John Irving, Un enfant de la balle

     Farrokh Daruwalla, chirurgien orthopédiste, a plusieurs secrets...
     Le premier, c’est son déchirement identitaire entre l’Angleterre et l’Inde.
     Le deuxième, c’est son obsession à découvrir les gènes des nains achodronplases, ce qui explique sa longue fréquentation des cirques de Bombay et son amitié avec l’un d’eux.
     Le troisième, ce sont ses liens étroits avec une sorte de Colombo /Dr Who local, comédien à la fois adulé et détesté, avec lequel il entretient des liens quasi-familiaux, et pour cause : il connaît comme sa poche le passé ( et la mère ) de celui qui joue le rôle de l’Inspecteur Dhar... sans parler du fait que ce garçon possède un frère jumeau ( mais le comédien, lui, l’ignore ! ), un ecclésiastique qui vient d’arriver à Bombay et qui pourrait bien tomber nez à nez avec son clone... comment faire ?
     Si l’on ajoute le meurtre plus qu’étrange de Mr Lahl, un vieux golfeur du club dont Farrokh et son fils adoptif font partie, on possède une grande partie des clés d’un récit à la fois baroque, lent, complexe et passionnant dont le décor est l’Inde en général et Bombay en particulier !

     Amateurs s’abstenir !
     Si l’auteur du Monde selon Garp et d’Une prière pour Owen ne livre pas ici son œuvre majeure, il immerge le lecteur dans un univers très particulier, tant sur le plan du cadre que sur celui des mœurs ! Rédigé sous la forme classique du monologue indirect libre, ce roman-fleuve d’une rare densité relate à la fois le destin du Dr Daruwalla, mais aussi celui de personnages attachants et multiples. Malgré sa rédaction traditionnelle, ce récit reste à mes yeux inclassable car il traite de l’Inde, du cirque, de la médecine de pointe, de génétique... mais on y trouve aussi une quête identitaire et familiale, le portrait d’un homme déchiré entre deux cultures et deux pays ( comme John Irving lui-même ) en même temps qu’une enquête policière aux pistes et indices entrecroisés, du grand art !
     C’est là un récit complexe et foisonnant réservé aux lecteurs exigeants, qu’on complètera utilement par l’interview que l’auteur a livrée au magazine Lire de février dernier à l’occasion de la sortie en France de son dernier roman, Dernière nuit à Twisted River ( publié comme les autres au Seuil ).

     Superbe ouvrage ( assez lourd... 700 pages ) en grand format avec jaquette, la fameuse collection « blanche » ( avec liséré vert ! ) du Seuil, beau papier, belle typographie.

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