Il y a vingt-cinq ans, il m’arrivait d’assurer auprès d’enseignants ou/et bibliothécaires une conférence au long titre étrange et provocateur : La place de l’école, de l’éducation et de la pédagogie à travers la SF.
Son contenu ? Un florilège d’extraits de nouvelles et de romans de SF abordant de façon originale et futuriste tout ce qui a trait à l’enseignement.
On riait beaucoup, notamment quand je lisais cette nouvelle dans laquelle une prof d’anglais effectuait devant sa classe un strip-tease torride pour que les élèves mémorisent le vocabulaire des vêtements. Je passe sur les « robots-enseignants » et autres gadgets pour m’arrêter, ici, sur un procédé qui faisait déjà un peu moins rire mon auditoire dans les années 70 : les enseignants avaient tous été supplantés par des écrans qui diffusaient des cours magistraux.
- On a enfin compris, expliquait le ministre de ce futur improbable ( du moins improbable dans les années 60 et 70 ), qu’il y a des enseignants plus passionnants et des cours mieux ficelés que d’autres. A quoi bon payer des profs dont les compétences sont discutables ? On a donc fini par déterminer quels étaient les meilleurs et par les enregistrer ! Quant au suivi et au contrôle individuel des connaissances, ils sont assurés par des programmes informatiques auquel doivent se soumettre les élèves jusqu’à ce que les ordinateurs jugent, d’après les résultats de chacun, que les notions enseignées sont enfin acquises.
Dans le cadre de l’opération « la SF ne sert à rien puisque la plupart des impasses qu’elle a explorées et dénoncées sont aujourd’hui en fonction sans que personne ne proteste », on pourrait se demander si cette solution finale ( sorry ! ) ne finira pas par être adoptée.
D’ailleurs, n’en prend-on pas tout doucement le chemin : disparition du sac au profit de l’ordinateur, du livre au profit de la tablette numérique et des clés USB, du prof par le tableau électronique - oui, je sais, je caricature… mais la caricature d’aujourd’hui préfigure la réalité de demain, voir la novlangue et les caméras de surveillance de Big Brother !
Reconnaissons que l’usage intensif de l’écran requiert tout de même bien mieux l’attention de l’élève que l’éternelle binette de son instit ou de son prof…
J’ajoute, à l’intention des syndicalistes, que l’usage des robots de tout poil ( sorry, indeed – disons de tout circuit imprimé ) offre mille avantages sur le corps enseignant : un corps d’ailleurs peu à peu transformé en cyborg puisqu’un enseignant sans ordinateur, sans écran et sans moyen audio-visuel devient aujourd’hui terriblement handicapé.
Eh oui, imaginez les économies !
Ne plus remplacer un enseignant retraité sur deux ? Mais non : on remplacerait désormais chaque partant par ce nouveau procédé ! Après tout, les ordinateurs, les programmes et les moyens audio-visuels sont, eux, disponibles jour et nuit, 24h sur 24. Ils ne tombent jamais malade, ils ne demandent pas de congé de maternité – et ils ne se mettent jamais en grève ! Quel rêve !
Quelle magnifique utopie !
Des esprits grincheux vont peut-être rétorquer qu’il faudra tout de même recruter un personnel humain de surveillance, dans les établissements scolaires comme à la maison, pour vérifier que… les élèves sont attentifs devant leurs écrans ( ! ) ?
Pas si sûr.
Déjà, à la maison, on sait que la nounou la plus économique, c’est la télé. Si l’écran est bloqué sur le programme de 6ème, aucun risque.
J’ajoute qu’un contrôle automatique d’attention, ou des exercices de vérification aléatoires pourraient être imposés au jeune télésp… pardon : à l’élève. Et s’il ne peut pas répondre ou s’il se révèle en faute, on lui enlève des points. Un nouveau système de radar sur la route des examens, vous me suivez bien ?
Et s’il faut trouver tout de même quelques gendarmes humains - pardon : je voulais dire « des surveillants » - ils se recruteront sans peine, ce seront des CDD à bas prix dont la tâche ne sera pas plus compliquée que celle d’un veilleur de nuit.
Invraisemblable, tout ça ?
Regardez-y d’un peu plus près.
Vous verrez que nous nous engageons sur un chemin qui y ressemble déjà assez bien…
CG
1 De albane -
bonjour,
j'ai lu "le chateau des enfants gris" a l’école et la classe et moi nous voudrions savoir pourquoi GLOBODO ne parle pas.
merci
Albane
2 De Dorothée -
Vous le savez déjà, M. Grenier, l'informatique et la robotique, ça coute très cher; sûrement plus que le salaire des enseignants. Et quand ça bug, il faut savoir rétablir les choses vite et bien, ce qui demande des ressources humaines. Un tel système n'est pas encore prêt de survenir. Je crois (et j'espère) ...
3 De grenier -
J'aimerais partager votre optimisme, Chère Dorothée.
Quand j'ai écrit Cinq degrés de trop, mon éditeur a tiqué : cinq degrés de plus à la fin du siècle ? Est-ce que je n'exagérais pas un peu ?
Euh... la semaine dernière, les dernières évaluations, vu le peu de cas qu'on faisait de l'application du protocole de Kyoto, révisaient les prévisions à...
4° de plus en 2040.
Espérons que les prévisionnistes "buguent" davantage que le réchauffement climatique ! Et gageons que les vrais enseignants ont plus d'avenir que les technologies qu'ils utilisent et aiment à promouvoir.
4 De Claire K -
Je suis assez d'accord avec vous et je trouve aussi que ça fait peur...
J'aimerais être prof, et pour l'instant, même si ceux qui utilisent l'informatique sont encore obligés de faire acte de présence, les échanges se font de plus en plus par internet, e-mails et "espaces numériques de travail"... Un ami m'a dit récemment, parlant d'un de ses profs qui met une demi-heure à allumer un ordinateur: "en fait, pour être prof, il faut passer un certificat d'inaptitude chronique en informatique, non?" Les enseignants sont très moyennement formés aux technologies, et l'écart se creuse, ce qui est paradoxal vu la place de l'informatique aujourd'hui.
Le problème de l'écran (et je parle d'expérience), c'est le manque de concentration qu'il engendre: un élève de collège ne sait pas travailler sur un ordinateur sans "dévier" vers des activités pas très scolaires, et à la fac, ceux qui utilisent un ordinateur pour prendre des notes ne font pas non plus que prendre des notes.
L'éducation tend vers la culture du zapping...
Et dans le genre "cours sans prof", indépendamment des nouvelles technologies, il y a aussi la "solution" des cours par correspondance, pour les matières qui ne sont pas enseignées dans certains établissements ou qui ne rentrent pas dans l'emploi du temps... Vive les restrictions de budget.