Résistons !

La lecture - Photo Jean Chamoux, Paris, vers 1955

Après un éditorial pessimiste au titre provocateur ( décembre 2012 : La lecture n'est plus tendance ! ), peut-être faudrait-il rectifier le tir.

Le constat reste hélas le même : selon mes sources ( professeurs documentalistes, libraires, éditeurs, j'en passe... ), les livres sont de moins en moins empruntés ou achetés, notamment par les ados de 13 ans et plus, surtout les garçons.

Ce qui a la cote, ce sont les écrans.

Ceux des téléphones ( ou des ordinateurs ) portables, des tablettes, liseuses et autres I-Pads.

On m'objecte souvent : "qu'importe le moyen de lire ! Si le support papier devient obsolète, inutile de pleurer, l'essentiel est que la lecture subsiste !"

Argument spécieux, c'est à dire séduisant mais sans valeur.

Parce que renseignement pris, si l'écran sert parfois à écrire, à échanger des informations basiques, il est bien davantage utilisé pour se connecter, glaner des infos, jouer et zapper que pour LIRE. Autrement dit, il y a des légendes et une réalité qui découle des statistiques.

La légende, c'est que les lecteurs passeraient du livre papier au Kindle, ou que le comportement des acheteurs de fiction des USA serait bientôt imité par les lecteurs français.

Aux USA en effet, la vente des ouvrages en numérique aurait récemment dépassé la vente des livres-papier - soit.

Aux USA, la plupart des librairies traditionnelles sont en train de disparaître.

En France, les librairies disparaissent en effet, elles aussi, et pas de petites structures : Camponovo à Besançon ( 39 licenciements ! ) et même Gibert à Beauvais.

Mais la vente des ouvrages numériques, elle, continue d'osciller péniblement entre 1et 2%, très, très loin des 50% attendus et qu'ont glorieusement atteint les USA - quel progrès !

Autrement dit, si les ventes du livre papier fléchissent, elles sont loin, très loin d'être compensées par celles des ouvrages numériques !

Ce qui revient à dire que la lecture, la lecture continue, approfondie, notamment celle des ouvrages de fiction, subit un net recul, progressif et apparemment durable.

On peut d'ailleurs supposer que du côté des jeunes, cette chute va s'accentuer grâce à une politique - à mes yeux très imprudente - d'investissement en ordinateurs, clés USB, sans parler du fameux projet de "cartable numérique". Un projet destiné à soulager la colonne vertébrale des élèves... mais dont les vrais gagnants ( et l'on parle ici de milliards de dollars de bénéfices ! ) seront les fabricants d'ordinateurs, de tablettes, de portables, ainsi que leurs prestataires : Google et les fournisseurs d'accès !

Ces constatations ( mais on peut m'en proposer d'autres... le débat est ouvert ! ) certes pessimistes, entraînent de ma part...

Deux convictions :

1/ Les lecteurs authentiques continuent de se recruter chez les adeptes du livre papier.

Eh oui ! Croire qu'un acheteur de tablette va modifier ses habitudes est une illusion. S'il est un lecteur authentique, il ne lira pas davantage ou mieux avec ce nouveau support.

Et s'il est un lecteur occasionnel, ce n'est pas parce qu'il aura un accès gratuit à des milliers de classiques fournis avec l'e-book qu'il va se transformer en lecteur averti. Ou qu'il va devenir un acheteur et un lecteur compulsif de nouveautés littéraires sous forme numérique !

2/ Il faut tenter de modifier la tendance : LIRE est un acte citoyen, l'affirmation d'une liberté, celle d'un accès individuel à l'information, au rêve et à la réflexion.

Et une question récurrente :

Comment devient-on lecteur ?

Mes réponses sont toujours les mêmes !

* Il n'y a qu'une seule bonne méthode pour qu'un enfant apprenne à lire : il faut qu'il en ait envie !

* Et pour qu'il en ait envie, quelques évidences s'imposent : non seulement il doit avoir accès aux livres, c'est à dire qu'il doit en posséder, pouvoir en emprunter, et apprendre à échanger avec d'autres au fil de ses lectures, mais il faut aussi que cette appétence puisse naître et s'entretenir. Et cela, grâce à l'exemple.

C'est à dire qu'il doit être entouré de gens qu'il estime ( ses parents, ses aînés, ses copains, ses enseignants ) qui eux-mêmes lisent et y prennent visiblement plaisir !

Si ces réponses semblent simples, leur application ne va pas de soi.

Aujourd'hui, l'exemple nous est à peu près partout donné par les utilisateurs de portables et d'écrans.

Alors puisqu'il faut afficher ( et affirmer ? ) sa personnalité au moyen de marques ostensibles ( Nike, Lacoste, Ray-Ban - mais aussi le dernier I-Pad ! ), eh bien affichons-nous en train de lire.

Rendons la lecture tendance - la lecture des livres, des vrais livres !

En nous affichant sans vergogne, sans honte.

Parce que fléchir, accepter la mode, s'isoler et cacher ses convictions, ce serait capituler.

Avoir un livre en main et lire pourrait devenir un acte de résistance.

Stéphane Hessel nous conseillait : Indignez-vous !

Eh bien... LISEZ, maintenant !

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