Y aurait-il un lien entre le réchauffement climatique et la désaffection pour le livre ? Non, je n’irai pas jusque là ( encore que… )
Simplement, il ne faut pas se fier aux apparences.
L’été a été pourri – mais loin d’être enrayé, le changement climatique s’annonce plus rapide que prévu. Au point que la situation décrite dans mon roman Cinq degrés de trop, que d’aucuns accusaient de flirter avec la caricature, risque de se produire non pas en 2 100, mais plutôt vers 2050.
Quant à la baisse de la lecture, elle reste en apparence modérée : en 2013, 3,5% en moins de ventes de livres. Mais 6,5 % de baisse entre juin 2013 et juin 2014. Un graphique vous montrera que la chute s’accélère.
Et à mon avis, elle n’est pas près de s’arrêter.
Contrairement aux espoirs des éditeurs, les ventes en numérique, dérisoires, sont loin de compenser les pertes des ventes en papier – on ne parle même plus des librairies qui ferment…
Dans ces deux domaines ( numérique et fermeture des librairies ), les USA caracolent en tête - et Amazon triomphe ! Parenthèse : j’entends dire un peu partout : « Oui, la France est en retard » - comme si les USA étaient le modèle à suivre dans tous les domaines. Aux Etats-Unis, on compte 730 prisonniers pour 100 000 habitants. Et en France : 101.
On a encore beaucoup de progrès à faire.
Sur quoi se base mon pessimisme ? Sur la politique actuelle du livre et les mesures prises dans l’enseignement.
Le jour de la rentrée scolaire, on a vu notre Président, face à des ordinateurs dans une classe, affirmer qu’il fallait que les enfants aient une tablette ; que les livres devaient être numérisés pour que tous les élèves puissent accéder à la lecture et enfin ( sic ) que l’enseignant doit utiliser le numérique pour entrer dans la modernité.
On sait que depuis de nombreuses années, l’argent autrefois destiné à l’achat des livres est réservé en priorité au matériel informatique. Bref, il faut que chaque enfant ait un ordinateur et que les enseignants sachent montrer aux élèves comment s’en servir.
Euh… je me permets de sourire.
En France, 8 foyers sur 10 ont un ordinateur. Et ceux qui n’en ont pas, eh bien je gage qu’ils n’ont pas d’enfant en âge d’en posséder un !
Le nombre d’élèves n’ayant aucun ordinateur à la maison me semble très faible – et ceux-là disposent de celui du CDI ou de la bibliothèque.
Autrement dit, la démocratie sert de prétexte à un suréquipement inutile ( mais fort utile pour le marché informatique ! ). D’autant que lorsqu’un adulte et un ado sont face à une tablette ou un smartphone, c’est plutôt l’ado qui montre à l’adulte comment s’en servir !
Mais bon, les faits sont là ; on ne reviendra pas en arrière.
A l’école primaire, les livres sont toujours présents – ouf. Notamment existent des ouvrages de littérature jeunesse dont l’usage reste recommandé pour que les élèves accèdent à la « lecture plaisir » - ouf ( bis ).
Mais au collège, la tendance est différente. Les enseignants sont priés d’accorder la priorité à l’étude des classiques et de réserver les ouvrages jeunesse à ( je cite ) « des lectures libres, par curiosité et pour le plaisir, ( qui ) peuvent être faites à partir d'indications données par le professeur. »
Il en est de ces instructions comme de l’aide faite aux banques : « on vous a sauvées avec l’argent public, alors soyez gentilles, consentez des prêts ! » ou aux entreprises : « on vous a débloqué 30 milliards pour baisser vos charges alors soyez sympa embauchez ! ». Si je calquais et caricaturais ( ? ) l’instruction à livrer aux élèves, cela reviendrait à quelque chose comme : « nous allons étudier Le père Goriot mais pour vous distraire, je vous recommande de lire des ouvrages pour la jeunesse. »
Résultat : la lecture va s’assimiler ( pour beaucoup, c’est déjà fait ! ) à un pensum. Et neuf fois sur dix, l’élève, ne va quand même pas, après avoir fait l’effort de se plonger dans Balzac, chercher ailleurs le plaisir de lire. Aujourd’hui, dans la vie, il y a d’autres modernités ! ( pardon : priorités. )
La vérité, à l’époque où le mot intello est devenu une insulte au collège, c’est que le livre n’est plus tendance. Il est même ringard, sauf quand certains leaders ont lu Fascination ou Hunger Games et que si on ne l’a pas lu ( heureusement, il y a les DVD ! ) on passe pour un plouc.
