Le narrateur, Luc Gavarine, a oublié sa serviette quelque part. Avec, à l’intérieur, les clés de son ( grand ) appartement. Luc aime Anne Lebedel qui travaille chez un fleuriste et vit avec lui depuis peu. Certes, Anne a un double des clés mais il redoute de le lui réclamer. Car Anne, Luc le sent et le sait, va le quitter. Il se souvient alors avoir récemment reçu l’appel d’une amie perdue de vue, Marge. Il lui téléphone et elle lui donne rendez-vous dans une piscine où Luc se rend et l’attend.
Mais voilà que son regard accroche celui d’une inconnue. Qui lui sourit. Elle est ( très ) enceinte, pas spécialement belle et Luc comprend que c’est… la femme de sa vie.
Négligeant Marge qui vient d’apparaître ( et n’a pas reconnu Luc ), ils sortent de la piscine ensemble. L’inconnue, qui s’appelle Flore, demande bientôt à Luc s’il accepte de l’accompagner, le lendemain, chez son frère Jean, en Corrèze, où elle doit accoucher.
Luc accepte ; il dort à l’hôtel et retrouve Flore dans le train le lendemain.
A peine sont-ils arrivés ( et accueillis par Jean ) que Flore ressent les premières contractions.
Luc l’accompagne ; il assiste ( et participe ) à l’accouchement, père suppléant improvisé. Le soir, Jean vient le chercher à la clinique et le fait dormir chez lui, près d’un gouffre dont il est le guide et le propriétaire, et il va bientôt embaucher le faux père bien embarrassé.
Quand Flore ( et son bébé, la petite Maude ) reviennent, se pose la question de leurs improbables avenirs…
Attention : quand on lit un récit paru aux Editions de Minuit, l’histoire n’a que peu d’importance. Elle n’est ici qu’un prétexte, un fil conducteur auquel l’auteur accroche mille réflexions et détails, un peu d’humour et beaucoup d’innovations stylistiques.
Le titre lui-même est aléatoire car ce récit aurait aussi bien pu s’intituler : Ma serviette ( Luc l’a perdue, il en achète une autre… qui le suivra jusqu’au bord du gouffre ) ou encore La piscine, puisqu’il y a un avant-piscine ( avec des incertitudes, des femmes oubliées ou bientôt perdues, des regrets ou des deuils à venir ) et un après-piscine, avec une inconnue aimée, un bébé, un beau-frère et un oncle aussitôt adoptés – et même un métier en vue.
Certes, l’histoire en soi est improbable, ce coup de foudre intempestif et ces adoptions impossibles ; mais la narration, hachée, sans cesse interrompue ( aux blancs si évidents que le lecteur les remplit aussitôt ), tient le lecteur sinon en haleine du moins en attente. C’est inattendu, inventif, attachant, recherché. Sans les vertiges d’un Jean-Philippe Toussaint, sans les mystères souvent abscons d’un Claude Simon, mais avec des trouvailles qui rappellent qu’avec Jean Echenoz, les auteurs de Minuit sont en recherche et en marge, soucieux de titiller les lecteurs exigeants qui savent que la Littérature se doit d’arpenter mille et un sentiers inédits, dont certains explorent parfois les voies du futur.
Un détail ( un détail ?
) : à l’instar du regretté Charles Vildrac, Christian Oster fait partie de
ces rares écrivains qui publient à la fois pour Minuit et Midi – je veux
dire : pour la jeunesse !
Lu dans cette version unique, la Blanche des blanches, au format moyen, au papier impeccable, si aisément reconnaissable avec son titre en bleu nuit et son sigle en étoile au M manuscrit suspendu…