J'avais quinze ans quand ma future épouse m'a prêté un récit qui m'a bouleversé. Son titre ? Dieu parlera ce soir.
Pourtant, son héros ne me ressemblait guère.
Thierry est un jeune bourgeois de 17 ans, un fils ( aîné ) de famille dont le père possède les Soieries franco-belges. Il a deux frères et une sœur et pas mal de camarades dans l'établissement ( privé et catholique ) qu'il fréquente.
Croyant, fasciné par la pureté, terrifié par le pêché, il cultive des idéaux élevés d'abnégation. Bien qu'il aime la jeune Renée ( qui partage ses sentiments ), il finira par comprendre que la foi l'emportera sur toute autre vocation...
Pourtant, le narrateur avait au fond de nombreux points communs avec moi.
D'abord il tient son journal intime — c'est d'ailleurs la forme adoptée par ce récit. Le français est sa matière préférée, il ne comprend rien aux maths et envisage de devenir écrivain. Il est troublé par sa foi ( qui, chez lui, progresse alors qu'elle s'éteignait chez moi ). Il est amoureux et se pose mille questions sur son avenir, sa personnalité — celles qui tourmentaient les jeunes de l'après-guerre.
L'auteur de ce journal intime imaginaire ( peut-être en partie autobiographique, à y bien réfléchir !) est un prêtre pédagogue et jésuite : Jean-Marie de Buck. Internet livre sur lui peu de renseignements, sinon qu'il fut l'auteur de quelques autres livres épuisés depuis longtemps, presque tous publiés chez Desclée, De Brouwer, éditeur belge et chrétien.
J'ai été bouleversé ?
Mais oui. Quand Béatrice Decroix m'a ( en 2005 ) demandé d'écrire un récit auto-biographique pour sa collection Confessions ( De La Martinière ), j'ai choisi spontanément pour titre : Ce soir-là, Dieu est mort, hommage indirect et discret ( en même temps que réponse provocatrice ) à l'ouvrage qui avait tant marqué mon adolescence.
Dans un autre récit autobiographique L'Amour-Pirate ( Oskar ), j'évoque longuement cet ouvrage — mais de mémoire.
Car je croyais l'avoir prêté ou égaré.
Longtemps, je l'ai cherché dans la section ado de ma bibliothèque personnelle, puis dans la section adulte, mais à la lettre D ( De Buck ). Précisons que je possède environ 15 000 ouvrages, classés le plus souvent par ordre alphabétique d'auteur... mais dans des sections et pièces différentes, un seul local ne pouvant contenir toute ma bibliothèque. A ma grande surprise, je l'ai donc retrouvé il y a quelques jours — quelle émotion — mélangé à une douzaines de Buck ( Pearl ).
Ainsi, j'avais enfin en main l'ouvrage qui m'avait tant marqué... voilà un bon demi-siècle ! ! !
Me le procurer sur Price Minister, eBay ou en faisant une recherche sur le marché de l'occasion ? J'y ai songé.
Il en circule ici ou là encore quelques exemplaires. Mais c'est MON livre ( enfin... celui de celle qui allait devenir ma femme ! ) que je voulais avoir en main, ouvrir, feuilleter — et relire, comme je l'ai fait dès que je l'ai retrouvé !
Pourquoi ?
Vous allez comprendre...
D'abord, parce que c'est un monument historique !
