Cet automne, deux écrivains défraient l’actualité : Tristane Banon et Charlotte Valandrey.
Euh… des écrivains, vraiment ?
Attention : loin de moi l’idée de minimiser l’importance d’une tentative de viol présumée, ou la sincérité d’une femme persuadée que son esprit est piraté par l’intrus ( providentiel ) dont le cœur lui permet par ailleurs de continuer à vivre.
Mon propos est seulement ( voir le titre de la chronique ) de passer au crible de la critique le caractère authentique de ces écrivains présumés – pardon : susnommés.
A mes yeux, un écrivain est quelqu’un pour qui écrire est une nécessité, il est moins préoccupé par la reconnaissance du public ou les chiffres de vente de son œuvre que par le caractère impératif, nécessaire, du récit qu’il porte en lui.
Or, je m’interroge…
Et j’ai, quitte à choquer, l’impression gênante que cette tentative de viol est en définitive une aubaine pour un auteur en recherche de chiffre de vente. Des viols réels, il s’en commet hélas chaque jour ; et celles qui en sont les victimes n’ont pas le cœur d’en faire un fonds de commerce, elles ne passent pas à la télévision et ne mettent pas en avant le crime qui a été commis sur elles pour en retirer une jolie publicité.
Avouons-le, l’opération est largement positive : non seulement ( ou alors je n’ai rien compris ) – Tristane Banon, de son propre aveu n’a pas subi les derniers outrages, mais elle réussit ce tour de force de publier ( le 16 octobre ) 126 pages sur un événement… qui, euh, aurait pu avoir lieu. Un récit qui, à grand renfort de publicité, risque d’approcher le tirage d’un Goncourt. Mais oui, il y a fort à parier que des centaines de milliers de lecteurs vont se précipiter sur ce livre, les mêmes que ceux qui, haletants, attendaient de savoir si oui ou non DSK était toujours dans son appartement new yorkais, ou à quelle heure il allait finir par en sortir.
Le cas Charlotte Valandrey me pose aussi problème.
D’abord comédienne, cet écrivain ( ? ) fait un tabac en relatant la façon dont elle a été contaminée par le SIDA. Eh oui, l’Amour dans le sang ( une mention spéciale pour le titre ) s’est vendu à 300 000 exemplaires.
Mais la plus belle opération médiatique est actuellement réalisée avec De cœur inconnu, où l’auteur séduit des milliers de lecteurs en affirmant qu’elle possède les souvenirs de la personne dont elle possède le cœur greffé.
Impossible ! affirment scientifiques et médecins d’une seule voix.
Qu’importe. De même que Paris valait bien une messe, cette fable justifie largement ce gros succès de librairie, relayé avec complaisance par tous les médias.
Voilà Marc Lévy battu sur son propre terrain. Non, ce n’est pas vrai, mais on a tellement envie d’y croire, n’est-ce pas ?
Seul petit problème : la comédienne signataire de l’ouvrage ne l’a même pas vraiment écrit. Au moins a-t-elle l’honnêteté ( il suffit d’ouvrir le livre pour le constater, sous le titre… ) de révéler qu’un inconnu lui a servi de prête-plume. Une pratique courante, qui n’empêche pas la pseudo écrivaine d’être présente sur à peu près tous les plateaux télé.
On l’aura compris : un écrivain authentique et sincère peut vendre peu, et même n’être pas publié ( combien Arthur Rimbaud a-t-il vendu de recueils de son vivant ??? ) ; Tristane Banon et Charlotte Valandrey : écrivains… ou écrits vains ?
Je ne déplore pas qu’il faille être contaminé par le Sida ou violé par DSK pour vendre ; je suis triste de constater que de tels récits soient assimilés à de la littérature, et que leurs auteurs soient gratifiés du nom d’écrivains.
CG
1 De saxaoul -
"A mes yeux, un écrivain est quelqu’un pour qui écrire est une nécessité, il est moins préoccupé par la reconnaissance du public ou les chiffres de vente de son œuvre que par le caractère impératif, nécessaire, du récit qu’il porte en lui." : je suis entièrement d'accord avec vous. L'écriture, comme la lecture pour les lecteurs passionnés, est vitale...
2 De Like -
Monsieur Grenier…lire de telles inepties ne me donne pas la moindre envie de lire un de vos ouvrages…et c’est certainement dommage. Vous affirmez « A mes yeux, un écrivain est quelqu’un pour qui écrire est une nécessité, il est moins préoccupé par la reconnaissance du public ou les chiffres de vente de son œuvre que par le caractère impératif, nécessaire, du récit qu’il porte en lui. » Or Tristane Banon n’a pas attendu qu’elle devienne médiatiquement connue à travers cette triste histoire pour se mettre à écrire. De plus, elle a écrit ce livre pour elle, quitte à le garder dans un tiroir… justement parce que ça lui était « impératif, nécessaire » Elle ne se préoccupe pas des chiffres de vente qui sont démesurément faibles par rapport à un Goncourt… alors que ce livre…quoique vous en disiez, a réellement des qualités littéraires. De grandes maisons d’édition lui ont proposé des à valoir faramineux pour écrire son histoire…ce qu’elle a refusé, préférant une petite maison d’édition connue pour ses revendications féministes pour confier le manuscrits de ses écrits personnels et non commandés.
