BEN LADEN EST MORT !
et... on a retrouvé l’une des boîtes noires de l’Airbus Rio-Paris qui s’est crashé en mer le 2 juin 2009 !
Ces infos du 2 mai n’ont en apparence aucun rapport l’une avec l’autre.
La mort de Ben Laden fait la Une. La liesse est de mise et certains ministres français parlent d’une « victoire de la démocratie ».
Soyons clairs : je n’ai pas pleuré à l’annonce de la mort de Ben Laden.
Mais les rassemblements festifs et les cris de victoire des pays occidentaux me surprennent et m’interpellent... peut-être parce qu’ils ressemblent bigrement à ceux des intégristes célébrant les victimes des attentats qu’ils provoquent. Euphorie d’autant plus étonnante qu’elle émane souvent de pays catholiques (les USA ont placé Dieu dans leur constitution et sur les dollars ) dont le dogme ( et les prêcheurs ! ) prônent plutôt le pardon.
Pardonner à Ben Laden et à Al-Qaida ? Difficile, je l’admets !
Mais si les Etats-Unis avaient de la mémoire, ils se souviendraient que Ben Laden est un peu leur enfant : il y a 35 ans, à l’époque où l’URSS et le communisme constituaient une menace pour les pays de la libre entreprise... qui a soutenu, qui a armé les talibans et les islamistes fanatiques susceptibles de repousser le pouvoir soviétique ?
Les Etats-Unis.
Célébrer une victoire parce qu’un chef a été abattu me semble prématuré. Une vengeance ( qu’on peut juger légitime) a peut-être été effectuée — mais qui peut dire « justice est faite » ?
De même, évoquer une « victoire de la démocratie » commence à m’inquiéter...
Si la démocratie envisage de bombarder tous ceux qui ne prônent pas la démocratie, la méthode me rappelle celle des fanatiques religieux de l’autre bord !
La vraie « victoire de la démocratie », pour Ben Laden, aurait été de le capturer, de le juger et de le condamner. Oui, j’aurais été très curieux d’entendre l’avocat de Ben Laden s’expliquer sur les motifs et justifications des attentats qu’il a commandités ( sans doute parce qu’ils sont justement injustifiables ! )
L’éliminer d’une bombe est une liquidation à la fois rapide, expéditive mais trompeuse. Parce que la mort de Ben Laden ne supprime pas Al-Qaida ; elle ne résout en rien les problèmes du terrorisme en général, et du terrorisme des fanatiques islamistes en particulier.
La mort de Ben Laden ne fera pas revivre les victimes des attentats – elle pourrait même, à terme, en provoquer d’autres, par représailles... un cercle vicieux bien connu !
L’une des boîtes noires du Rio-Paris a été retrouvée. Son examen ne fera pas revivre les 228 victimes de l’accident. Mais il permettra peut-être d’éviter d’autres crashs, donc d’autres centaines de morts. C’est moins spectaculaire et bien différent.
Etre parvenu à tuer Ben Laden me fait penser à ces uchronies dans lesquelles l’auteur imagine qu’Hitler a été tué dans son berceau par un inconnu venu du futur.
Si Hitler n’avait pas existé, le nazisme serait sans doute né. D’autres hommes providentiels seraient apparus. La vengeance contre la défaite allemande de 14/18 aurait été prônée par d’autres théoriciens. A cause des conditions du traité de Versailles, de l’humiliation de l’Allemagne, de la nécessité de trouver un adversaire de poids à l’ennemi de l’est ( Staline ), et de l’antisémitisme rampant qui, hélas, débordait largement des frontières de l’Allemagne !
Aussi, au-delà de la vengeance et de la disparition de l’ancien responsable d’Al Qaida, la mesure la plus salutaire consisterait sans doute à s’interroger sur les motifs de la montée du fanatisme – de tous les fanatismes. Le mode de vie, de consommation et de pensée de nos sociétés occidentales déçoit une partie du monde. Et si l’ont tentait d’étudier de plus près les ferments du renouveau des intégrismes ? De comprendre les motifs de la haine, de la rancœur ou de la simple désespérance d’une partie de la planète, de plus en plus tentée par les aspects les plus destructeurs du mysticisme et de la foi ?
Alors, grâce à cette analyse, peut-être lutterait-on plus efficacement contre les successeurs de Ben Laden. Car, je le crains, il y en aura.
Le rapport entre ces deux informations ?
Tuer Ben Laden : spectaculaire mais peu utile... voire contre-productif !
Retrouver les boîtes noires : dérisoire en apparence... mais là au moins, on cherche les causes de l’accident. Et des solutions pour y remédier.
