A 90 ans, Benoite Groult nous livre son autobiographie !
L’intérêt de cette longue confidence réside moins dans les événements relatés que dans les leçons que l’auteur en tire. On le sait, Benoîte Groult fut pendant 54 ans l’épouse de l’écrivain Paul Guimard – et la façon dont ils franchirent le pas ensemble est un vrai morceau d’anthologie !
Mais auparavant, elle fut aussi la femme de Georges de Caune, dont l’attitude ( et le machisme ) furent sans doute pour quelque chose dans son engagement féministe futur.
Car cette « évasion » est surtout celle… de son état de femme, d’épouse sage et soumise.
Les lecteurs les plus jeunes ( Benoite Groult est née en 1920 ) seront sans doute stupéfaits de découvrir ce que fut et reste encore souvent ) la condition des femmes nées au début du siècle dernier. Leurs époux avaient tous les droits sur elles, y compris celui de les gifler en public à la télévision quand leur opinion n’était pas celle de leur conjoint !
Aussi, sa révolte n’a rien perdu de son actualité.
Qui se souvient, par exemple, de cette émission d’Apostrophe au cours de laquelle, conviée sans le savoir comme faire valoir se ses camarades masculins, elle fut tournée en ridicule par Cavanna, quelques députés… et Bernard Pivot lui-même ?
Au fil d’événements qui couvrent tout le XXe siècle, on apprend aussi, par exemple, que si les femmes acquirent le droit de vote en 1945, ce fut… parce que De Gaulle l’imposa par décret. Il était en effet convaincu ( et il avait sans doute raison, hélas ! ) qui si cette audacieuse proposition était jetée à l’assemblée, elle serait aussitôt repoussée… sans évoquer l’attitude probable du Sénat !
L’enfance sage et catholique de la narratrice, la découverte de l’amour véritable avec un Paul Guimard dont elle partagea la vie, l’indépendance, les convictions ( et l’intérêt pour la Bretagne, la pêche et les bateaux ) , ses débuts littéraires tardifs et son combat féministe plus tardif encore, son désir enfin de « mourir dans la dignité » passionneront les lecteurs de tous les âges.
Le combat de Benoite Groult est loin d’être gagné, notamment dans le domaine du langage où le masculin s’impose encore souvent…
Un détail ? Nullement.
Car les mots modèlent la pensée, et c’est trop souvent encore au masculin.
Je tiens ici à rendre hommage à cette écrivaine majeure et trop souvent reléguée en marge, dont je partage les convictions et le combat.
Lu dans sa version d’origine, un beau grand format au papier épais et à la typographie impeccable.