Pour fréquenter les collèges assez régulièrement, je note que si des lecteurs ( et surtout des lectrices ) existent encore en 6ème et en 5ème, leur nombre se réduit en 4ème et en 3ème ; il voisine même zéro dans certains CDI.
Nul doute que pour inverser la tendance, la solution idéale n’est pas de remplacer les livres par les ordinateurs ou les tablettes ; ni de généraliser l’usage du clavier au lieu d’enseigner à former les lettres.
Ah oui, vous l’ignoriez ?
En 2014, aux USA, l’apprentissage de l’écriture manuelle est optionnel dans 45 états sur 50 ! L’enseignement de l’écriture se fait désormais avec le clavier. Et la France s’y met, pas question de prendre du retard !
Ah : et s’il y avait un point commun entre le réchauffement climatique et la désaffection de la lecture ? Eh bien oui : c’est le fait que les pratiques qui s’installent deviennent la norme, qu’on finit par s’y habituer – mais que les effets pervers se font sentir des décennies plus tard… quand il est trop tard.
( Prochainement, la suite de cette minute du vieux schnock :
On lit moins… pourquoi ? ou Savoir lire n’est pas lire ! )
1 De Le cédéïste -
Cher Christian,
Ton propos m'amène à deux réflexions.
Les Etats-Unis font marche arrière quant aux tablettes dans les écoles ; ils en reviennent totalement car le résultat n'est pas celui escompté : les étudiants jouent pendant les cours, "craquent" les filtres pour visionner une foule de choses n'ayant rien à voir avec l'enseignement, la lecture, la culture... Autrement dit, les jeunes utilisateurs "détournent" ce que pourquoi la tablette a été distribuée aux étudiants. Sans parler des pannes de matériel ! Quant à nous, en France, nous allons nous jeter dedans.
Les livres jeunesse à l'école.
Oui, ils existent. Surtout en maternelle. Et pourtant... Je suis effaré de voir combien à quel point mes enfants dans leur école primaire, n'ont guère l'occasion d'en ouvrir (quelques extraits de romans, des photocopies !), d'en manipuler, d'en discuter avec le maître ou la maîtresse, au sein de séances pédagogiques. Je suis stupéfait, oui : jamais de lectures à voix haute, non plus !
Alors, bien sûr, on se donne bonne conscience : on emmène tous les 15 jours la classe à la BCD, et les enfants prennent 5, 10 livres... et puis 15 jours plus tard, ils les rendent, en empruntent d'autres. Comme si le simple fait de prendre des livres suffisaient à les faire vivre. Souvent ceux-ci restent dans les cartables des amis de mes enfants. Ils les lisent, ne les lisent pas... Alors, oui, bien sûr, la classe est inscrite à une animation lecture dans un bassin composé de plusieurs écoles : une liste de huit livres est arrêtée, il faut en lire huit dans l'année. Au mois de mai ou de juin, les classes se réunissent pour un jeu. Les enfants ont lu ou pas - en lecture plaisir, on n'impose pas. Résultat : très peu connaissent les romans, leurs histoires. Et ce sont toujours les quelques "locomotives", qui elles, ont avalé les 8 livres !
Pas grave! ! Mes enfants qui ont la chance (ou la malchance ?) d'avoir des parents qui les élèvent dans une maison où il y a beaucoup de livres, où l'on parle... Ils rencontrent aussi des auteurs, ils vont à la médiathèque, ils écoutent des conteurs, participent à des spectacles, ils vont en librairie ensemble... Mais quid des autres ?
Bien des enfants arrivent par la suite au collège en ayant peu ou pas de vision du bonheur de lire, tout simplement car celui-ci n'a guère était cultivé, petit !
