La vie secrète des écrivains, Guillaume Musso, Le Livre de poche

Ecrivain débutant dont le manuscrit est refusé un peu partout, Raphaël Bataille décroche un emploi d’été dans l’unique librairie de le petite île Beaumont (près de Porquerolles).

Son objectif ? Parvenir à contacter l’écrivain Nathan Fawles, l’auteur mythique qui, après avoir sortit trois bestsellers, a renoncé depuis l’an 2 000 à publier quoi que ce soit et même à recevoir le moindre journaliste : à l’image de J.D. Salinger, il vit dans l’île Beaumont, terré (avec son chien) dans sa somptueuse propriété La Croix du sud, à la pointe du safranier.

Fan absolu de Nathan Fawles, Raphaël espère obtenir de lui des conseils pour être enfin publié – mais sa mission risque d’être difficile…

En effet, peu après son arrivée dans l’île et dans la librairie (La rose écarlate) d’Audibert, son propriétaire grincheux, le cadavre d’une jeune femme congelée est découvert, littéralement cloué à un arbre en pleine nature. La police mène l’enquête et l’île est… confinée.

Si Raphaël a bien du mal à approcher la propriété de Nathan Fawles (son occupant tire à vue sur ceux qui s’y introduisent en douce !), une jeune femme va y parvenir : la jeune journaliste suisse Mathilde Monney. Contre toute attente, Nathan Fawles accepte de la recevoir, et même de répondre à ses questions…

Ses visites auraient-elles un rapport avec ce crime étrange ?

Ce roman m’a été prêté par mon médecin (Patrick Waquier, devenu le médecin légiste Doc Ti Waq dans mes Enquêtes de Logicielle), fan absolu de Guillaume Musso, Michel Bussi et… Henri Bordeaux (cherchez l’erreur !), car sa lecture l’avait enthousiasmé.

Et je le comprends : l’ouvrage se lit d’une traite, en cinq heures.

Musso a une grande qualité : il sait emporter son lecteur. Le style est fluide, sobre, efficace (Musso, on le sait, ne se veut pas novateur, il ne prétend pas rivaliser avec Raymond Queneau, Georges Pérec ou Albert Cohen !).

Bref, l’attention ne fléchit pas. Du moins jusqu’à la page 222, où l’on commence à comprendre que ce meurtre est… la conséquence d’un drame familial vieux de près de vingt ans – il date très exactement du 11 juin 2000. Là, peu à peu, grâce à un appareil photo volé, perdu, vendu et racheté, grâce à des lettres adressée à une jeune femme dont le prénom commence par un S, on suit à rebours le fil (plein de nœuds !) d’une histoire qui remonte… au siège de Sarajevo et à la guerre du Kosovo.

Les clés du mystère (oui, il y en a plusieurs, imbriquées et livrées une à une, jusqu’au bout, suite à plusieurs malentendus) nous font entrer alors dans une autre histoire : l’Histoire, autrement dit une toile de fond qu’il s’agit de raccrocher à l’intrigue de départ – un grand écart à mes yeux, euh… pas si évident à franchir !

Certes, c’est là un puzzle ambitieux (mieux vaut, pour le dernier tiers de l’ouvrage, tenir un arbre généalogique des liens familiaux des protagonistes !) dont les dernières pièces se juxtaposent en fin de parcours. Mais l’intérêt de l’ouvrage tient surtout à ses nombreuses références et réflexions littéraires. Derrière le débutant incompris Raphaël Bataille et l’auteur à succès Nathan Fawles se cache évidemment Guillaume Musso lui-même : ses opinions et ses critiques impitoyables envers les éditeurs sont celles d’un auteur malmené par celles et ceux qui distinguent la vraie et bonne Littérature des ouvrages faciles à lire et qui se vendent bien – donc futiles, médiocres et périssables.

Sur ce plan, j’avoue partager un grand nombre des remarques de Nathan Fawles alias Guillaume Musso. Ce dernier, d’ailleurs, tient à montrer, ici ou là, qu’il connaît ses classiques, de Steinbeck à Marcel Proust en passant par Umberto Eco, Kundera, Shakespeare, Ionesco et Kafka.

D’autre part, Musso se met lui-même en abymes (le pluriel d’abymes est volontaire !) à plusieurs reprises, moins - je crois - pour noyer le poisson que pour inviter le lecteur à réfléchir (?) sur la distanciation nécessaire existant entre l’imaginaire et le réel.

On l’aura compris : même si je ne suis pas un lecteur inconditionnel des Musso-Lévy-Bussi, je ne suis pas de ceux qui crachent dans la soupe.

Pour avoir entendu Guillaume Musso répondre à certaines questions, je pense qu’il est un écrivain authentique : il aime écrire, il le fait avec passion et conviction – et s’il touche et convainc des lecteurs, je n’y vois que des avantages. Qu’il passe ou non à la postérité, c’est une autre histoire.

Quelqu’un qui cite cet aphorisme d’Eugène Ionesco est, j’en suis sûr, sincère : Un écrivain n’est jamais en vacances. Pour un écrivain, la vie consiste soit à écrire, soit à penser à écrire.

Georges Simenon, longtemps incompris, aurait sans doute approuvé… et souri.

Lu dans sa version poche, avec une fort belle couverture semi-rigide en rouge et noir – et blanc !

CG

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