A Bordeaux et dans leur propriété de Gusilalle, le jeune Jacques vit chez son oncle et sa tante dans le souvenir d’une mère morte ( de chagrin ? ) trop tôt et d’un père-peintre disparu, mystérieusement parti à Tahiti.
L’ambiance est feutrée, religieuse, avec la présence constante d’une grand-mère complice, d’une bonne soeur, de la tante dévote Marie-Henriette et d’une vraie sœur, Marie-Henriette, confite en dévotion.
Les événements, c’est la visite de sa cousine Camille, d’un an son aînée et qui a sur lui un certain ascendant – et surtout celle d’un oncle dispendieux, presque toujours absent, en voyage avec l’une de ses nombreuses maîtresses.
A seize ans, lors d’un inoubliable été à Gusilanne, et à la suite d’une visite d’un cousin prétentieux, le beau Philippe, Jacques va vivister Paris et ébaucher ( enfin… presque ! ) une liaison avec la jolie Liette, l’amie de Philippe, avant de comprendre qu’il aime sa cousine Camille. Pendant l’année du bac va s’ébaucher entre eux une correspondance clandestine qui sera découverte et causera un petit scandale….
Le décès de la grand-mère va être pour Jacques un événement majeur. Camille lui fait comprendre qu’il est trop jeune pour elle – et il va se résoudre à un deuil d’autant plus difficile que la propriété de Gusilanne sera vendue…
La lecture de l’autobiographie de Robert Kanters ( un inconditionnel de Mauriac ! ) m’a poussé à lire le deuxième roman de Mauriac… ou plutôt à le relire puisque, à ma grande surprise, j’ai retrouvé mes propres notes au crayon dans les marges.
J’avais donc lu ce roman en 1980 et n’en avais pas le souvenir… est-ce un effet de l’âge ??
En même temps, il m’a semblé intéressant de comparer La robe prétexte avec le premier volume de A la recherche du temps perdu puisque ces deux ouvrages ont été écrits à la même époque. Et même si Mauriac reste un écrivain immense, même si les deux narrateurs offrent le même regard ( à la première personne ) sur l’enfance ( l’endormissement, la chambre, la famille… l’incipit est exemplaire : « Grand-mère posa sur mes cheveux le baiser de chaque soir, elle prit la lampe. Un cercle lumineux dessiné au plafond la suivit et disparut » - il n’y a pas photo : l’écriture de Mauriac, soignée au point de flirter parfois avec la poésie ( « Nous faisions fuir sur les champs moissonnés un lièvre amoureux de crépuscule » p. 63 ) est d’un classicisme parfois difficile à passer, notamment à cause de la manie devenue vieillotte de placer systématiquement l’adjectif avec le nom. Un tic devenu une préciosité surannée : « de navrantes banlieues, un précoce automne, une tiède pluie, le passionné désir, cette somnolente vie, la calme nuit… » ( p. 157 à 162 )
Toutefois, ce roman court est un modèle de récit d’apprentissage, où la morale et la religion semblent d’un autre âge – et sont d’ailleurs d’un autre âge : un siècle nous sépare de Jacques ! La robe prétexte est sorti en 1914. Mais un gouffre incommensurable sépare notre jeune héros des ados d’aujourd’hui.
Reste un texte admirable dont l’écriture a déjà le charme des photos sépia un rien jaunies.
Lu dans l’intégrale de François Mauriac ( Editions Rencontre ), Tome 1 : superbe ouvrage à la couverture en simili cuir bleu doré. Papier jaune épais, illustrations, belle et large typographie… un vrai plaisir de lecture !
CG