Je prends La Mouche…

... pour rendre une fois de plus à César ce qui lui appartient.

Et je profite pour cela de la double sortie de :

* La délicatesse deDavid Foenkinos, à la fois l’auteur du roman ( voir la note de lecture juste en dessous sur ce blog ) et réalisateur du film.

* la nouvelle sortie ( en salle et en DVD ) du film La Mouche de Cronenberg.

David Cronenberg, ça vous dit quelque chose ? Evidemment.

Et La Mouche ? Bon, d’accord, inutile de vous raconter l’histoire.

Ce film, vous êtes des millions à l’avoir vu. Aux Etats-Unis, en France et ailleurs. Et quand je dis le film, encore faudrait-il savoir lequel. Parce que des mouches, si j’ose dire, il y en a eu beaucoup sur les écrans…

Vous voulez tout savoir sur La Mouche ?

Eh bien je vais vous en apprendre.

Si, si, sûrement.

Au cinéma, la première mouche, c’est…

En 1958, La Mouche noire réalisée par Kurt Neumann.

En 1959, Le retour de la Mouche, suivi…

En 1965, de La malédiction de La Mouche, on n’en finit plus.

Cependant, le film qui a eu le plus de retentissement est sans doute :

En 1986, La Mouche de David Cronenberg

En 1989, La Mouche 2 ne mérite guère son nom puisque tout un essaim la précède, ce que beaucoup de téléspectateurs ignorent.

Ces suites et autres variantes ne sont que les déclinaisons d’une idée de départ de SF géniale : un savant met au point un transmetteur de matière - donc deux cabines. Mais quand il pénètre dans la première pour se matérialiser dans la seconde, il ne s’aperçoit pas qu’une mouche est entrée et que l’ordinateur chargé de reconstituer dans la seconde cabine le contenu de la première va… faire son possible mais se mélanger les pinceaux en ne restituant qu’un seul être vivant.

Une hypothèse farfelue à l’origine d’une réflexion sur l’intelligence, le vivant et les risques de l’utilisation de certaines technologies.

Un thème qui m’est cher, on le sait.

Un opéra ( mais si ! ) au titre éponyme a même été créé. A l’initiative de Placido Domingo qui, en 1986, a commandé le livret à David Cronenberg.

La première a eu lieu en 2008 au Châtelet, à Paris.

Venons-en à César, c'est-à-dire à…

George Langelaan, vous connaissez, bien sûr ?

Non ?

Pas étonnant mais très dommage.

Parce que La Mouche, c’est lui.

Si j’ose dire.

Eh oui, La Mouche est une nouvelle de SF écrite par George Langelaan. Quarante pages d’un récit génial et bouleversant. Dont le narrateur est le frère de l’inventeur, Robert Browning. Une histoire que son auteur a dédiée à Jean Rostand et qui, à mes yeux, vaut évidemment toutes les mouches du cinéma. Parce que Langelaan dit en quelques dizaines de pages ce que plusieurs réalisateurs ont plus ou moins bien suggéré en beaucoup d’heures de films.

La Mouche fut publiée pour la première fois en 1957 dans Playboy ( version américaine ). Son auteur, dont le père était anglais et la mère française, fut avant tout journaliste et… agent secret, il était parfaitement bilingue et fut un grand résistant. Son récit le plus célèbre fut édité en français dans plusieurs recueils.

* Les nouvelles de l’antimonde, chez OPTA, où il travailla – il travailla aussi, dans les années soixante, pour les revues Plexus, Planète et Pilote ( mâtin, quel journal ! ) 

* Les vingt meilleurs récits de science-fiction ( choisis et présentés par Hubert Juin ), publié par Marabout en 1964 – en France et en Belgique, bien sûr

Bien entendu, aucun de ces ouvrages n’est réédité.

La Mouche originelle s’est envolée, écrasée ou plutôt dévorée par ses multiples versions sur écran.

Vive Cronenberg, oublié, Langelaan !

Quelques rares collectionneurs ( dont je suis ) ont encore le texte entre les mains. Combien eut-il de lecteurs ?

Oh, moins que ça encore, je le crains.

Dans les années 80, j’avais programmé La Mouche dans un recueil Folio Junior SF, mais j’ai été remercié avant de pouvoir faire sortir l’ouvrage.

Si vous voyez l’une de ces mouches au cinéma ou en DVD, ayez une petite pensée pour son inventeur, dont le nom, au générique, s’inscrira pendant une ou deux secondes. Ou moins que ça encore, je le crains.

George Langelaan est mort en 1972. Lui rendre ce bref hommage me semblait nécessaire. Comme me semble indispensable de rappeler deux évidences :

* Dans tout récit, y compris cinématographique, il y a avant tout un scénario. Donc une idée de départ, un scénariste – ou un écrivain, donc un texte.

* L’objectif ultime d’un récit n’est pas de devenir un film. Ce n’est ni une consécration, ni ( forcément ) une réussite. Et l’adaptation cinématographique la plus réussie ne devrait donner au spectateur qu’une seule envie : aller voir du côté de l’original.

Dernière info, livrée par mon webmaster Patrick Moreau : on trouve cette nouvelle depuis 2008 dans le recueil La Mouche / Temps mort judicieusement (re)publié par Flammarion ( Etonnants classiques N° 330 ).

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