Oh, il ne paie pas de mine ! Il est d'un vieux gris indéfinissable, d'un jaune qui tire sur le vert. Sa couverture, molle, est usée et cornée ; son papier épais, jaune et bouffant. Les pages en ont été maladroitement séparées à l'aide d'un coupe-papier, car cet ouvrage fait partie de ceux qui étaient vendus sans avoir été massicotés, avec leurs cahiers de 32 pages pliés. La typographie ( ce sont de petits caractères, corps 6 ou 7 ) est parfois maladroite. Je ne parle pas des coquilles, nombreuses ( le correcteur a toujours laissé passer le verbe aller à l'impératif, vas ! — au lieu de va, bien sûr ) mais des caractères choisis par le typographe. Ainsi, on a page 107 un mot écrit avec un t manquant ( au ant au lieu de autant, le propriétaire du livre a d'ailleurs rétabli le t au crayon, avec soin). Et trois lignes plus loin, on trouve le verbe être écrit avec un t en gras ( est ). Je vous vois sourire... est-il possible d'être ému ou troublé par ce qui, après tout, relève de fautes, de négligences ?
Oui. Comme on peut l'être par une fausse de note de Claude Kahn ( un pianiste génial et un peu oublié ) dans un enregistrement live d'époque.
Ensuite, parce que ce livre est passé entre de nombreuses mains, comme en témoignent nos souvenirs communs ( à ma femme et à moi ) et les notes laissées par les lecteurs successifs du bouquin.
Parenthèse — car j'entends protester un certain nombre d'entre vous :
— Ah bon ? Parce que ce livre, outre son mauvais état, sa présentation déplorable et ses négligences typographiques, est annoté, en plus ?
Mais oui. Et je ne m'en plains pas, bien au contraire !
Il y a, on le sait, deux écoles : celle des lecteurs qui respectent le livre au point de s'interdire de surligner le texte, de noter en marge des remarques personnelles ; et celle de ceux qui n'hésitent pas à y laisser leur trace, comme un animal marque son territoire.
Je suis, on l'a compris, de la deuxième école. Je lis toujours avec un crayon ( voire un stylo ! ) à la main, n'hésitant jamais à relever une coquille, à souligner une phrase ou une expression qui m'a marqué, à livrer en marge une réflexion spontanée à propos d'un passage particulier.
Après tout...
1/ ce livre m'appartient ( il va de soi que je ne me livre jamais à ce jeu sur un livre prêté, ou emprunté à la bibliothèque ! ).
2/ si je le relis, je retrouverai longtemps après les réflexions ou les passages qui, à l'époque, m'avaient paru importants.
3/ et si mes enfants ou d'autres lecteurs lisent l'ouvrage, ils auront une trace de ces mêmes réflexions ou remarques. Tant pis ! ( ou... tant mieux ? )
4/ S'il se vend de plus en plus de livres... la proportion de ceux qui sont réellement lus, hélas, faiblit ! Et après tout, le plus important dans un livre... c'est d'abord qu'il soit lu. Lui laisser une trace est à mes yeux moins un outrage... qu'un hommage.
Mais j'en reviens à cet exemplaire unique ( car personnel, et donc annoté ) de Dieu parlera ce soir.
Sur la première page figure, au crayon, et soulignée, la mention Annette.
Annette est devenue ma femme. Mais l'écriture est celle de ma mère.
Parce que ma mère a pris soin, lorsque le livre m'a été prêté ( vers 1958 ou 1959 ! ), de noter le nom de sa propriétaire... mais aussi de le lire avant de me le confier, je m'en souviens très bien ! Eh oui, c'était l'époque où l'on surveillait de près mes lectures. Notre voisine m'avait offert pour mes 13 ans La petite fadette de Georges Sand, dans la jolie collection Souveraine Rouge et Or. Mais sur le rabat figurait la mention : G.F. 14 à 16, comprendre : Pour les garçons et les filles de 14 à 16 ans. Ma mère m'a donc privé de cette lecture pendant un an, La petite fadette contenant sans doute des passages d'un érotisme insoutenable pour un garçon de moins de 14 ans !
En ce qui concerne Dieu parlera ce soir, il existait peu de risques, j'en veux pour preuve la mention figurant en dernière page ( au lieu de la date et du lieu de l'édition ! ) : De Licentia Superiorum Ordinis. C'est-à-dire ce qu'on appelait autrefois l'imprimatur, pour faire simple, à traduire par : ce texte a été lu par le comité de censure de l'église catholique, qui autorise son édition.
