Le chant du Troll - Pierre Bottero

Les parents de Léna se disputent – son père, en effet, écrit. Trop ?

Mais voilà, l’écriture est sa vie. Et l’étrange ouvrage qu’il rédige avec une ferveur inaccoutumée dévore son temps et son énergie.

Aussi, à bout, la mère de Léna s’en va. On saura un peu plus tard qu’elle travaillait à l’hôpital.

Et ce matin-là, en allant à l’école, Léna note que les couleurs du monde ont changé. On dirait des rêves de fées qui dégoulinent. Et puis quelle est cette petite fleur rouge qui naît dans la fissure d’un mur ? La présence d’inconnus, d’une surveillance sournoise, la prise de conscience, le lendemain, que la ville est envahie par une explosion végétale mettent Léna ( et le lecteur ) en garde. L’apparition de Burph le Sprite au sein de cette réalité qui bascule - oui, il est question d’un mystérieux basculement en cours… - et d’un féroce chien rouge aux allures de monstre, l’écriture opiniâtre du récit du père… voilà autant d’indices qui vont mener Léna et le lecteur au bout d’un récit bouleversant, dont les métaphores s’éclaireront dans les dernières pages.

Ce Chant du Troll est un chant du cygne, un testament inconscient, le dernier ouvrage, last and least, d’un écrivain disparu il y a un an. Un ouvrage dont les apparences de fantasy dissimulent mal d’étranges prémonitions et une conclusion tragique et inattendue. Un auteur jeunesse dont le propos ( ici comme ailleurs ) dépasse largement l’univers de la fantasy et le public favori de Pierre Bottero.

Impossible d’en dire plus.

Car c’est là un récit poignant et inclassable, à l’image de la forme que les Editions Rageot lui ont fait revêtir, celle d’un magnifique livre-album où les images-choc de Gilles Francescano rythment une histoire aussi étrange et attachante qu’haletante. Des illustrations quintuples ( mais si ! ) à déplier à des moments soigneusement choisis, périodes où le récit s’élargit ; des illustrations qui invitent le lecteur à soupçonner qu’une image en cache certainement une autre, et que les métaphores peuvent être filées comme le livre peut être plusieurs fois ouvert, à tous les sens du terme…

Cet avis, je le sais, est forcément partial. Parce que lire Le chant du Troll en connaissant le parcours et l’histoire de son auteur lui donne un relief acéré, presque douloureux. Comme si Léna était le double inconscient de son père. Ce texte me touche aussi, sans doute, par la forme qui lui est donnée - celle que revêt Toi, lumière de ma nuit, qui est également une métaphore sur les Réels et les Imaginaires.


Un ouvrage cartonné qui ne sera jamais réduit à un livre de poche, ou à du numérique. Un très bel objet dont le poids, le relief et la qualité des illustrations sur papier glacé excluent avec évidence la question d’une version différente

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