A 55 ans, Kurt Wallander est un policier veuf qui se sent vieillir. Sur un coup de tête, il décide de s’acheter une maison isolée et d’adopter un labrador, Jussi. C’est alors que survient un incident stupide et inexplicable : il quitte le restaurant où il dîner de façon trop arrosée... en oubliant son arme de service sur la banquette ! Il est moins choqué par le blâme qui l’attend que par le regard de ses collègues et, surtout, le fait qu’il n’a aucun souvenir de cet oubli !
Sa fille Linda ( flic elle aussi ) l’avertit qu’elle est enceinte. Kurt fait alors la connaissance de son compagnon, Hans ( qui gère des hedge founds ) – et de ses parents, Louise et Haken von Enke, à l’occasion de ses 75 ans. A son propre étonnement, Wallander sympathise avec ce vieil officier qui a passé sa vie dans les sous-marins, et qui, ce soir-là, lui fait d’étranges confidences concernant la chasse à un submersible étranger ( soviétique ? ) infiltré dans les eaux suédoises à l’automne 1982... En effet, au moment où le navire espion allait être arraisonné, un ordre mystérieux venu du gouvernement a ordonné à l’équipage de le laisser filer. Cette confidence serait banale si... Haken von Enke ne disparaissait pas le lendemain !
Mis provisoirement à pied, Wallander enquête. Il interroge notamment un officier ami du disparu, Sten Nordlander ; il est lui aussi stupéfait par cette disparition inexplicable et lui livre les coordonnées d’un proche de Haken von Enke : l’Américain Atkins, qui vit près de San Diego. Mais voilà que Louise, l’épouse de Haken... disparaît elle aussi à son tour, aussi vite et inexplicablement que son époux !
Informé par Wallander, Atkins vient en personne à Stockholm lui rendre visite pour échanger des informations. Deux membres d’une même famille ( les parents de Hans, le compagnon de sa fille ! ) ont-ils été enlevés ? Par qui ? Et pour quelle raison ? Cet incident vieux de 25 ans aurait-il un rapport avec ces deux disparitions plus que suspectes ?
C’est alors qu’Atkins livre à Wallander une info en apparence anodine qui se révèle un scoop : les von Enke avaient... une fille, Signe, très handicapée, dont son frère cadet lui-même ignorait l’existence !
Wallander se met alors à la recherche de cette fille de 40 ans... et il finit par la trouver !
Bien. Peut-être suffit-il au lecteur de savoir qu’à ce stade du récit... il se trouve page 165.
Et que le roman comporte 550 pages, plus passionnantes encore que le résumé qui précède !
Dernière enquête d’un Kurt Wallander que les familiers de Henning Mankell connaissent bien, c’est ici la quête difficile d’un policier au bord de la déprime. Le thème des sous-marins – puisé dans l’actualité réelle, au temps d’Olof Palme – n’est peut-être pas dû au hasard, on « navigue en eaux troubles et profondes » !
Ce superbe roman policier vaut autant par son contenu que par le portrait attachant que Mankell brosse ici de son héros : un père qui communique peu et mal avec sa fille, un flic qui perd la mémoire et ses moyens, un grand-père qui va attendre longtemps qu’un nom ( Klara ) soit enfin donné à sa petite fille. Ce sombre récit crépusculaire s’achève de façon très inattendue : comme dans tout bon roman policier, le lecteur, comme Wallander lui-même, disposait de tous les indices pour découvrir le coupable. Ce roman engagé qui, comme ceux de Stieg Larsson, évoque les heures sombres de la Suède ( on flirte avec le récit d’espionnage et... avec la réalité des années 80 ! ) possède une écriture sobre, attachante et efficace.
C’est aussi une magnifique réflexion sur la vieillesse, la mémoire et l’oubli.
Lu dans la belle version grand format du Seuil. Ce beau et grand roman méritait une présentation à sa mesure – et elle est proportionnelle au plaisir de sa lecture !