Souriez ! Cet imprimatur existe toujours, en France, pour toute forme d'édition ( mais oui, la censure existe encore ! ), plus particulièrement pour la littérature jeunesse, reconnaissable à la mention, qui figure encore très souvent en bas de la première page paire précédant le début du texte :
Loi N° 49-956 du 16-07-1949 sur les publications destinées à la jeunesse
Vous n'aviez jamais remarqué ?
( La suite la semaine prochaine ! )
CG
1 De Christophe Motte -
Bonjour Christian Grenier. Merci pour toutes ces informations (votre défense des "marqueurs de pages" m'a positivement fait sourire, j'y repenserai à coup sûr la prochaine fois que je trouverai des notes sur un livre d'occasion). Le dernier paragraphe en particulier m'a interpellé ; en effet, même dans cet Etat non-laïque (depuis le Concordat d'Alsace-Moselle, j'entends), je ne pensais pas qu'une loi héritée de l'imprimatur soit encore en vigueur. Je suis donc allé voir de quoi il en retournait. J'ai ainsi appris que la loi de 1949 avait récemment été revisitée (en mai 2011). Dorénavant, elle stipule que "les publications mentionnées [pour la jeunesse, donc] ne doivent comporter aucun contenu présentant un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou lorsqu'il est susceptible d'inciter à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes, à la violence ou à tous actes qualifiés de crimes ou de délits ou de nature à nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral de l'enfance ou la jeunesse." C'est plutôt une bonne chose, non ? En outre, sur le papier, la commission siégeant à ce comité de censure (car il s'agit bien de cela) ne contient aucun représentant d'aucune église. La loi de 49 était certainement moins sympathique, mais depuis 2011 la mainmise de l'imprimatur semble s'être totalement desserrée, on s'en sort donc bien, vous ne trouvez pas ? Cordialement.
2 De christian grenier -
Merci, Cher Christophe,
pour ce commentaire édifiant, et cette précieuse précision concernant la modification à ce que l'on continue d'appeller " la loi de 49 ! "
Il est vrai que lorsqu'on lit certaines publications destinées à la jeunesse ( je pense par exemple à Sexy Story de Marc Cantin, chez Rageot ), on voit que la loi ratisse large. J'ajoute, ce qu'on sait rarement, qu'un comité de censure différent mais de nature identique existe également pour les publications destinées... à tous les lecteurs.
Je pense au fameux Rose Bonbon de Nicolas Jones-Gorlin qui, il y a dix ans, chez Gallimard, a bien failli ne pas franchir les fourches caudines de la dite commission !
CG
3 De Christophe Motte -
Oh, votre remarque me rappelle une anecdote comique concernant Rose Bonbon ! Je ne connaissais pas, et me baladant dans les rayons de ma médiathèque, j'allais m'en saisir lorsque mes yeux sont tombés sur son bandeau (que la médiathèque avait imposé, je pense). Lequel bandeau annonçait : "Ce récit ne constitue pas une ode ou une incitation à la pédophilie". Autant vous dire que mon mouvement s'est arrêté net et que je n'ai jamais emprunté l'ouvrage. Imaginer le regard présumé de la médiathécaire peser de tout son poids sur ma personne au moment de la sortie m'aura fait renoncer. Si vous l'avez lu, à votre avis, la lecture en vaut-elle la peine ou s'agit-il juste d'un récit provocateur ?
Pour ce qui est de la censure en milieu adulte, je ne suis malheureusement pas en mesure de débattre. A titre personnel, j'espérais juste qu'avoir un avis critique sur la religion était possible, et jusqu'à très récemment, j'en doutais. Puis vint la publication de "Pour en finir avec Dieu", signée Richard Dawkins, et je me suis remis à respirer.
