Sébastien apprend qu’il va ( comme son copain Phil ) doubler sa 6ème.
Mécontente et troublée par cette méchante nouvelle, sa mère a un accident de voiture – et pour couronner le tout, Réglisse ( le chat d’Elise, la petite sœur de Sébastien ), meurt écrasée.
Luc, le père d’Elise et Sébastien ( il est écrivain ), part à la recherche d’un nouveau véhicule d’occasion… et il déniche un bus aménagé capable d’abriter toute la famille mieux qu’un camping car. Peu après, il reçoit une lettre de Bosnie ( où il a été en reportage l’année précédente, au cœur du conflit ) et une invitation de Zorica et Kresimir, un couple qui, à présent, vit en paix à Mostar.
Aussitôt les vacances arrivées, la tribu au complet ( non : sans le chat… ) part rejoindre Mostar où Sébastien se lie d’amitié avec Vladko, le fils du couple bosniaque.
Vladko confie alors à Sébastien que même pendant les jours les plus durs du conflit, il a continué à voir en cachette, grâce à un tunnel, les enfants des musulmans devenus pourtant des ennemis. Les deux nouveaux amis font alors la connaissance de la vieille Malika. Elle est mourante et, depuis de longs mois, n’a aucune nouvelle de son fils Alija.
Touchés par sa détresse, ils décident de partir à la recherche de ce fils disparu…
A la même époque ( 1996 ), mon camarade et complice Robert Bigot avons écrit un roman épistolaire avec le même décor et presque sur le même thème ( Le mal en patience )… un roman pour adultes publié pour la jeunesse. Etrangement, Lionel Doroy, dans cet ouvrage qui marquait le début de sa carrière… publiait pour les adultes un roman pour la jeunesse – c’est du moins là mon avis ! D’un style simple et familier, le jeune Sébastien nous relate son périple, à la première personne et au présent. C’est vif, agréable – et accessible à des enfants… de 6ème !
Peu à peu, on bascule dans le conflit et l’émotion gagne en puissance. Avec une belle économie de moyens, Lionel Duroy tient son lecteur en haleine jusqu’à une fin à la fois dramatique et vraisemblable. Nul doute que l’auteur ( dont le Luc du roman est le sosie ? ) a vécu une partie de ces événements. C’est là une surprise d’autant plus agréable que si le conflit a bientôt vingt ans, sa problématique n’a pas pris une ride.
Ce petit roman est sorti chez Fayard dans une collection de poche dirigée par Erik Orsenna.
A mon avis, il mériterait une réédition dans une collection pour la jeunesse, où il trouverait son vrai public. Il y a des précédents ( je pense évidemment à Niourk ! ) ; et j’invite les éditeurs jeunesse à se procurer cet ouvrage après avoir vérifié que Lionel Duroy en a récupéré les droits ( ou que Fayard est prêt à les céder ! ) En même temps, je reste impressionné par les capacités de cet auteur à nous livrer un récit destiné à des cadets, alors que le ton, le style et le sujet de son dernier récit ( Vertiges, chez Julliard - j’en ai fait la critique il y a peu) se classe résolument dans la littérature générale, et plutôt côté Minuit que Robert Laffont ! )
Lu dans son unique édition connue, un Fayard Poche passe-partout qui se dévore… en moins de deux heures !
Christian Grenier
Petit PS
concernant l’éternelle question : « qu’est-ce qu’un livre jeunesse ? »
Dans mon essai Je suis un auteur jeunesse, j’invite le lecteur à se pencher sur une vingtaine de « premières pages », et à répondre à la question :
- S’agit-il là d’un ouvrage destiné à la jeunesse, ou de la « littérature générale » ?
Les réponses, que je livre, étonnent souvent.
La première page de La vie de ma mère, polar de la Série Noire du regretté Thierry Jonquet, est systématiquement classée jeunesse par les lecteurs. Il s’agit là aussi d’un récit relaté à la première personne, par un enfant, avec le langage ( apparent ) d’un gamin de 10 ans…
Hélas, cela ne suffit pas à rendre l’ouvrage accessible à un jeune lectorat – sinon, les enfants dévoreraient La vie devant soi d’Emile Ajar !
Autre interrogation : Un écrivain est-il prêt à publier en jeunesse un ouvrage qu’il pense avoir écrit à destination des adultes ?
Pas évident, quand on juge ( et c’est souvent le cas ! ) que c’est descendre d’un cran dans la hiérarchie de l’écriture !
Je me souviens des réticences de Stéfan Wul, quand je lui ai quasiment imposé chez Gallimard la réédition en version intégrale de Niourk, d’abord sorti au Fleuve Noir puis ressorti chez Denoël. Réticences qui furent balayées après 300 000 exemplaires vendus en quelques années… J’ignore à quel chiffre s’est hissé Niourk en 2014, mais si l’auteur est décédé, son Niourk se vend encore.