Si un écrivain n’écrit pas pour partager ses écrits…alors l’écriture perd un de ses buts essentiels. Que dois-je dire à mes élèves ? Ecrivez mais gardez tout pour vous ? Le plaisir naît du partage, avoir la fierté aussi de voir réagir ceux qui vous lisent, vous écoutent… les rencontrer. Vous connaissez cela non ?
Je crois en revanche que vous ne connaissez pas du tout Mademoiselle Banon…alors abstenez-vous de commenter et écrivez vos livres… puisque c’est un besoin impératif ! Le mien était de vous répondre…ras le bol de ces attaques répétées sur cette jeune femme qui ne demande qu’à vivre sa vie paisiblement. Apprenez à la connaître…enfin…si vos préjugés vous le permettent encore.
Quant à vos commentaires sur Charlotte Valandrey, je ne vois pas ce qui vous dérange. Combien écrivent pour faire part de leur expérience ? Laissons les gens s’exprimer librement…et leur public acheter…
Pour terminer…qu’est-ce qu’un écrivain ? Publier un livre suffit-il à faire de l’auteur un écrivain ? Ecrivain : personne qui compose des ouvrages littéraires… comme le spécifie le Larousse. Alors le dernier livre de Tristane Banon ne contient rien de littéraire ? Faites m’en la preuve ! Mais Eric Naulleau ne pense pas comme vous et heureusement. Peut-être après tout, ne l’avez-vous pas lu ? Ces écrits-là, Monsieur, ne sont pas vains.
3 De Claire K -
Je suis d'accord avec vous, M.Grenier, sur la définition de l'écriture et de l'écrivain. Certaines oeuvres peuvent avoir une valeur littéraire même si elles sont écrites par des "célébrités", cependant, même si je trouve dommage que certains aient pour but principal de vendre, en profitant d'un contexte politique ou social particulier.
Je suis d'accord avec Like qu'on écrit aussi pour les autres, pour être lu, mais cela n'implique pas forcément de vendre un maximum de livres et de lancer des opérations médiatiques appuyées sur (et financées par) une célébrité déjà acquise... D'autres auteurs méritent d'être lus même s'ils n'ont pas la chance (et les moyens) de se mettre en avant.
4 De Patrick -
Bonjour Like
Il est bien évident que ce blog est ouvert à tous les commentaires ... dans la mesure où les règles de politesse élémentaires sont respectées.
Mais en lisant une réponse qui commence par "... lire de telles inepties ..." j'ai bien failli la reléguer dans les "messages indésirables".
Après cette mise au point sur la forme, je laisserais Christian Grenier répondre sur le fond.
Patrick - Modérateur du blog
5 De GRENIER -
Eh bien en précisant : quitte à choquer… je ne m’attendais pas à un tel succès !
Merci à Saxaoul et à Claire pour leur réponse modérée et nuancée – et aussi à Like, qui, s’il ne lira jamais mes ouvrages, est cependant si attentif à mes billets qu’il juge bon de réagir de façon longue, détaillée et euh… passionnée !
Loin de moi l’intention de polémiquer. Mais si Tristane Banon a refusé "des à valoir faramineux de grandes maisons d’édition", si elle a aussi, comme vous l’affirmez, "écrit ce livre pour elle, quitte à le garder dans un tiroir"… je m’étonne alors qu’elle ait accepté toutes ces émissions et interviews !
Mon billet visait d’ailleurs moins ces auteurs que leurs propos et les médias qui s’en sont fait l’écho. Médias qui consacrent cent fois plus de temps aux auteurs que j'ai « mis en cause » qu’à un Nobel français de littérature comme Le Clézio, Gao Xingjiang ou Claude Simon.
Je vous approuve à 100% quand vous affirmez que le plaisir naît du partage. Mais confondre « partager ses écrits » et « flatter les attentes du public », c’est risquer la démagogie. « Je vous prie de renoncer à tout cela. Votre regard est tourné vers le dehors ; c’est cela surtout que vous ne devez plus faire », conseillait Rainer Maria Rilke dans la première de ses Lettres à un jeune poète. Un écueil que je pointais du doigt quand j’étais prof ( eh oui, Like, je l’ai été aussi ), citant cet autre extrait que je demandais à mes élèves de méditer : « Les choses ne sont pas toutes à prendre ou à dire, comme on voudrait nous le faire croire. » ( lettre du 17/02/1903 )
Plus radical que Rilke, vous m’ordonnez : "Abstenez-vous de commenter !" avant d’ajouter cinq lignes plus bas : "Laissons les gens s’exprimer librement !" ( sic ). Dois-je comprendre, cher Like, que ce dernier impératif s’adresse à tous… sauf à moi ?
CG