J'attendrai patiemment votre prochain article sur le retour au papier (parce que si je me suis éloigné du sujet, il ne m'intéresse pas moins).
4 De christian grenier -
Cher Christophe Motte,
Je réponds avec un retard cette fois impardonnable à votre commentaire. Non, je n'ai pas lu Rose Bonbon. Tout simplement parce que je n'ai pas considéré que c'était là une priorité. Mais je comprends votre réaction !
5 De stella 1955 -
Bonjour Christophe,
Comme c'est étrange ce livre, "Dieu parlera ce soir", il éait dans la bibliothéque de mon mari lorsque je l'ai rencontré. Mon mari était plus agé que moi de 15 ans,nous nous sommes rencontrés à Tel Aviv en 1983, il était Français expatrié , moi Israélienne, fascinée par la culture européenne...Ce livre je l'ai trouvé, je l'ai lu, il m'a subjugué pourquoi? peut être à cause de l'atmosphére qui s'en dégage , une atmosphére qui ressemble à celle du "Grand Meaulnes" , une nostalgie profonde pour un monde que je n'ai pas connu et qui a disparu.
Aujourd'hui, mon mari n'est plus, mais j'ai toujours ce même exemplaire que le vôtre avec ses pages jaunies et collées. 30 ans après, il me parle encore, moi qui ai lu des centaines de livres depuis , il a quelque chose de magique et d'indefinissable, peut être la grace tout simplement.
6 De Anoukem -
Bonjour,
Quand j'avais quinze ans (au début des années 1960), j'étais encore pensionnaire dans un établissement religieux (catho). On m'y avait mise très jeune (ça se faisait à l'époque). Je ne m'y plaisais pas du tout et de moins en moins à mesure que je grandissais. Sensible, j'étais même malheureuse et rejetais tout, étais heurtée par tout (brrr, ces souvenirs…).
Cette année-là, j'étais en troisième. Parmi les élèves de ma classe, il y en avait une, un peu plus âgée que moi, nouvelle, qui m'impressionnait fortement par ses notes brillantes – je ne sais pas pourquoi elle était un peu en retard au point de vue âge, et dans la même classe que moi –, sa culture et plus particulièrement sa hardiesse d'esprit (que, prudente, elle ne montrait pas trop, mais qui ne m'avait pas échappé ; ce qui n'a pas empêché qu'elle se fasse "virer" quelques années plus tard ; je l'ai su par d'autres, car, moi… je l'avais été avant elle !… à la fin de cette année-là, en fait).
Bref, Marie-Hélène A. déclarait (pas trop haut, donc, mais assez tout de même) qu'elle n'était pas (ou plus) croyante, qu'elle "en avait marre des bonnes sœurs et de leurs conneries" etc. Elle se moquait beaucoup de tout cela. Je dois dire que je partageais ses sentiments, goûtais un peu secrètement son ironie et sa révolte, mais j'étais timide et plus silencieuse (bien que, curieusement, on se soit "débarrassé" de moi plus tôt ! C'est une autre histoire…).
Un jour, cependant, elle m'apprit qu'elle venait de lire un livre dont le sujet était religieux et qu'exceptionnellement, il lui avait paru très intéressant. Le titre : "Dieu parlera ce soir". Selon elle, cela ne ressemblait pas à d'autres ouvrages du même genre qu'elle connaissait – elle lisait beaucoup, semblait-il –, et "pour une fois, c'était pas con, c'était même vraiment bien", et elle avait été touchée. Elle ne m'avait pas donné le nom de l'auteur, mais le temps passa sans que j'oublie ce titre, ni cet aveu et cet avis que de sa part, j'avais trouvés surprenants. J'étais hyper intriguée !…
Je n'ai jamais revu cette fille que très rarement et de loin (nous habitions la même grande ville de province ou la même région, mais bon…), et j'ignore absolument ce qu'elle est devenue…
Une bonne dizaine d'années plus tard, alors que je terminais des études d'espagnol à l'université, je faisais un séjour d'été à Madrid. Au cours d'une promenade dans le centre de cette capitale, je sursautai en voyant soudain, par hasard, donc (je ne le cherchais vraiment pas, surtout en me baladant en Espagne) à la vitrine d'une librairie ce titre, naturellement en espagnol : "Dios hablara esta noche". De J. M. Buck.
