1922, dans le Périgord, du côté de Gignac...
A deux pas du château et de la forêt de Hautefage, Etienne Jouannet ( dit Tiénot ), onze ans, vit dans la métairie de la Petite Borde avec sa mère ( la belle Mado ), son père Marius ( malade et impuissant depuis qu'il a été gazé ), sa petite sœur Lisa et Justine, une fille de son âge que l'assistance a confiée à la famille.
Tiénot aime les chiens, la forêt, la nature... et il rêve de devenir aviateur !
Il aime bien aussi Frédo, le chauffeur du domaine que gouverne Mlle Pauline ( dite « Tante Jupiter » ), secondée par le régisseur Hilaire Bezeau ; il admire la nièce de Mlle Pauline, la belle Mlle Julie — mais a beaucoup moins de sympathie pour le journalier Joseph Sembat ( dit Le Gloriou ), trop hâbleur, musclé et coureur de jupons pour être honnête. Quant au propriétaire, le Comte Antoine de Réaux, on le voit peu, il préfère arpenter son domaine, que sa sœur gère si bien.
Tiénot adore aussi Pépé Jean, le père de Marius à qui il rend souvent visite — et il est très attiré par la belle et brune « Veuve Savon », qui paraît-il apprécie les beaux gars plus jeunes qu'elle.
Sa mère Mado ne cacherait-elle pas un secret ? Elle part vraiment trop souvent à Bergerac rendre visite à Georgette, la fille aînée partie travailler en ville. Et puis d'où sort-elle tous les billets qu'elle ramène régulièrement de là-bas ? Elle vient même d'acheter une Hirondelle, le dernier modèle des bicyclettes de la Manufacture de St Etienne...et peut-être bien aussi cette moto pour Joseph, qui fréquente de plus en plus la maison... et Mado.
Pour remplacer Bella, une vieille chienne qui va mourir, le comte donne à Tiénot un chiot qu'il devra ( c'est la tradition ) baptiser Gaspar.
Ce chien va devenir son bonheur quotidien.
En grandissant, Tiénot se prépare au certificat. Même s'il a « le bras court et la main faite au porte-plume », il rêve d'apprendre à planter, avec les conseils de Pépé Jean. Hélas il n'est pas grand et surtout très maladroit, au point de se blesser sans cesse la cheville en marchant avec ses sabots. A la suite d'une infection, il se décide à aller voir la guérisseuse, La Chalouse, qui le soulagera et, très psychologue, lui donnera d'excellents conseils.
Hélas, au fur et à mesure que Marius s'affaiblit, Joseph s'impose à la maison. Et Mado ne sait pas lui résister, même quand, devenu autoritaire et injuste, il persécute Tiénot, avec la complicité passive de Justine qui a bien grandi...
Peu à peu, Tiénot soupçonne Joseph d'être un voleur et un receleur. Il finit par découvrir la cache secrète de celui qu'il surnomme bientôt « le bandit ». Avec l'appui du grand-père, il aimerait l'évincer et le prendre sur le fait.
Pas si simple...
Le dernier opus de Michel Jeury ( last but not least ! ) est un festival de couleurs et d'odeurs, une galerie de portraits forts et originaux, un récit où les sensations, les descriptions, les souvenirs et les émotions ne peuvent que remuer et passionner le lecteur, quel que soit son âge.
Car Jeury n'a pas son pareil pour se mettre dans la peau de ses personnages. Nul doute qu'enfant, il a été le cousin ou le sosie de ce petit Tiénot. Rarement l'éveil des sens aura été si bien décrit : le sentiments amoureux, certes, mais aussi les doutes et les angoisses d'un enfant qui peine à devenir adolescent, en butte à des adultes ( ou à des proches, hélas ! ) dont il doit deviner sans cesse les intentions cachées, les intérêts et les ruses successives.
Au fond, si je suis un auteur jeunesse dont les héros sont souvent des adultes, Michel Jeury est un auteur pour adultes dont les plus beaux héros sont les femmes ( ah... lisez ou relisez La gâce et le Venin ! ) et... les enfants ! Il en brosse des portraits dont la vérité bouleverse le lecteur que je suis.
Ce roman d'apprentissage comporte une longue introduction ( mais on ne s'y ennuie pas une seconde ) dans laquelle l'auteur, à l'aide d'anecdotes et de touches successives, tel un peintre, plante un décor attachant, et présente des personnages aussi forts, originaux que différents. Attention : ici, chaque détail est important, fignolé, pas un pouce de graisse dans ce tableau où l'Homme et la Nature semblent indissociables.
Ensuite, rassemblant tous ces éléments, il entraîne son lecteur dans une intrigue dont la conclusion réaliste, sans aucun manichéisme, invite à une réflexion sur notre propre passé, nos ambitions, nos rêves et vocations contrariées... une apothéose qui se révèle un chant d'amour où la générosité le dispute à la réflexion sur le sens de la vie.
Lu dans cette superbe collection R. Laffont grand format.
Couverture,illustration, main, épaisseur et papier idéals !
CG