pas été tenues. Ce qui, au fond, correspond à la demande générale.
Parce que si était instauré un référendum planétaire pour répondre à la question :
« Etes-vous prêt à consommer moins et à changer de mode de vie ? »…
Nul doute qu’une majorité voterait non.
CG
1 De Vincent CAILLIEZ -
Cher Christian,
Je vous remercie sincèrement pour votre « coup de gueule » vis à vis de la COP21. Vous auriez pu ajouter qu'il y a quelques mois Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, avait lancé un appel à généreux donateurs car il manquait quelques millions d'euros pour organiser la COP21 à Paris. Le coté tragi-comique de la chose c'est que des groupes pétroliers et gaziers (que je n'ai pas envie de citer) ont répondu « présent ! » et mis la main à la poche...
Vous posez la question de la compatibilité de la lutte contre le changement climatique et de l'économie de marché. A partir d'un certain niveau de perturbation des conditions climatiques, je pense qu'on peut aussi se poser la question de la compatibilité de cette lutte avec la démocratie. Or, en tant que climatologue spécialisé dans le changement climatique observé, je crains qu'on ne soit déjà loin et qu'on aille déjà vite. Prenez le seuil des fameux +2°C par rapport à l'époque préindustrielle à ne pas dépasser à terme. C'est présenté comme l'objectif fort et vertueux à atteindre pour éviter des bouleversements majeurs. A part quelques spécialistes, qui sait que ce seuil est déjà dépassé maintenant, en potentiel il est vrai.
Quelques explications : certes, l'élévation actuelle mondiale n'est encore que de +0,7 à +0,8°C mais uniquement parce qu'une partie du rayonnement solaire est capté par les poussières émises par les activités industrielles humaines. Cet effet « parasol » est estimé à environ -1,5°C au niveau planétaire. Admettons qu'un scénario extrême d'arrêt immédiat de toute activité industrielle et donc de toute émission de CO2 et de poussières associées soit massivement décidé par tous les peuples de la planète. Les poussières pré-existantes se déposeraient en quelques semaines et nous subirions en moyenne mondiale un choc climatique « instantané » de +1,5°C environ, soit plus que ce que nous avons subit jusqu'ici de manière multi-décennale, nous amenant au delà des +2°C.
Bien peu de nos concitoyens se donnent la peine de fouiller les résultats des paléo-climatologues, qui ont observé que, depuis environ 800 000 ans, les transitions climatiques rapides se produisent avec une équivalence entre +100ppm de CO2 et +6 à +8°C. Or, arrivé à 400ppm cette année (dernier bulletin de l'Organisation Mondiale de la Météorologie), l'élévation est d'environ +120ppm soit une élévation de température mondiale d'environ +8,5°C à l'équilibre (chez nous ça serait de l'ordre de +12°C à +15°C!). Les paléo-climatologues nous indiquent également que cet équilibre thermique est atteint environ en 450ans. On est hélas bien au-delà des « 5 degrés de trop »...
Face à ceci, et à d'autres « bonnes » nouvelles que je garde en réserve, faut-il désespérer ? Je ne le pense pas. Il me semble que ceux qui ont quelques compétences techniques ou quelque notoriété ont non seulement le devoir mais aussi une réelle possibilité d'action, dans le rappel de faits têtus ou dans l'indignation collective (via votre blog par exemple).
Il arrive qu'on obtienne quelques petites victoires qui alimentent la motivation. Ainsi, on m'a permis de m'exprimer à l'UNESCO en juillet 2015 lors de la conférence climatique préparatoire à la COP21 sur le sujet de la re-définition du concept de climat (qui pourrait aider à mieux comprendre où on se trouve et à quelle vitesse on évolue déjà). Science et Vie a repris une de mes remarques concernant la vitesse d'élévation réelle de la température dans son édition de décembre 2015. A un niveau plus modeste, certaines de mes connaissances commencent à poser des questions précises sur l'utilisation du vélo électrique à la place de la voiture pour les petits trajets (ce que je pratique depuis 5 ans).
Paradoxalement, la sévérité rapidement croissante des aléas climatiques pourrait être une aide précieuse dans une mobilisation générale. Face à l'adversité extrême, l'Histoire a prouvé que les divergences se taisent souvent et l'action pour la sauvegarde commune l'emporte. Il nous reste encore à abandonner une certaine forme d'arrogance vis à vis de la Nature et d'un certain nombre de nos congénères pour y parvenir.
Courage.
2 De grenier christian -
Cher Vincent,
Comment vous remercier pour votre réponse ?
En qualité de climatologue ( signalons aux lecteurs que vous m'avez aidé à rectifier quelques erreurs ou imprécisions dans certains de mes romans ! ), vos études, remarques et conclusions ont un poids bien plus important que celui de mes malheureux billets d'humeur !
Dans mon prochain éditorial ( janvier ), je me propose de glisser un lien direct vers votre réponse ci-dessus.
M'y autorisez-vous ?
Ce serait un moyen pratique pour les lecteurs d'avoir accès à des données précieuses, livrées par un spécialiste.
Quant à votre remarque sur "la compatibilité de cette lutte ( contre le réchauffement climatique ) avec la démocratie"... elle renvoie directement à ma petite nouvelle de SF très provocatrice ; Décroissance dure, dictature douce, dans laquelle je suggère que le despotisme éclairé pourrait être une solution face à l'aveuglement d'une majorité de Terriens plus soucieuse de son confort immédiat que de l'avenir de sa propre espèce !
Encore merci pour votre contribution - et pour votre optimisme !
CG
3 De Vincent CAILLIEZ -
C'est bien volontiers que je vous autorise à mettre un lien sur mon commentaire. Au plaisir de vous revoir.
VC