Non, je ne reprends pas le slogan des manifs qui exigent le retrait du projet de retraite – projet d’ailleurs retardé avec la crise du Covid 19... comme quoi le bout est parfois plus loin que prévu.
J’évoque la phrase laconique qui conclut le verdict de pas mal d’amis scientifiques avec lesquels j’évoque le peu de cas que font les autorités, à l’approche de l’été, des conséquences du réchauffement climatique. Mais je ne suis pas inquiet : on va bientôt en parler puisque les pics de chaleur vont remettre la question sur le tapis, on en a pris l’habitude…
Quand il m’arrive (de moins en moins souvent) d’en parler, on me considère avec un petit sourire – comme si j’étais un collapsologue, terme qui, aujourd’hui, s’apparente soit à une forme particulière de terrorisme, soit encore carrément à une insulte – ou un indécrottable pessimiste.
Récemment encore, face à un ami (pas un imbécile) qui m’affirmait que oui, bien sûr, la Terre se réchauffe, mais bon, ce n’est pas la première fois que notre planète subit de telles modifications de température, j’ai tenté de lui démontrer que c’était tout de même la première fois que ça se produisait… 10 000 fois plus vite que lors des précédentes périodes de changement de climat. Ca, m’a-t-il répondu, c’est ton opinion.
Sa réponse m’a éclairé : oui, le changement climatique, ce n’est pas scientifique, c’est une question de point de vue, d’opinion. Comme une religion, ou le choix de convictions politiques. Que des milliers de scientifiques ( très exactement 15 364, de 184 pays ) expriment la même opinion, les mêmes certitudes, les mêmes craintes, qu’ils en appellent d’un même élan à modifier d’urgence nos comportements pour éviter que notre planète bascule vers un réchauffement incontrôlable, cela n’est qu’une question de croyance.
D’ailleurs les climatosceptiques (il y en a encore) expriment une autre opinion, ce qui est la preuve que les premiers ont peut-être tort : le CO2 met plusieurs siècles à se dissiper ?
Mais qui le prouve, en effet, après tout ? Attendons un peu, pour voir !
Et puis flûte, on trouvera bien une solution (cette conviction envers les futurs progrès de la science, elle émane de ceux qui, précisément, ne font pas confiance aux 15 364 scientifiques précédents !) Et puis quoi, on va pas régresser, tout de même !
Oui, la décroissance, ce serait une catastrophe – notamment pour l’emploi.
Cet hiver, nous avons eu des semaines entières pendant lesquelles, avec un grand sourire, les météorologues nous informaient, quelle chance, que nous étions 10° au-dessus des normales saisonnières ! Sans doute faudra-t-il attendre les canicules de l’été pour que le ton soit moins gai. Et quand je pose la question aux sceptiques (si je les qualifie de négationnistes, je vais me faire taper sur les doigts) : vous avez vu le recul des glaciers ? Quand pensez-vous qu’on pourra retrouver leur état, celui dans lequel ils étaient en 1950 ?
Ils ne me répondent pas (mais leur moue évoque la réponse que ne trouve pas Fernand Raynaud face à la question concernant le temps que met le fût du canon à se refroidir : un certain temps). Et quand je leur affirme : au mieux, dans deux ou trois siècles – et encore, à condition qu’on se décide à agir rapidement. Au pire, jamais !
Là, ils haussent les épaules, avec la formule : Bah, la planète, elle en a vu d’autres !
Exact.
Mais la seule chose dont on peut être certain, c’est que dans quelques millions (et même milliards) d’années, elle tournera encore autour du Soleil.
Quant à la Vie, c’est une autre histoire. L’Histoire de l’humanité, elle, aura sans doute pris fin.
Parce qu’on ira jusqu’au bout, en effet.
CG
Merci à Tym! pour l'autorisation pour le dessin. (c) tym! Tym-cartoon.com
1 De Vincent CAILLIEZ -
Bonjour Christian,
Tu prends position sur le fonctionnement de la société humaine pour écrire qu’on ira (très probablement) jusqu’au bout. Moi, je reste dans ma posture de climatologue et je me demande si on n’en est pas déjà très proche, du bout.
Je m’explique. Le site du Global Carbon Project indique une probable baisse de 7% des émissions de CO2 en 2020, par rapport à 2019. Donc la Covid nous permet de faire une expérience en grandeur réelle de la manière dont il faudrait régresser (en matière d’émission de GES s’entend!) et ceci chaque année pendant plusieurs décennies pour limiter sensiblement les dégâts du Changement Climatique à nos propres enfants. Ceci est vrai en utilisant les résultats habituels de la modélisation climatique, dans les rapports du GIEC par exemple.
Mais la publication 2020 du bulletin mondial sur les gaz à effet de serre de l’Organisation Mondiale de la Météorologie nous joue une autre musique sur ce qui est réellement en train de se passer. Ce bulletin prend acte de la diminution de 7% des émissions en 2020 et indique une influence probable de 0,08 à 0,23ppm sur le niveau d’augmentation annuelle de la teneur en CO2 (qui est de l’ordre de +2,6ppm/an désormais). Donc, on pourrait avoir une estimation de ce qu’il se passerait en 2021 si on y faisait -100% (soit zéro émission, c’est déjà presque trop tard mais admettons). On va simplifier volontairement et faire une règle de 3. L’influence de -7% vaut -0,155ppm (en estimation centrale), donc -100% vaut (0,155/7*100)=-2,2ppm. C’est à dire qu’en cas d’émission nulle, la teneur en CO2 de l’atmosphère va continuer de croître, quoique de manière sensiblement atténuée, autour de +0,4ppm/an.
Mais alors serions-nous déjà au point de non-retour de l’emballement de l’effet de serre et cela contredit-il ce que nous avons exposé dans notre ouvrage “2040”? En fait non, car il s’agit d’un fonctionnement transitoire qui intègre les dégradations de la biosphère sous influence d’une évolution climatique rapide jusque-là. Si la hausse du CO2 dans l’atmosphère diminue fortement, les dégradations de la biosphère vont progressivement se réduire, c’est à dire qu’elle va re-devenir plus adaptée et donc plus efficace, en particulier dans sa captation du CO2 atmosphérique. Cette ré-adaptation grignotera progressivement la hausse résiduelle de la teneur en CO2 et, au bout de une à deux décennies (si on ne dégrade pas la biosphère par d’autres moyens...), on devrait repasser en très lente diminution.
Mais effectivement “on est déjà très proche du bout”.
Vincent
2 De JEan Louis Bobin -
Une bonne référence sur le sujet: "Climat, la réalité tout simplement", édition Les Unpertinents, livre écrit par mon ami climatologue Jean Poitou et pour lequel il m'avait demandé une postface.