Je précise que j'ai beaucoup de respect pour les Instituteurs ou les professeurs des écoles, et qu'il ne faut pas généraliser un propos qui n'est le fruit que de mon expérience. Toutefois, ces propos sont aussi une réalité !
Allez, courage !
Plein d'amitiés, Christian !
Christophe
2 De Le cédéïste -
... Et qui de la lecture des ouvrages documentaires pour la jeunesse ?
Les "petits" ne manipulent plus guère les outils basiques de la recherche (dictionnaires...)... Le TBI, les tableaux interactifs, sont arrivés dans les classes. Et Google comme par magie apporte LA bonne réponse. Forcément. Assurément. Le réflexe est pris.
3 De christian grenier -
Cher Christophe,
Merci pour cette réaction rapide... qui hélas ne fait que renforcer mon pessimisme - même si aux USA, on commence à faire marche arrière.
Et pour les internautes qui nous lisent, peut-être faut-il préciser que tu es, toi, Christophe ( Boutier ), l'un des modèles du genre ( connectez-vous sur son site !! ), l'un des plus dynamiques et des plus forcenés à tenter de faire une place aux livres chez les collégiens.
Même dans ma famille, où la lecture est une priorité, mes petites-filles ( 18, 14 , 10 et 8 ans ) glissent peu à peu vers la tablette et les écrans vers l'âge de 12 ans... ne serait-ce que pour mieux s'intégrer dans le collège, où prétendre aimer les livres et la lecture serait d'un ringard achevé !
La plus grosse lectrice est la cadette... pourvu que ça dure !
Vives et fidèles amitiés, Christophe !
CG
4 De roger judenne -
Mon cher Christian.
Je continue à être un visiteur fidèle de ton blog. Tes notes de lecture me convainquent parfois (ce fut le cas pour « Argentina…Argentina. ») mais j’apprécie surtout tes propos de vieux schnock qui correspondent le plus souvent à mes propres positions.
Dernièrement, tu parlais de « la température qui monte, tandis que la lecture baisse ». Tu as raison de faire le lien entre les 2 phénomènes et pourtant, je voudrais inverser les 2 termes de ton affirmation.
Comme toi, je garde des contacts très étroits avec des établissements scolaires, participe à des projets pédagogiques régulièrement, tant sur le versant de la lecture que sur celui de l’écriture (mais ce sont les deux faces d’une même pièce) et je fais le même constat que toi : notre jeunesse s’éloigne du livre, de la lecture, de l’écrit. Au fil du temps, l’optimisme de l’ancien enseignant que je suis, toujours aussi passionné de pédagogie, s’amenuise et fait progressivement place à un pessimisme qui se rapproche du tien.
L’année scolaire dernière, j’ai participé à de nombreux projets scolaires, dont un projet d’écriture longue, du type roman de classe, avec des classes de 5ème d’un collège rural (chez moi, en « Grande Beauce ») situé à 25 km de Chartres. Une dizaine d’interventions sur 4 mois. L’expérience a été laborieuse, en grande partie parce que ces enfants, tous nés après 2000, n’ont pas, ou peu, de passé de lecteurs, d’où peu d’appétit pour le projet, peu de références, peu d’imagination, peu d’outils pour s’exprimer. Les élèves étaient gentils, calmes, courtois mais, dès le début du projet, 1/3 de classe s’est déclaré incapable et a abandonné. En juin, le bilan s’est soldé par un roman de classe écrit en réalité par 16 élèves. Encore faut-il nuancer parce que le degré d’investissement de ces 16 élèves a été inégal.
Partout, je constate que, à de rares exceptions, les instructions ministérielles sont en grand décalage avec la réalité du terrain : comment aborder les textes du patrimoine ou engager un projet d’écriture avec des enfants qui ont du mal à dominer « Oui-Oui à la ferme » ?
La documentaliste et la prof de lettres (très militantes, très investies) ont conclu l’année en me disant que « le CDI est une dépense inutile dans ce collège » (mais est-ce si différents dans les autres ?). Les élèves –même les 6ème- n’empruntent pratiquement plus jamais de romans ou de documentaires. Pendant les heures de présence obligatoire au CDI, même les BD n’attirent plus guère. Les élèves « glandouillent » sur les ordinateurs et passent le temps en errant sur des sites de hasard.