"Le fameux bouquin de Marie-Hélène !", pensais-je le cœur battant, n'ayant oublié ni Marie-Hélène A. ni le titre en question, toujours impressionnée, bien au contraire, dans mon souvenir, par les deux. Même longtemps après. Je l'ai acheté.
J'ai commencé ma lecture avec beaucoup de curiosité et de fièvre (à ce point, c'était étrange). La chute n'en a été que plus rude. Quelle déception, mais quelle déception ! C'était ça, son livre religieux qui se distinguait si nettement des autres, à la brillante et rebelle Marie-Hélène jamais revue, croisée dix ans plus tôt dans ce collège religieux ? Je vous l'avoue, quant à moi, la curiosité fiévreuse a vite fait place tour à tour au rire, à l'ennui, voire à la rage (eh oui, tandis que tout comme vous, je corrigeais au crayon, çà et là, dans les pages, mais cette fois, des erreurs de traduction du français à l'espagnol ; pour ça , au moins, j'étais dans mon élément ; j'adorais l'exercice du thème, j'étais bonne… je me disais que je pourrais devenir moi aussi traductrice. J'ai fait autre chose…).
Je ne sais pas ce que j'ai fait de ce livre ; j'ai déménagé plusieurs fois depuis dans ma vie et me suis séparée de certains objets, je ne me souviens pas toujours très bien desquels ; il en est que je crois avoir gardés, et que je ne retrouve pas…
Je ne me souviens plus très bien non plus de l'histoire, sinon que le personnage principal m'exaspérait comme peuvent exaspérer des personnages de Julien Green ou de Bernanos, minés, obsédés par un sentiment de culpabilité, des inquiétudes, qui paraissent si stupides (pardonnez-moi) et stériles – "l'art de se gâcher très bêtement la vie alors qu'on ne vit qu'une fois, en je ne sais combien de leçons"… –, quand on est plutôt libre penseur(-euse). Je sais bien qu'il y a le pari de Pascal, mais (j'allais dire : Dieu merci…) il y a aussi le poème de Prévert : "Les paris stupides : un certain Blaise Pascal, etc."
Ce dont je me souviens aussi, c'est que ce pauvre jeune homme (enfin, "pauvre"…) à l'âme si torturée, si tourmenté, issu d'une famille très bourgeoise et héritier de quelque chose comme d'une grosse usine avait cru bon de "se faire ouvrier", d'entrer dans cette usine et de vivre un temps exactement comme les autres ouvriers employés par son père et qui seraient plus tard sous ses ordres à lui, afin de connaître le mieux possible la condition de prolétaire, de mieux les comprendre. Mouais… C'était à la mode dans les années 50/60 dans ces milieux-là… (Bon, je ne suis pas non plus marxiste…).
