L’écrit ou l’écran ?

L’e-book, ou la « liseuse », semble revenir en force.

Alors, « la mort du livre », c’est pour bientôt ?

Pas si vite…

Malgré les efforts déployés par les médias et l’éducation nationale, le livre semble bien résister ! Pourtant, que de publicité autour des nouveaux médias-écrans de la lecture : e-books mais aussi I-Pods et même téléphones portables !

De plus, le budget des conseils généraux délaisse le livre au profit des tableaux électroniques et des ordinateurs. Objectif : sans doute « être dans le vent » et surtout faire accéder l’informatique au plus grand nombre. Au point que, lors de la récente rentrée, face au retard pris dans l’impression de certains ouvrages scolaires, on a décidé de leur substituer leur « version numérique ».

Soit.

Oh, loin de moi l’idée de critiquer l’aspect en apparence démocratique de cet argent dépensé au profit du numérique. Beaucoup de jeunes de milieux défavorisés n’ont pas d’ordinateur, c’est vrai. Et une clé USB pèse moins lourd qu’un sac traditionnel d’écolier, c’est encore vrai.

Mais le vieux schnock s’étonne et même regimbe ou s’insurge - zut ( pardon : shit ! ), encore des mots inconnus ou vieillis…

Quitte à choquer, je pense qu’en France, même dans les familles modestes, l’ordinateur est devenu monnaie courante. Si de jeunes collégiens n’y ont pas un accès individuel, les raisons n’en sont pas toujours financières. Car l’achat d’une console de jeu ou d’un téléphone portable est souvent plus fréquent que celui… d’un livre ! Eh oui, il paraît scandaleux à bien des familles de dépenser 5 ou 6 euros pour l’achat du livre de poche demandé par le prof de français une fois par trimestre… ou par an ! Mais les mêmes familles se saigneront aux quatre veines ( expression vieillie, désolé… ) pour que leur ado ait une DS ou un portable. Sinon, face aux copains, c’est la honte !

Il y a quinze ans, j’affirmais que l’e-book n’était pas près de remplacer les livres. Je persiste et je signe, malgré les craintes des éditeurs eux-mêmes qui, depuis quelque temps, insistent pour que les auteurs signent dans leur contrat un « avenant » destiné aux « droits numériques ».

Question : sur mille individus penchés sur l’écran de leur ordinateur, combien sont en train de « lire un texte littéraire » ?

Ah, il paraît qu’on lit aussi sur son téléphone portable ; mon dernier roman policier est d’ailleurs disponible sur un serveur spécialisé, chapitre par chapitre.

Nouvelle question : sur mille personnes qui utilisent l’écran de leur téléphone portable ( et sont donc occupés à autre chose qu’à… téléphoner ! ), combien sont en train de lire un récit ?

Dernière question : allez dans un supermarché ou un magasin d’informatique ; et demandez combien d’e-books ont été vendus - oh, je ne doute pas qu’on en achète dans les deux mois à venir pour faire un cadeau à Noël, mais de là à ce qu’on les utilise au quotidien…

A mes yeux, la situation se résume un peu ainsi : les vrais lecteurs aiment les vrais livres. Et les authentiques amateurs des nouvelles technologies les utilisent pour leurs fonctions premières : Internet, mails, photos, films, jeux…

Autrement dit, l’e-book se trouve à la jonction d’un public rare et improbable dont je pourrais être l’un des représentants, moi qui suis l’auteur des Enquêtes de Logicielle, de Virus LIV 3 ou la mort des livres, et qui tente de réconcilier littérature et nouvelles technologies.

Eh bien si j’utilise portable et ordinateur… ce n’est jamais pour lire un récit !

Si le CD est en péril, c’est parce que la copie numérique est parfaite et l’usage identique : aucune ( ou très peu de ) différence entre l’écoute d’un CD original et sa copie-pirate. Mais rien ne remplacera le livre, qui voisinera avec la « liseuse », comme voisinent aujourd’hui dans les CDI romans et ordinateurs.

Et pour achever cette « minute du vieux schnock », un petit mot sur le terme de « liseuse » qui, s’il suggère aujourd’hui un écran numérique, m’évoque d’abord un petit vêtement de femme, une veste chaude d’intérieur ( pour lire au lit ) - cf Le Petit Robert.

Eh oui, entre l’e-book et la liseuse, le vieux schnock penche davantage vers… la façon traditionnelle de lire !

Désormais, et afin de rendre les lecteurs plus sensibles à « l’objet-livre », je décrirai en deux ou trois lignes, dans mes « lectures du mois », les caractéristiques de l’édition dans laquelle j’aurai lu tel ou tel ouvrage. Parce que de même qu’une chanson est souvent associée au lieu dans lequel ( et aux personnes avec lesquelles ) on l’a entendue pour la première fois, une histoire est liée à l’ouvrage et aux conditions dans lesquelles on l’a découvert, un objet qu’on aime posséder, retrouver, relire et feuilleter avec émotion.

CG

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