Hunger games, Suzanne Collins, Pocket Jeunesse

Dans cette Amérique d’un futur indéterminé, la jeune Katniss, sa mère et sa petite sœur Prim survivent difficilement dans le quartier de La Veine du District 12, où toute la population travaille dans la mine de charbon. Le père de Katniss est mort il y a longtemps d’un coup de grisou et l’adolescente pourvoit à la nourriture de sa famille ( comme son vieux copain Gale ) en quittant illégalement le district pour chasser et cueillir dans la forêt voisine.
En souvenir d’une révolte meurtrière ( qui a d’ailleurs échoué ) contre le Pouvoir, sis au Capitole, a été instauré un jeu télévisé public en direct qui est la réjouissance de l’année : dans chacun des 12 districts, un garçon et une fille ( entre 12 et 18 ans ) sont tirés au sort chaque année. Ils s’affronteront sans pitié et le survivant sera vainqueur. Katniss a pris ses précautions pour que Prim échappe au tirage. Mais elle est choisie… et Katniss décide de prendre sa place. Hélas, le garçon du district 12 qui est tiré au sort est Peeta, le fils du boulanger, un gentil garçon … qui l’aime ! Et qui n’hésite pas à le déclarer juste avant que les 24 candidats ne soient lâchés dans l’arène ( une nature reconstituée )… et piégés par des caméras invisibles qui relaieront tous les affrontements en public !

Face à un gros succès, j’hésite toujours : faut-il faire de la pub ( dire du mal d’un  livre, c’est en faire de la publicité – et je préfère réserver mes critiques à des ouvrages que je conseille ! ) et le lire ou ne pas tomber dans le panneau ? Depuis Millenium, je sais qu’un gros succès de librairie est parfois mérité… alors autant aller y voir !
En l’occurrence, impossible, quand j’interviens dans les classes, d’échapper à la question :
Vous avez lu Hunger Games ? ( ou Harry Potter ou Fascination… j’en passe ! )
Argument supplémentaire de mes interlocuteurs : « Pourtant c’est de la SF ! »
Soit. Il est vrai que je me suis assez plaint du fait que les grands succès « pour la jeunesse », presque tous anglo-saxons ( merci, Pierre Bottero ! ) relèvent presque toujours du fantastique ou du merveilleux. Alors que penser de cette « dystopie », genre que l’on semble soudain découvrir comme s’il n’était pas aussi vieux que la SF elle-même ?
D’abord ( faut-il le répéter ? ), le sujet n’est pas nouveau, même si son traitement est ici plutôt original, et se veut une critique de notre société du spectacle où le slogan « que le meilleur gagne »  est conjugué au superlatif. Je pense moins à La mort en direct ou au Truman show  qu’au Prix du danger d’Yves Boisset ( 1983… d’ailleurs tiré d’une nouvelle de Robert Sheckley publiée en… 1958 ! «  Vous regardez souvent la télé ou des films pour avoir des idées ? » me demandent souvent les jeunes ! ).
Je me rends à l’argument de mon camarade Alain Grousset qui affirme : « A quoi bon livrer au jeune public un sujet de SF original ? Un vieux sujet de SF rebattu fera d’autant plus l’affaire que les jeunes ne le connaissent pas, et que c’est avec les vieilles recettes qu’on fait la meilleure cuisine ! »
Ensuite, le style, certes efficace ( relation au présent et à la première personne ), ne fait l’objet d’aucune recherche particulière. Si, comme l’affirme mon autre camarade Yves Pinguilly, une œuvre, c’est avant tout une écriture, on peut dire que Suzanne Collins a manqué d’ambition. Stephenie Meyer et Stephen King ont fait l’éloge de ce « page turner » en négligeant de préciser que l’action commence véritablement page 150, et que les préparatifs de la cérémonie d’ouverture sont longs ( ils combleront les amateurs de déguisement, de maquillage, et les gastronomes en herbe, car on mange beaucoup pendant  les 10 premiers chapitres )
Sur le plan de la SF, on passera sur pas mal d’invraisemblance ( où sont les caméras censées piéger toutes les actions des 24 candidats ? ). Une métaphore intéressante : celle des « sponsors » chargés de favoriser tel ou tel candidat en fonction de sa popularité. Une jolie trouvaille psychologique page 136 : l’idylle Katniss/Peeta car il n’y aura qu’un seul survivant. Devront-ils s’affronter ( il va de soi que les deux derniers survivants… ce seront eux ) et lequel ( laquelle ) sera vainqueur ?
Mais l’auteur réserve au lecteur des surprises… et des retournements de situation, jusqu’à la chute ( de ce premier tome ! )
Que penser de cet ouvrage ?
Il offre certes une réflexion sur… le voyeurisme et se veut une critique des émissions télé people genre Loft, Ko Lanta ou l’île de la tentation. Si un ado lit mal ou peu, Hunger Games l’encouragera – moins littéraire que celle de Harry Potter, l’ouvrage est plus facile à aborder.
Et le film ( que j’ai vu après avoir lu le livre ) ?
Il est d’une fidélité étonnante – c’est sans doute un exploit que relater en deux heures des faits qui tiennent en 400 pages ! Il est vrai que le récit est très… « cinématographique » et que pour une fois, si l’on veut uniquement connaître l’histoire, on peut se contenter du film  - hum… ou même du résumé que vous avez lu plus haut !
Voir le film offre en outre une ambiguïté supplémentaire, puisqu’il va fasciner le spectateur… au moyen d’un show que l’auteur a précisément voulu dénoncer !


Lu dans sa version grand format, très beau et gros volume broché, avec sur la couverture l’insigne doré porte-bonheur de Katniss : le geai moqueur.

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