Enfin, le pire dont je me souvienne, c'est d'un chapitre (du moins d'un ou de plusieurs passages) sur la musique. Je ne sais plus qui de très austère, de très puritain (et sinistre…), exerçant une grande influence sur ce garçon, lui conseillait (c'était plutôt un ordre) d'écouter la musique (classique, bien sûr ! il n'y avait que celle-là, n'est-ce pas…) en ayant Dieu à l'esprit, et surtout pas autre chose. Si l'on avait d'autres pensées, et aussi si l'on se laissait, délicieusement ou non, envahir, emporter par l'émotion, le rêve ou la rêverie ("sans Dieu" !) que suscite habituellement (et heureusement, sinon, pourquoi existerait-il ?) cet art de la musique, alors là… On était vraiment une pauvre créature perdue, minable, on tombait vraiment dans le péché et dans la misère. On devenait la proie du démon ou je ne sais quoi… Enfin, je ne me souviens plus vraiment des termes, mais en gros, c'était ça !…
Je suis désolée. Je ne suis pas croyante, j'adore la musique depuis toujours et cette façon de la considérer, de la détourner (à mon avis) m'avait profondément choquée, me choque encore, m'indigne, des décennies après, alors que j'ai pratiquement oublié le reste, même si l'idée très vague qui m'en reste est négative, et ignore ce qu'est devenu ce volume : "Dios hablara esta noche", que contrairement à vous, je ne vois plus dans ma vaste bibliothèque parmi tant de livres…
Bof, j'ai dû un jour en rangeant ou en déménageant, le "balancer" parce que même si c'était en espagnol et que j'aime tant lire de l'espagnol et que cela me rappelait ma jeunesse et d'agréables vacances à Madrid, c'était quand même vraiment trop nul…
Ça m'évoquait aussi bien sûr Marie-Hélène A. Mais je peux penser à elle sans cet affreux livre sur mes étagères du moins , il n'a plus l'air d'y être). Comment avait-elle pu l'apprécier, elle que j'admirais parce qu'elle me semblait plus éclairée et plus audacieuse que moi ? Après ma lecture, j'avais souhaité la revoir pour lui en parler. J'y ai encore songé quelquefois depuis. Cela n'aura probablement jamais lieu…
Voilà. J'ai été longue ! Je voulais vous dire ce que m'a jadis inspiré à moi cet ouvrage lorsque parvenue sur votre blog à la suite de peu importe quelle association (je crois que cela n 'a pas grand intérêt et j'ai été assez longue comme ça !), j'ai lu votre opinion et votre témoignage. Ce que cela m'inspire encore quand j'y pense… Tout le monde ne peut avoir le même ressenti, la même expérience. Les miens, différents des vôtres et de ceux que je lis à la suite, vous intéresseront peut-être.
J'espère qu'ils ne vous déplairont pas trop ou ne vous blesseront pas…
Sans rancune ?
7 De MIguel Aznar -
Querido Christian,
leí ese libro en 1,956.Estudiaba en los jesuitas, donde no era especialmente apreciado; de hecho era apreciado sólo por un grupúsculo que buscábamos 'algo más'. Es el libro que más me ha impactado en mi vida. Luego estudié y viví durante años en París y Bruselas. Siempre intenté saber algo más del autor, del que nunca logré saber nada de nada, Desaparecido. Siempre quise saber de dónde salían algunas citas maravillosas: "Tú, que siempre llorabas, escuchando a Fauré...".
Tengo 74 años y me siento en la pista de despegue. He querido resolver ahora los misterios que no supe descubrir hace 60 años, buscando en la omnisciente internet, y sólo le he encontrado a usted. Gracias por estar ahí...
Miguel
P.S.: Tal como profetiza Renée al final del libro, a mi Dios me habló una noche. Le deseo a usted que, de alguna manera, le haya pasado lo mismo. Vale!
8 De Christian Grenier -
Merci, Cher Miguel,
pour cette réaction tardive à ma critique de Dieu parlera ce soir.
Ce gros livre m'a profondément marqué, moi aussi - j'avais 15 ans quand je l'ai lu, l'âge où l'on est sensible à ces "romans d'apprentissage" ( Bildungsroman )
Je suis très heureux de voir que cet ouvrage, très peu connu, a modifié la vie de quelques vieux lecteurs... comme vous et moi : j'ai 71 ans !
Christian Grenier
9 De Hilde Keteleer -
Bonsoir, Christian.
