Parmi les « quintuplés Tricotin » ( quatre garçons et une fille ), le jeune Charlemagne de Racleterre-en-Rouergue est le seul qui zozote. Ses ennuis commencent le jour où, à l’église, il refuse brusquement d’épouser Bertille ( qu’il a pourtant engrossée ), la fille du bourreau… car ce faisant, il deviendra bourreau lui aussi, comme la loi l’exige – et il n’y tient pas du tout.
Le scandale est immense. Poursuivi jusque dans la sacristie, Charlemagne y dévore les cinq cents hosties en s’aidant du vin de messe… et il s’enfuit !
Rattrapé, il est condamné à 501 ans de galère pour sacrilège – puis sauvé par sa fratrie qui se saigne à blanc pour le faire évader.
Repris, Charlemagne s’évade à nouveau et, après moult aventures, se rend coupable d’un quadruple duel à Versailles – où le roi ( Louis XVI ) le surprend… et l’embastille sur le champ !
Vexé, Charlemagne est pourtant royalement traité, grâce aux dons de plusieurs nobles que son quadruple duel a bien enrichis car ils avaient parié sur lui.
Charlemagne n’a pas dit son dernier mot : avec l’aide de ses amis les rats, et tandis que sa fratrie tente d’approcher le roi pour le convaincre de le gracier, il concocte une évasion spectaculaire, ce qui va lui permettre de faire une double découverte : celle d’un trésor et de courriers datant de Mazarin qui pourraient bien… mettre la Royauté en péril !
Ce pâle résumé rend hélas fort mal la verve d’un récit que son langage d’époque rend hélas surtout lisible à celles et ceux qui sont familiers avec le Français du XVIIIe siècle – et même plutôt du XVIIe. Car malgré l’époque où l’histoire est censée se dérouler ( vers 1781 ), les protagonistes, souvent roturiers, usent d’un langage déjà quelque peu anachronique. A titre d’exemple, il faut savoir ( ou deviner ? ) que « j’entends son humeur grimaude » ( page 39 ) doit être traduit par : je comprends qu’il soit de mauvais poil !
En revanche, quel ouvrage ! Certes, son intérêt réside dans les péripéties de ce zozoteur quelque peu naïf ( et surtout sans scrupules… car la vie ne vaut pas cher en cette fin de règne de Louis XVI ! ), mais surtout dans la langue utilisée par Michel Folco… et sa documentation hors pair ! Il faut dire qu’en matière de bourreaux et de tortures, l’auteur n’en est pas à son coup d’essai ( Dieu et nous seuls pouvons ; Un loup est un loup ).
Rarement le monde, le langage, les coutumes et les moeurs de l’époque auront été décrits et utilisés avec une telle précision, une telle richesse… le lecteur en a presque le vertige !
Folco semble en effet maîtriser sur le bout des doigts l’univers des bagnards, des prisons, mais aussi les coutumes, les monnaies, les armes, la cuisine, les animaux – et l’Histoire !
Certes, à la manière d’un Dumas, il prend certaines libertés ; mais la révélation finale, sans doute peu vraisemblable aux yeux d’un historien, a cependant un tel parfum de vérité qu’on a presque envie d’y croire !
Avec En avant comme avant, le lecteur exigeant en aura pour son argent – moins pour les facétieuses péripéties de Charlemagne Tricotin que pour une truculence rarement atteinte dans la littérature historique !
Un ouvrage… jubilatoire.
Lu dans sa version d’origine, un superbe grand format dont la belle illustration ( trompeuse ! ) de couverture suggère un livre pour jeunes adultes !