On nous l’a assez répété et on l’a bien compris : il faut de la croissance. Croissons, croissons. Si vous ne croissez pas, vous n’aurez pas d’emploi.
D’accord. Alors on croît. Et on croit. Enfin, on essaie de croître et d’y croire.
Finalement, le gaz de schiste, ça crée des emplois, non ? Entre économie et écologie, le monde a donc choisi. La preuve, c’est que lorsque le GIEC lance un nouveau SOS, les gouvernements se réunissent, décident de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, font des prévisions et des promesses… qui ne sont pas, ou quasiment pas tenues. Parce qu’il faut la croissance, bon sang !
Dans les années soixante, ignorant qu’on était au cœur des « trente glorieuses », mon oncle vitupérait contre les hausses des prix et lançait souvent : « Il faudrait une bonne guerre ! » Moi, j’avais quinze ans… et très peur de partir en Algérie.
Je m’interrogeais d’ailleurs sur l’expression « une bonne guerre ». Allez… soyons cynique jusqu’au bout : à y bien réfléchir, la guerre a de gros avantages économiques : un pays détruit, il faut le reconstruire. Ca crée des emplois. Prenons ( ce n’est qu’un exemple ) le cas des mines antipersonnel. Bon, depuis 1997, il est interdit de les utiliser. Mais pas de les fabriquer. D’ailleurs, l’Inde, le Pakistan et la Birmanie continuent d’en produire. La Chine, elle, en possède un stock de 100 millions, dommage de ne pas les utiliser… Chez nous, la société italienne Valsella Meccanotecnica en a fabriqué jusqu’en 1994. N’allez pas me dire : mais c’est horrible, en plus ces mines mutilent surtout les enfants ! Oui, mais réfléchissez : d’abord c’est une entreprise. Donc des emplois. Et puis les enfants mutilés ont besoin de soins. De médecins ( qu’il faut embaucher ). D’hôpitaux ( qu’il faut construire ). De prothèses ( qu’il faut fabriquer ). Vous voyez bien que ça crée des emplois ! Et puis… ces mines, il faut les enlever. Déminer, c’est long, compliqué – mais là aussi, ça crée des emplois.
Oui, je sais, l’écologie en crée aussi. Mais c’est du long terme. Et c’est moins rentable que d’autres secteurs, qui rapportent davantage, et plus vite. Ce que réclament les actionnaires. Eh oui, on est dans l’économie. L’écologie passe après. Et à ceux qui affirment que le réchauffement climatique va, à terme, coûter très, très cher ( en maladies, aménagements du territoire, digues, réfugiés climatiques et vies humaines ), les tenants de l’économie à tout prix répondent – mais à voix basse, et s’ils ne le disent pas, ils le pensent très fort : « Qu’importe, le principal c’est que l’économie fonctionne. On aménagera le système. L’économie saura s’adapter. Et après tout, pour affronter les conséquences de ces catastrophes annoncées, des emplois seront créés ! » Notamment dans les compagnies d’assurance, promises à un brillant avenir.
Et puisqu’on est dans l’économie, parlons impôts et déficits. Eh oui, en cette fin d’année, on est toujours à la recherche de 60 milliards d’euros, que le gouvernement veut trouver, million par million, en rognant ici ou là.
Et puis, tout à coup, à l’occasion de l’arrivée à la présidence de la Commission européenne de Jean-Claude Junker ( ancien Premier Ministre du Luxembourg ), l’actualité pointe un abus : on découvre que ce petit pays européen - ben oui - est le paradis fiscal de centaines de grosses sociétés qui échappent à l’impôt ! D’ailleurs, c’est de cet argent bien placé que le Luxembourg vit ( et il en vit très bien, merci ), en permettant d’éviter aux dites sociétés - d’Amazon au Crédit Agricole en passant par Ikéa, et j’en passe - de payer l’impôt aux pays qui utilisent ( et paient ) leurs services. Cette annonce m’a fait éclater de rire. A cause de la brutalité de l’info. Parce que ce qu’on semble découvrir… est un état de fait depuis quarante ans !
Combien de milliards échappent ainsi, en France, à l’impôt ? Je vous le donne en mille : 50 à 60 milliards ! Autrement dit, si la loi était appliquée, et si les manipulations et montages financiers illégaux pouvaient être interdits et punis… le déficit français qui nous pourrit la vie serait un mauvais souvenir. Sauf que ceux qui font ( ou détournent ) les lois… sont parfois ceux-là même qui nous gouvernent. Et obligent les petits contribuables à faire des efforts pour combler les bénéfices colossaux ( et pour cause ! ) des grosses sociétés qui échappent à l’impôt.