Je suis auteure, comme vous. Une écrivaine flamande, qui publie en Néerlandais, mais traduit également du Français. Le livre qui m'occupe depuis presque trois ans, n'est pas un roman, comme ceux que j'ai publiés avant. Il s'agit d'un livre sur la question de la religion, une question tellement actuelle et urgente aujourd'hui. Je puise de mes expériences en Egypte avec des amis musulmanes, mais également du journal de mon oncle lorsqu'il avait 17-20 ans. C'est sa veuve qui m'a confié ses cahiers, et chaque fois de nouveau, lorsque je me plonge dans ses notices, je suis émue. Je termine maintenant les dernières pages du 3e cahier, et je regrette que ce soit fini. L'oncle était un garçon très sensible, artiste, qui se perdait dans les pensées, les sentiments, les espoirs, les désespoirs d'un garçon catholique juste après la guerre. Qui était coincé entre ses devoirs, ses angoisses et ses envies. A la fin de ce cahier, il énumère des livres qu'il a lu en 1948. Et voilà que je tombe sur un livre que je ne connaissait pas du tout: "Dieu me parlera ce soir." J'ai entamé une recherche, car il écrivait: "Ce livre, c'est comme ma vie, mais plus claire, plus belle." Et maintenant que j 'ai lu votre commentaire, ainsi que ceux des autres, je comprends mieux pourquoi il aimait tant ce livre.. J'espère pouvoir le trouver encore quelque part... Mon oncle était née en 1927, pour lui l'influence de l'Eglise était certainement encore beaucoup plus nette que dans ma jeunesse - je suis née en 1955- mais je reconnais quand-même certains aspects de cette dominance de l'Eglise, dans ce qu'elle était une force destructive, mais également d'espoir et d'engagement... Voilà, c'est bizarre comment un livre peut continuer à circuler pendant des dizaines d'année, voir presqu'un siècle....
10 De christian grenier -
Chère Hilde,
Quelle surprise, de découvrir votre commentaire si longtemps après que j'ai publié la critique de ce vieux récit ! Une réaction d'autant plus intéressante que vous êtes écrivaine.
Je m'aperçois aussi que je n'ai pas répondu à Anoukem, dont l'avis est négatif - ce qui, d'ailleurs, ne me choque pas du tout.
Oui, Dieu parlera ce soir est sans doute un phénomène : c'est un récit qui peut tour à tour enthousiasmer ou déplaire - mais qui ne laisse pas indifférent !
Même si je suis né en 1945, je suis ( j'étais ? ) sans doute plus proche de votre oncle que de vous-même. Mais une chose est sûre : il y a un âge pour lire certains ouvrages. Et celui-ci, lu à 15 ou 16 ans, marque la mémoire à jamais, comme ce fut le cas pour votre oncle !
Seulement voilà : on vieillit, et les événements de votre vie transforment votre regard.
Lu 20 ou 60 ans plus tard, le même récit prend un autre relief.
Il peut alors paraître ridicule - comme cela a été le cas pour Anoukem, qui d'ailleurs ne l'a lu pour la première fois que bien plus tard, adulte - et qui sait si son amie Hélène ne l'aurait pas trouvé elle-même ridicule en le relisant ?
Une chose est sûre : quand je livre à mes lecteurs un billet d'humeur ou une notre de lecture, je n'ai de réaction qu'une fois sur trois.
Et là... c'est le 10ème échange à propos de ce récit - un record d'autant plus étonnant que ce livre est ancien, et n'a rien d'un best seller !
Encore merci pour votre courriel !
CG
11 De Hilde Keteleer -
Oui, il y'a un grand écart entre la lecture d'un livre qu'on lit à 16 ou à 60 ans, je suis d'accord avec vous. Mais dans ce cas, je le lirai avec le coeur d'une jeune fille, je crois... C'.à.d j'essayerai de lire avec les yeux de mon oncle. Je viens de le trouver chez bol.com et je le commanderai un de ces jours. Je vous tiens au courant de ma lecture! Bonne soirée