Trop prétentieux et sûr de lui, un roi fut sommé par ses sujets d’identifier son bébé parmi les trois nouveaux-nés qu’on lui présenta. S’étant trompé, il dut admettre qu’un souverain ne possède pas un rang supérieur à celui des hommes qu’il gouverne. Il n’est que le premier parmi ses égaux. A un roi maladroit à l’escrime, son maître d’armes lui déclara qu’un sceptre étant plus difficile à manier qu’une épée, il devait abandonner les deux sans tarder, ajoutant : Vous éviterez ainsi de mutiler votre peuple, comme vous le faites de vos adversaires.
A un roi qui demandait la définition de l’expression « l’âge d’or », un écuyer révéla qu’il évoquait un temps où il n’y avait sur Terre ni maître, ni valets, ni sujets. Chacun se gouvernait lui-même. Aussitôt, le souverain ordonna qu’on interdise aux écrivains et aux nourrices d’écrire ou de raconter de telles fariboles. Un autre despote du même genre décréta qu’on classe la définition du mot insurrection dans la mythologie et les contes de fées, après avoir appris que ce terme désignait à l’origine le droit de soulèvement accordé au peuple de Crète contre ses souverains, quand ceux-ci se conduisaient mal dans leur état.
Le conte le plus court ne compte que trois phrases :
La place d’un ours est dans les bois d’un ermite.
La place d’un singe est dans le carrosse d’un courtisan.
La place d’un sot est à la cour d’un despote qui craint les gens d’esprit.
On l’aura compris : auteur pour la jeunesse mais aussi enseignant de Lettres, Marc Seassau a eu la bonne idée de reprendre ( en les adaptant ) soixante-quatre « fables de la révolution française ». Souvent dignes de La Fontaine ( sauf qu’on y trouve rois, princes, sujets, étrangers, fous, sages et philosophes ) ces contes aussi révolutionnaires que moraux n’ont pas pris une ride ! Chacun d’eux est une véritable petite histoire ( sa longueur varie de quelques pages à quelques lignes ) qui mériterait d’être le sujet d’une dissertation ! Il s’agit en effet de réflexions à peine déguisées sur le pouvoir, le droit, la justice, les inégalités, la démocratie…
Leur chute est souvent une morale lapidaire. Ce recueil mériterait de figurer au programme de toutes les classes, du CM1 aux Terminales. Nul doute que la sortie de cet ouvrage édifiant est fort bienvenue à la veille d’élections présidentielles !
Un petit livre de présentation sobre et classique à la couverture solide.
A mettre entre toutes les mains !