Suzanne, onze ans, n’a pas d’amis et une passion pour la lecture. Elle a une grand-mère… possessive, qui vit dans une maison très kitsch et lui sert des frites dans un cornet de papier bleu. Elle a aussi un papa absent, indifférent, plus intéressé par le parachute que par sa fille. Et une mère plutôt dure qui l’inscrit à un cours de danse avant de constater que « loin de faire de moi une personne gracieuse, le cours de danse me ratatinait de semaine en semaine ». Une mère qui s’acharne à lui faire couper les cheveux très courts au point que « les commerçants l’appellent jeune homme ou mon petit garçon ». D’ailleurs, Suzanne ( qui est en 6ème ) finit par se demander « en quelle classe on se marie. Et avec qui ? Un garçon, sans doute ».
Un jour, sa mère embauche Tim, un jeune ( il a 19 ans ) répétiteur d’anglais sympathique et maladroit qui, au lieu de parler anglais, préfère parler français en douce – c’est plus agréable pour l’élève et pour le maître ! Un jour, Tim, désespéré, avoue à Suzanne que rien ne va plus entre sa fiancée, Isabelle, et lui. Suzanne, qui nourrit pour son cher répétiteur une vague d’amour sur un lac d’amitié, va tout faire pour les réconcilier. Avec la complicité de sa mère, elle fait la connaissance d’Isabelle et fomente un complot pour réconcilier les amoureux fâchés…
Ecrivaine complète et auteure tout court – c'est-à-dire à la fois pour adultes ( Trop sensibles ) et pour la jeunesse ( Verte… et j’en passe ! ) Marie Desplechin brosse ici le portrait d’une jeune fille qui pourrait bien lui ressembler quand-elle-avait-onze ans. Solitaire et mal dans sa peau, Suzanne ne vit que par et pour les livres. « Tu vas finir par te gâcher les yeux ! » lui reproche sa mère… comme le faisait déjà la mienne, mais c’était dans les années cinquante ! Aujourd’hui, c’est beaucoup plus rare, on s’abîme les yeux autrement…
Tim devient vite le grand ami ( il fait deux fois sa taille ) de Suzanne et un interlocuteur de choix. Son français est si pittoresque qu’on rit ( ou on sourit ) à chacune de ses reparties !
Si le sujet de ce récit est mince, son propos est riche et multiple : c’est un petit festival de portraits et de réflexions sur l’existence, l’amour, la vie, l’amitié...
Marie, j’ai fait sa connaissance dans des circonstances très particulières.
C’était il y un peu plus de vingt ans, à l’hôtel La boule d’or de Bressuire. Le soir de mon arrivée, comme le maître d’hôtel allait m’indiquer une table pour dîner ( je devais, comme d’autres écrivains, intervenir dans un ou deux collèges ), il a précisé :
- Deux autres écrivains sont invitées au salon du livre de demain. Accepteriez-vous de partager la même table ?
Je ne les connaissais ni l’une ni l’autre. Aucune d’elles ne me connaissait.
Ce fut simple et rapide :
- Je suis Christian Grenier. Et toi ?
- Marie Desplechin… et toi ?
- Moi, c’est Anne Guduel. Mais on m’appelle Gudule.
Une soirée inoubliable. Quand des écrivains se rencontrent… devenez de quoi ils vont parler ? De littérature, évidemment. Et ce soir-là, Marie a très bien pu nous faire remarquer ce que Suzanne confie à ses lecteurs de neuf ans ( et plus ) : « Je trouve drôle que le même mot de romantisme parle à la fois de l’amour et des romans. »
Oui : s’il y a des romans d’amour… il y a l’amour des romans.
CG
Lu dans sa version d’origine, la « Blanche » de L’Ecole des Loisirs ici destinée aux Neuf ans et plus