Si on appliquait la même méthode pour le terrorisme ?
C.G.
1 De Claire K -
Je suis entièrement d'accord. Comment peut-on parler de "justice" ou de "réussite" alors qu'il s'agit d'une exécution?
Les images associées à cette nouvelle sont choquantes: photos de cadavre plus ou moins falsifiées, dérangeantes, irrespectueuses, même pour un terroriste ennemi public n°1 aux Etats-Unis. Tout aussi choquant ou presque, les images des foules en liesse aux Etats-Unis, ou celles d'hommes politiques, pas forcément américains, qui se réjouissent à l'annonce de la nouvelle. Pour le pays des droits de l'homme qui a aboli la peine de mort depuis un moment, la réaction est un peu excessive...
Monter une opération commando (ou "des forces spéciales", je crois que c'est l'appellation officielle) pour tuer un homme (ou plus d'un?), n'est-ce pas aussi une forme de terrorisme?
2 De Christian Grenier -
Merci, Claire, pour cette réaction à mon billet.
Parfois, on a un peu l'impression d'être seul face à des informations et des réactions qui semblent faire l'unanimlté.
Le lendemain de la nouvelle, certains Américains eux-mêmes nuançaient cette victoire... comprenant que les choses n'étaient pas si simples !
3 De Jean-Louis -
Eh bien, je ne suis qu'à moitié d'accord avec toi, Christian ! Si j'essaie de me mettre à la place d'un chef d'état comme Obama, il était inimaginable de juger publiquement Ben Laden (pas plus qu'à huis clos, d'ailleurs). Cet homme mort, il existe une possibilité de délitement de son réseau. Vivant, disposant d'une tribune internationale, Al-Qaida serait au contraire sortie renforcée de la publicité offerte par le procès. Sinon, pour le reste nous sommes d'accord.
4 De Flupke -
..."d’autant plus étonnante qu’elle émane souvent de pays catholiques (les USA ont placé Dieu dans leur constitution et sur les dollars)"...
C'est hallucinant de lire sous la plume d'un écrivain tel que vous une telle absurdité. Les États-Unis, un pays "catholique" ??
Ignorez-vous que la théologie catholique et la théologie protestante sont fort différentes ? Et que la théologie des born again christians (tel G. W. Bush) s'écarte elle-même assez profondément de celle de Luther ?
5 De Patrick -
hum, on se calme ...
1) on n'insulte pas les gens
2) tout le monde peut se tromper, même un écrivain.
J'imagine que Christian pensait "pays chrétiens" et a écrit "pays catholiques"
3) il semble que les USA comptent près de 24% de catholiques, ce qui est déjà pas mal ...
( cf. http://religions.pewforum.org/repor... )
6 De grenier christian -
Deux réactions de ma part !
1/ Désolé, Flupke, pour ma confusion entre catholiques et chrétiens, confusion judicieusement rectifiée par mon webmaster. Il faut dire que Dieu, dans tout ça, est un peu mis à toutes les sauces - et j'avoue ignorer la position précise du "pardon" dans la théologie des "born again christians" !
2/ Merci, Jean-Louis, pour ta nuance bienvenue en effet.
Lors de notre rencontre, tu m'as subtilement demandé : "Si tu avait été Obama, qu'aurais-tu fait ?"
En ce cas, en effet, j'aurais réfléchi et je me serais dit que Ben Laden jugé, il aurait été... soit condamné à mort ( et excuté, et devenu un martyr ! ), soit emprisonné à vie, ce qui aurait entraîné bien d'autres problèmes. Il est donc probable que j'aurais, comme Obama, ordonné l'exécution de Ben Laden, et commandé qu'on fasse disparaître son corps. Nous sommes d'accord !
C'est d'ailleurs pour éviter que se pose à moi ce genre de dilemme que je doute me présenter jamais à une quelconque élection présidentielle !!
7 De Joseph -
Ben Laden était une figure du Mal pour les Etats-Unis d’Amérique. Cette nation n’a pas encore une longue histoire, elle a besoin d’un Autre, distinct d’elle, le plus souvent ailleurs, pour en faire l’Ennemi qui lui permet d’exister (je ne sais pas si la guerre de sécession entre dans cette schéma). En France, notre histoire, si elle est parfois lourde à porter, est aussi un garde-fou, du moins je l’espère.
Juste une confidence, hors-sujet, pour clore ce commentaire. Monsieur GRENIER, avec des auteurs comme Pierre PELOT, ROSNY-AINE ou William CAMUS vous m’avez ouvert les portes de la science-fiction quand j’étais enfant. J’ai aujourd’hui 49 ans.