Un amour peut en cacher, de Stéphane Daniel, Rageot

Gaspard Corbin, 17 ans, a un père restaurateur, plein de copains qui partagent son intérêt pour la musique, et une copine : Maud. Hélas, elle vit près de Dijon alors qu’il est lycéen en Première à Paris. Gaspard et ses amis décident de fonder un groupe, les No Surrender, dont il sera le chanteur. Avec l’approche des vacances de Noël se concrétise aussi le projet de squatter un ( tout petit ) deux pièces aux Arcs, histoire de faire du ski ensemble et d’occuper à huit un espace prévu pour deux ( fin… quatre ou cinq en se serrant un peu ).
Mais voilà : Gaspard, qui skie moins bien que prévu, rencontre aux Arcs une fille, Norah, qui le trouble beaucoup ; et il reçoit sur Facebook de mystérieux messages d’une certaine Chan qui semble s’intéresser de près à lui.
De son côté, Maud reçoit un correspondant anglais, Graham, qui a l’avantage sur Gaspard d’être présent, gentil et plutôt séduisant… Commence alors à s’opérer un double chassé-croisé d’autant plus compliqué que le groupe va avoir l’occasion d’enregistrer en studio, et que les parents de Gaspard s’apprêtent, après travaux, à ouvrir leur nouveau restaurant…

Ce pâle résumé ne donne qu’un médiocre aperçu du véritable feu d’artifice d’inventions sémantiques qu’offre ce troisième opus des aventures ( aussi loufoques que sentimentales ) du héros préféré de Stéphane Daniel.
On va me rétorquer que :
1/ je n’y connais rien en anglais et encore moins en rock, chansons et groupes actuels.
2/ j’ai passé l’âge de m’intéresser aux amours adolescentes
3/ le roman est truffé de mails, SMS, et autres termes et utilisations acrobatiques relatives au langage des djeunes et aux technologies d’aujourd’hui
4/ l’humour détonnant et permanent avec lequel Gaspard évoque ses (més)aventures n’a rien, mais rien à voir avec les capacités langagières d’un garçon de 17 ans, même surdoué.
Eh bien malgré tous ces reproches ( certes légitimes ), j’avoue être complètement accro à ce récit – autant qu’aux deux précédents !
Nul doute que Stéphane Daniel ( qui se cache mal derrière son Gaspard d’emprunt ) a trouvé là un ton particulier, une autodérision permanente qui font mouche à chaque phrase. C’est plein de trouvailles, de jeux de mots, d’aphorismes, de répliques qui surprennent et réjouissent l’esprit aussi sûrement qu’une finale de Coupe Davis passionne le spectateur.
A titre d’exemple, citons quelques phrases de Gaspard qu’il met lui-même en exergue de son journal déjanté : « J’aimerais bien changer de vie, mais je ne trouve pas ma taille ». « Quand je me déguise en moi, personne ne me reconnaît. » « En avançant dans la vie, je prends de plus en plus de recul. » « Il y a des joies qui valent la peine. » « Une nuit à traverser. Pas sûr d’avoir pied » « La nuit tombe comme un jour qui se lèverait à reculons. » « J’aurais aimé être quelqu’un d’autre, mais la place est déjà prise ». « J’ai un sourire sur les lèvres, mais ce n’est pas le mien ». » L’avantage des cœurs secs,  c’est qu’on peut les traverser à gué… »
Woody Allen et Pierre Dac n’ont pas besoin de chercher un successeur.
Au-delà d’une aventure sentimentale pleine de rebondissements, le journal de Gaspard est une stupéfiante démonstration d’humour ! A lire d’urgence, quel que soit votre âge !
Lu dans un presque grand format au joli papier blanc et à la typographie impeccable, agréable… comme pour ajouter au plaisir !

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