En 1863, les trois jeunes Creusois Emile, Gustave et Paul ont vingt ans et sont inséparables. Après avoir « tiré un bon numéro » et ainsi échappé à cinq ans de service militaire, ils sont embauchés aux chemins de fer pour participer à la construction d’un viaduc métallique de 300 mètres sur la ligne Paris-Orléans, celui de Busseau-sur-Creuse. Un chantier colossal et des conditions de travail et de vie bien difficiles…
Paul, l’intellectuel du groupe, est devenu un précieux gestionnaire de la société tandis que ses deux amis posent des milliers de rivets. A la suite d’une bagarre, Gustave tombe amoureux de la belle Jeanne, avec laquelle il se marie. Tandis qu’Emile, à force d’opiniâtreté, finit par devenir chauffeur de la « Bienfaite », Gustave entretien 8 km de voies et Jeanne gère le PN, le « passage à niveau ». Hélas, en voulant sauver un camarade, Gustave se fait couper la jambe sur la voie et meurt peu après. En passant chaque jour devant la petite maison de Jeanne, Emile prend l’habitude de ralentir sa machine et, d’un coup de sifflet, de saluer la jeune veuve qui ne semble pas insensible à ces déclarations…
Le jour où Paul disparaît, inexplicablement muté à Paris, Emile découvre que Jeanne a déménagé avec lui. Humilié, dépité, il se sent doublement trahi !
Arrive 1970 et la guerre contre les Prussiens…
Paul réapparaît pour demander à son ancien camarade un service d’intérêt national – et lui révéler les raisons de sa « trahison ».
Derrière ce bref roman au titre hélas banal (l’auteur n’en est pas responsable ! ) se cache un récit attachant et superbement documenté. Si Zola et sa Bête humaine sont inaccessibles aux 10-12 ans, Attention, départ ! leur offrira l’occasion de découvrir la dure vie quotidienne des pionniers des chemins de fer, avec comme toile de fond l’amitié, le travail et les us et coutumes de la fin du XIXe siècle.
Etre à la fois passionnant et pédagogique est une gageure ; et tout le monde ne possède pas l’art de mêler à la narration le décor d’une époque révolue. Alain Grousset maîtrise son sujet ; et le lecteur, quel que soit son âge, découvrira mille et un détails concernant les traditions, le langage et la condition ouvrière particulière de ces pionniers oubliés. A l’heure où la SNCF s’explique sur les déportations vers les camps de la mort, l’auteur nous rappelle que les cheminots, en 1870, ont aussi été à l’origine de faits héroïques – et que nos trains roulent toujours sur des viaducs construits à la seule force des poignets il y a un siècle et demi...
Lu dans une jolie collection poche, couverture pelliculée, beau papier – et prix imbattable : moins de 5 euros !