Les passants de Lisbonne, Philippe Besson, Julliard

A Lisbonne, Hélène « tue le temps », assise dans le jardin intérieur d’un hôtel.

Mathieu, qui séjourne dans le même hôtel, est intrigué par cette inconnue à l’air absent et triste. Il l’aborde sans détour, la questionne.

Et elle répond : son mari Vincent a été porté disparu lors d’un récent tremblement de terre à San Francisco. Est-il mort ? Oui, sans doute, mais on n’a pas retrouvé son corps. Elle vit un deuil improbable, à la fois interminable et incertain.

Interrogé, Mathieu doit aussi révéler sa présence ici : homosexuel ( encore qu’il soit bi quand la fille est jolie ), il a été plaqué par son ami Diego ici-même, à Lisbonne – alors qu’il jugeait leur passion durable et partagée. De confidence en confession, de réminiscence en souvenir, Hélène et Mathieu se racontent l’histoire de l’homme qu’il ( ou elle ) aime, dont le manque se fait cruellement sentir. Deux douleurs différentes mais pleines de points communs.

Hélène est fidèle et matinale ; Mathieu, qui vit de façon débauchée, fréquente les bars gays, et c’est un couche tard. Ils se rendent au port, au cimetière – et bientôt, à la demande d’Hélène, dans les fêtes nocturnes où Vincent trompe sa solitude chaque nuit...

Au fond, y a-t-il une histoire ?

Non, sauf peut-être un petit coup de théâtre final. Ces passants ne font pas que passer : ils sont tous deux en transit, cet hôtel est une gare dans laquelle existent peut être la possibilité de nouveaux départs. Hélène aime encore Vincent, un architecte ( paradoxalement ) écrasé sous un immeuble ; et Mathieu aime encore Diego, il ne couche et drague que pour compenser un manque. Hélène et lui ne seront jamais amants ; mais ils partageront leur mélancolie, leurs regrets, leur douleur. Avec une pudeur à laquelle s’ajoute peu à peu une forme inconnue de tendresse complice.

Aussi, Philippe Besson, dans ce court ( 200 pages ) récit, n’a pas d’autre ambition que de conter par le menu les intermittences ( ou les fidélités ) du coeur, chères à Proust, avec un décor particulier ( cher à Pessoa ! )  : celui de Lisbonne qui, comme San Francisco, est un port – une ville qui, autrefois, a aussi été victime d’un tremblement de terre.

Ces tremblements de l’âme et du cœur, l’auteur parvient à les faire ressentir à son lecteur au moyen d’un style à la fois simple et fluide, où chaque détail fait mouche.

C’est là un roman intimiste, délicat, dont on sort troublé, charmé, interpellé – mais pas indemne, bien qu’il ne réserve aucune vraie surprise.

Lu dans son unique version, un très beau moyen format agrémenté d’une couverture noire et jaune.

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