Il faut être moderne, utiliser les outils de notre temps et remplacer le livre – ringard – par des écrans… nous disent les brillants esprits qui président aux destinées de notre jeunesse dans les bureaux du Ministère. Il est vrai que les jeunes sont très attirés par ces nouvelles technologies et je ne pense pas qu’il serait opportun que l’école les ignore.
De là à ce que cette technologie soit meilleure formatrice pour fournir les bases, je demande à voir.
Les jeunes sentent bien que l’avenir se construit autour de ces technologies nouvelles et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles ils les adoptent sans hésitation.
Mais, souvent, quelle dérive ! 2 exemples :
- Plutôt que de recopier les consignes écrites au tableau par le prof, ils demandent de plus en plus fréquemment à les photographier avec leur téléphone.
- Dans le collège de ma Beauce profonde dont je parlais plus haut, j’arrive un matin alors que le principal gérait un « incident » : la veille, un groupe de 4ème avait passé la pause de 10 h (moi, je l’appelle encore la récréation…) autour d’une tablette dernier cri pour visionner… un film porno. Quelle belle avancée depuis le jeu de billes !
Plus la population sera formatée et anesthésiée par cette avalanche d’activités dispensée par les écrans, plus elle poursuivra cette course effrénée à la consommation. Et c’est jeune qu’il faut commencer cette « éducation ». Non seulement la lecture et le livre n’ont pas leur place dans ce genre de formation, mais ils constituent un obstacle. Il faut donc les évincer.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Brave Boileau. J’en suis encore à cette vérité basique.
Il faut considérer le symétrique de cette affirmation : « ce qui se conçoit mal s’exprime mal », mais aussi « ce qui s’exprime mal révèle une pensée confuse » .
En évinçant le livre et la lecture, n’est-ce pas le but recherché ? Moins on réfléchit, plus on cède à la publicité, à la mode du moment et aux achats inutiles. La conséquence, c’est une consommation de matières premières et d’énergie grandissante qui se traduit par une température qui monte…
C’est pourquoi, je ne te suis pas tout à fait dans ton affirmation « la température monte, tandis que la lecture baisse ». Non. Tu as inversé cause et conséquence : « Plus la lecture baisse, plus la consommation augmente, donc plus la température monte ».
Par manque de clairvoyance et de discernement, il me semble que l’Education Nationale a abandonné depuis une vingtaine d’années l’ambition d’apprendre à lire à nos enfants.
- Apprendre à lire, c’est, en première ligne, afficher la volonté de développer à la fois le goût de la lecture, de mettre le petit enfant en appétit d’histoires, de s’approprier le sens, d’attiser sa curiosité et sa critique. Du même coup, c’est étendre son vocabulaire et développer sa capacité de penser.
- En deuxième ligne, mais en 2ème ligne seulement, c’est évidemment donner l’outil qui permet d’atteindre ces objectifs, c’est-à-dire enseigner le déchiffrage, la combinatoire, le B + A = ba.
Or, dans la majorité des CP actuellement ; l’objectif, c’est cette seule 2ème ligne : il faut que les enfants déchiffrent aisément et oralisent de façon fluide. Que ce soit du français, du roumain ou de l’espagnol, le jeune enfant ne fait plus guère la différence puisque, dans tous les cas, il resté étanche au sens.
Conséquence logique : La pensée reste confuse, « ce qui se conçoit mal s’exprime mal » et elle se réduit autant que le vocabulaire.
En confinant la littérature de jeunesse au rang de « lecture plaisir » à ne pratiquer qu’en dehors des établissements scolaires, l’Education Nationale la relègue au rang de loisir bas de gamme et lui nie toute valeur formatrice. Comme disait avec mépris un agrégé rencontré dans un collège de Mayotte : « C’est vous, l’auteur de littérature de divertissement ? ».
Voilà. Toi et moi, comme tous les Grousset Barbeau ou autre Brisou-Pellen, nous ne sommes que des auteurs de divertissement aux yeux de nos élites ministérielles.