L’économie de marché, c’est bien et ça marche… mais pas pour tout le monde.
Quant à l’écologie… évitons les sujets qui fâchent. D’ailleurs, lors des dernières manifestations paysannes, on a vu sur les tracteurs ( et c’est une grande première ! ) l’affiche : A BAS L’ECOLOGIE !
Ecologie, économie… et si on se trompait d’adversaire ?
1 De Vincent CAILLIEZ -
Je ne sais plus quel économiste américain avait prophétisé, lors de la chute du mur de Berlin dont nous fêtons aujourd'hui les 25 ans, que l'effondrement du système soviétique signifiait la "fin de l'histoire, autrement dit la victoire définitive et universelle du libéralisme économique. Les politiques auraient désormais comme tâche principale d'en être les co-gestionnaires. 25 ans plus tard, l'image que le monde nous renvoie est assez conforme à cette prophétie : le libéralisme économique, sans guère de considération environnementale et souvent accompagné de totalitarisme politique (Chine, Russie, Malaisie...) s'est imposé.
Mais doit-on considérer que c'est définitif et tourner la page? Dans un monde physiquement infini, où on n'aurait pas à rendre compte des ponctions grandissantes opérées sur les ressources naturelles, peut-être. Sur notre petite planète bleue, c'est impossible. Le pic de production du pétrole est atteint actuellement et celui du gaz le suivra dans quelques années, y compris avec la contribution des gaz de schiste. Or l'essentiel de la croissance économique s'est effectuée et s'effectue sur la croissance de l'utilisation de l'énergie à bas prix. Certes, on pourrait se re-tourner vers le charbon (et c'est le chemin qui est suivi depuis quelques années) mais à un coût environnemental tel, via le Changement Climatique, qu'il mettrait en péril l'ensemble de la biosphère en quelques dizaines d'années.
Face à cela, la question qui vient à tout homme raisonnable est : quelle structure a la capacité nécessaire de compréhension et de pouvoir pour inverser la tendance? il ne faut guère attendre d'aide de la part des acteurs économiques classiques ou des politiques qui en adoptent le langage. La mobilisation citoyenne individuelle et collective a son rôle à jouer et elle doit être soutenue par l'engagement de ceux qui ont des compétences scientifiques ou une autorité morale.
Si les structures de pouvoir sont difficilement accessibles, il n'en est pas de même de leurs dirigeants. Si nous pouvons leur faire comprendre que leurs enfants subiront le même sort que nos enfants (car il n'y a pas de planète B) alors ils feront bouger les lignes.
Par expérience, je crains fort qu'une catastrophe climatique ou environnementale majeure qui les touche directement ne soit beaucoup plus persuasive qu'un discours rationnel ou engagé.
Mais, même si le combat est inégal, nous savons que nous avons le devoir de continuer qui "la minute du vieux schnock" ou qui les conférences sur le Changement Climatique.
Courage.
2 De Sophie -
Bonjour,
Je vous remercie d'évoquer le sujet qui devrait tous nous toucher si nous essayons d'avoir une vision à long terme, ne serait-ce que de notre propre vie...
J'ai 25 ans et l'avenir me paraît tellement obscur... la jeunesse n'est pas oubliée actuellement mais sacrifiée de manière à ce que bientôt, elle oublie toute idée de révolte...
Peu importe notre âge, indignons nous contre cette sacro-sainte croissance qui nous mènera vers un seul destin : la mort de notre planète...
3 De Christian Grenier -
Merci, Cher Vincent Cailliez,
pour la réaction d'un spécialiste ( faut-il préciser aux lecteurs que vous êtes climatologue ? ).
En effet, aux USA et en Chine, les récents événements météo commencent à démontrer aux responsables politiques que le réchauffement climatique les touche directement.
Et comme Sophie ( merci également pour votre témoignage ! ) le dit, l'avenir semble plutôt sombre.
Le récent G8 vient à nouveau de mettre l'économie en avant, avec une croissance obligatoire de 2% ( !? ) mais pour la première fois, un petit paragraphe semble faire mention du réchauffement climatique... avec un projet pour réagir.
De bonnes intentions.
Mais depuis Kyoto, on sait hélas que les promesses sont rarement tenues et suivies d'effet !
4 De Le cédéïste -
C'est bien beau tout ça. MAIS, Christian, as-tu des nouvelles fraîches de l'épaule de Roger Federer ? Je suis inquiet, la Une des journaux ne parle plus de Nabila... Que se passe-t-il ?
http://mrmondialisation.org/nabilla...
Courage !
Bises à la famille Grenier
Christophe