En septembre 1962, le petit Jean-Claude Mourlevat entre en 6ème au lycée Blaise Pascal, dans une petite ville d’Auvergne. Malgré la présence de ses frères, il s’ennuie. Au sens fort du terme. C'est-à-dire qu’il est très, très malheureux et va, pendant un an, simuler mille et un maux ( de tête, d’estomac, de ventre, de cœur… ) pour persuader ses parents de le récupérer.
Avec un regard distancié, à la fois ironique et tendre, le narrateur évoque le bizutage, les jeux ( autorisés et… interdits ! ), la nourriture ( le singe en boîte, le potage brûlé, le chocolat anormalement délicieux ), les profs aux personnalités bizarres, au comportement baroque, ses camarades hauts en couleur ( qui parfois, et c’est stupéfiant… s’opposent au cruel surgé ! ), les injustices ( parfois les coups ), bref : les mille et un incidents dont un jeune interne est la victime ou le témoin.
Ce bref récit d’une année d’internat est un petit bijou de tendresse et de sensibilité.
Il fera écho aux adultes qui ( comme moi ) ont connu l’ambiance particulière de l’internat ; et semblera sans doute stupéfiant aux yeux des lecteurs les plus jeunes. Eh oui, en lisant les cinquante trois ( brefs ) chapitres évoquant une lointaine enfance, on peut avoir l’impression de se retrouver en compagnie du Petit Chose d’Alphonse Daudet, côté élève. C’était pourtant ainsi, je peux en témoigner. Etrangement, le lecteur passe du rire ( ah, les « pets à répétition de Chevaleyre »… grandiose ! ) aux larmes. Quand le narrateur va faire pipi la nuit et observe, par le vasistas, la nature nocturne dont il est privé, l’émotion est d’une force troublante. Ce récit intimiste et précieux est comme ces médaillons qu’on porte au cou et qui contiennent une photo, un message, des cheveux : il a le parfum et la saveur inimitables de temps révolus, d’émotions minuscules qui ont pourtant profondément façonné les adultes que nous sommes devenus. Dans son introduction et sa conclusion, Jean-Claude Mourlevat évoque avec sa sensibilité particulière et des métaphores appropriées le mystère de ces souvenirs épars que le temps tour à tour met en relief ou disperse…
Lu dans son unique version, un joli Poche orné d’une superbe photo de l’auteur, dont l’expression traduit en finesse le sentiment de détresse du futur narrateur.