La couleur des sentiments, Kathryn Stockett, Actes Sud ( Babel )

Jackson ( Mississipi ) en 1962…
Miss Phelan, dite Skeeter, 23 ans, trop grande et pas très belle, aimerait devenir écrivain. Elle a un souvenir ému de Constantine, sa bonne noire qui l’a élevée, et qui a été renvoyée par ses parents pour une raison inconnue – inavouable, mais laquelle ?
Aibileen est justement l’une de ces bonnes noires qui, dans toute bonne maison bourgeoise, font le ménage, la cuisine, et servent de nounou. Employée par Miss Leefolt, elle s’occupe de bébé, Mae Mobley, et courbe l’échine devant les tâches qui s’accumulent. Sa collègue, Minny, vient de se faire renvoyer pour insolence… et pour un acte dont on n’apprendra la gravité qu’au milieu de l’ouvrage. Avec la complicité d’Abileen, elle se fera d’ailleurs embaucher en douce par Miss Celia, qui cache à son époux la présence d’une cuisinière hors pair ! Les Celia, Leefolt et Phelan sont par ailleurs membre d’une association de bienfaisance gérée d’une main de fer par l’acariâtre et intransigeante Hilly.
Or, Skeeter est embauchée par un journal pour tenir la rubrique des… « conseils ménagers ». Elle doit faire appel à Aibileen qui lui livrera quelques trucs avant de prendre peu à peu conscience… qu’elle exploite cette domestique en l’utilisant comme conseillère. Et comme sa rédactrice en chef envisage de publier éventuellement un récit ( à condition qu’il soit original ) naît peu à peu une idée folle… Et si elle interviewait toutes ces bonnes pour qu’elles livrent aux blancs les brimades, injustices et humiliations dont elles sont quotidiennement l’objet ?

Difficile de résumer ces six cents pages passionnantes, au cours desquelles Aibileen, Milly et Skeeter livrent tour à tour leur point de vue au fil de l’action !
Ce premier roman ( adapté au cinéma mais je n’ai pas vu le film ) est une réussite totale.   D’abord parce qu’il livre au lecteur un panorama édifiant des états du sud des USA dans les années soixante, et de l’exploitation ( et/ou au mieux, du paternalisme ! ) dont les noirs étaient l’objet. Parfois, on se croit revenu avant l’abolition de l’esclavage ! Ensuite, parce que ces trois femmes – dont le sort va peu à peu être lié - ont une personnalité forte, attachante, et un style ( littéraire ) très particulier – un joli tour de force de l’auteur ! Enfin, parce que ce récit se lit d’une traite, grâce à des rebondissements multiples qui passent par le destin littéraire de Skeeter, ses amours déçues, le mystère du renvoi de Constantine… et l’abominable secret que Minny finira par révéler, et dont la gravité constituera, du moins l’espère-t-on, un rempart contre d’éventuelles vengeance de tous ces patrons… Car bien que l’ouvrage soit publié de façon anonyme, les habitants de Jackson en général et les bourgeois dont les bonnes ont livré mille et une confidences, finiront par comprendre que c’est d’eux dont il est question dans un livre qui risque de faire scandale !

Lu dans sa version poche : un luxueux ouvrage bien épais à la lecture particulièrement aisée. Belle typographie et beau papier !

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