Echange plus optimiste pour terminer. Je viens de découvrir Michel Bussi en lisant son « Nymphéas noirs ». Michel Bussi est, à l’origine, un auteur rouennais de romans du terroir qui écrit aussi des polars « hyper-super » bien tricotés. J’ai été séduit. Je te le conseille.
Roger Judenne
5 De Sophie -
Bonjour,
Globalement d'accord avec votre billet, ainsi qu'avec une grande partie des commentaires : ce n'est plus le soldat Ryan qu'il faut sauver, c'est le goût de la lecture !
La lecture aujourd'hui, pour beaucoup de gens, semblent une perte de temps. Si on ne lit pas le dernier livre à la mode, même en temps qu'adulte (le dernier Musso, etc.), on est généralement considéré comme un has been... Et, personnellement, je trouve ça un peu raide à 25 ans d'être considérée comme une has been !
J'ajouterai que petit à petit, des questions de consommation viennent se greffer au "sacré" que nous avons conservé en France à propos des livres, et que ça n'est pas du plus bel effet. Réinvestissons les CDI, la lecture à voix haute, les histoires !
Et cessons en effet de prendre les Etats-Unis pour exemple... Ils sont loin d'avoir la vérité absolue, mais le mysticisme bâti autour d'eux semble inébranlable. Un peu de liberté de penser et de lire en France, que diable !
6 De christian grenier -
Merci, Chère Sophie,
pour cette confirmation.
Comme quoi, quand on a 25 ans, on peut aussi avoir un regard critique sur les habitudes et tendances contemporaines... tout ce qui brille n'est pas or ( vieux proverbe aztèque ! )
7 De Vincent CAILLIEZ -
Bonjour,
Comme vous m'y avez autorisé de vive voix à Labège, je vous fais un commentaire de climatologue sur ce blog à connotation très littéraire. Je comprends vos inquiétudes relatives à l'écrit et au climat. Du coté du climat, les nouvelles ne sont pas bonnes. Non seulement, nous battons régulièrement des records d'émission de gaz à effet de serre, mais le dernier bulletin de l'Organisation mondiale de la Météorologie sur le sujet, stipule le démarrage probable de l'effet d'emballement. Pour faire simple, environ 20% de l'élévation de la teneur en CO2 de l'atmosphère entre 2012 et 2013 serait due aux rétroactions de la biosphère, car celle-ci commence à être significativement perturbée par le Changement Climatique tel qu'il est réellement observé (c'est ma spécialité) et qui va plus vite que les simulations du GIEC ne le laissent entendre. Les 5 degrés de plus en 2100, par rapport à 2000, sont une simple prolongation tendancielle de ce qui est déjà observé depuis environ 1980 sur un grand nombre de régions du monde, dont le pourtour Nord du bassin méditerranéen et donc une grande moitié Sud de la France. Que cela puisse se produire dès 2050 est une hypothèse haute mais qui n'est hélas plus invraisemblable. Cela signifierait cependant que les rétroactions de la biosphère seraient devenues supérieures à 100% d'ici là et que l'arrêt de toute émission ultérieure ne suffirait pas à endiguer le phénomène. Cela justifierait pleinement la tentation de dérive vers le virtuel telle que vous la présenter dans votre roman.
Face à cela, l'engagement des scientifiques est important mais j'ai pu constater depuis environ 15ans qu'il n'est pas suffisant pour faire infléchir les politiques. L'apport des écrivains de fiction est essentiel car vous vous adressez à un ressenti, un imaginaire intérieur qui semble plus accessible que la raison sur ce genre de sujet. Au lieu de donner à comprendre une réalité désespérante, vous donnez à vivre ; de la même manière que le théâtre antique était censé écarter les spectateurs des comportements porteurs de drame.
Alors peu importe que la réalité scientifique ne soit pas exactement décrite dans votre livre (vous auriez pu remplacer l'aggravation du gel hivernal par l'irruption des cyclones tropicaux sur l'Europe de l'Ouest et le bassin méditerranéen), l'important est qu'il donne à penser et à agir.
Si mon professeur de français du collège est encore de ce monde, j'aimerais bien qu'elle ait connaissance de ce que m'a apporté la lecture de vos livres...