La Bête et la Belle, Thierry Jonquet

Près d’Etretat, où un gamin a sauté ( ou a été précipité ? ) d’un train, le commissaire Rolland Gabelou enquête… Accident ou assassinat vieux d’un mois ? Il faut sortir le cercueil et faire l’autopsie d’un cadavre trop vite enterré. Car l’Emmerdeur est là, payé par les assurances ( ou les journaux ? ) pour que l’enquête aboutisse au meurtre plutôt qu’à l’accident, ce qui dispenserait l’assurance de payer la prime ! Eh oui, des disparitions inquiétantes ont récemment eu lieu : le ( faux ? ) suicide d’une petite vieille, un commis-boucher fauché par un chauffard qui s’est enfui…

Il faut dire que Gabelou dispose de deux indices de poids : d’abord le vieux Léon, complice taiseux du Coupable avec lequel il a vécu quelques mois, dans une maison où tous deux ont amoncelé les immondices au point de se réfugier derrière eux – neuf mois d’une incroyable descente dans l’enfer des ordures… Et surtout, des cassettes audio enregistrées par le Coupable, sur lesquelles il explique comment il a assassiné d’abord la belle Irène ( son amie et collègue documentaliste aux mœurs légères, qui le repoussait ) ; puis la vieille ( en maquillant l’assassinat en suicide au gaz ) et enfin le commis-boucher, écrasé avec sa Ford.

Mais s’accuser sur un enregistrement est-il vraiment suffisant ?

Parce que le Coupable est mort. Et s’il était plus provocateur et menteur que coupable, après tout ?

Avec une narration à trois voix ( la sienne, celle de Gabelou et celle du vieux Léon ), et un ton polardeux haut de gamme, Thierry Jonquet ne cesse de semer des indices et des doutes chez le lecteur, entre cette banlieue imaginaire, Altay I et Altay II ( en réalité Aulnay ), Etretat, et un Quai des Orfèvres digne de la série Le Boulevard du Palais.

De jolis portraits. Un ton à la fois littéraire et désabusé… bref, du vrai Noir ! Et un classique du genre ( 1985 ) qui opère une jonction idéologique et stylistique évidente avec les romans de Jean-Patrick Manchette, lui aussi prématurément disparu.

Le petit Jonquet ( par la taille ) se montre déjà, en 1985, un futur grand auteur.

C’est là, surtout, l’histoire d’une étrange et morbide amitié entre deux hommes : le vieux Léon et ce Coupable qui aimait fantasmer, voir rouler des trains miniatures, et cacher sa misanthropie derrière des sacs poubelle au parfum de mort…

Ma femme et moi avons croisé bien des fois Thierry, et apprécié autant l’homme ( discret, sombre, silencieux ) que l’écrivain ( tant jeunesse qu’adulte ), un familier des salons du polar. Thierry, je parlais déjà de lui en l’an 2 000, lors d’un Salon mémorable ( celui d’Ay en Champagne ) qui fut à l’origine de la parution de mon album Le Tyran, le Luthier et le temps.

Pour en savoir plus, se reporter au titre de cet album et à la page… « pour en savoir plus » !

Lu plusieurs fois – mais la première fois, dans la version d’origine : la Noire, du vrai et du beau Gallimard !

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