En 1943, en compagnie de son oncle, sa tante et sa grand-mère Bunica, la petite Elena ( 6 ans ) quitte la Bessarabie, ancienne province de Roumanie, pour fuir l’occupation soviétique. C’est le début d’une longue vie nomade qui la mènera de Aiud à Craiova et Bucarest.
Elena est adoptée par ses oncle et tante, qu’elle n’aime guère, et elle doit changer de nom. Elle entreprend des études scientifiques. A 22 ans, elle tombe amoureuse de Jabob, qui est juif. En dépit de l’opposition de ses parents, elle le fréquente et l’épouse.
Le couple, qui a un fils, Alexandru parvient à émigrer en Israël, où Elena devient Helen et décroche un poste dans l’énergie atomique. Mais le pays est en guerre – et elle craint pour l’avenir d’Alexandu, qui deviendra bientôt soldat. Une fois de plus, le couple repart, en Italie où ils décrocheront enfin leur visa pour les Etats-Unis…
Commence une nouvelle vie, jusqu’à ce que Alexandru tombe amoureux de Marie, une Française catholique et exilée. Les parents du jeune homme réprouvent cette union, car ils pensent que la jeune femme voudra retourner dans son pays natal, chez ses parents qui vivent en Bretagne – il est vrai que Marie y retourne chaque année pour ses congés.
Marie et Alexandru se marient, et ont un enfant à leur tour, la petite Camille…
Longtemps, Marie et Helen vont s’opposer, se détester… jusqu’à ce que Jabob tombe malade.
C’est d’ailleurs avec cette situation que commence le récit, en 2003…
Un brillant avenir a un titre trompeur.
Sans doute évoque-t-il l’avenir problématique d’une petite Elena chahutée et contrariée toute sa vie : elle change de pays ( long détour par la France, où Helen travaillera à Saclay ! ), de parents, de métiers, de nom et de prénom – ce qui ne l’empêchera pas de reproduire avec son fils les problèmes qu’elle a vécus.
Mais Un brillant avenir est aussi celui qu’Elena imagine pour son fils unique...
Deux faits particuliers : ce roman est :
1/ en réalité la biographie d’Helen – et l’hstoire des rapports qu’elle noue avec sa belle-fille Marie, rapports d’abord très tendus, une hostilité qu’elle croit partagée et qui s’achèvera avec une réconciliation apaisée.
2/ déconstruit : malgré ses quatre parties ( Fille, Amante, Epouse et mère, Veuve ) on passe sans cesse de 2003 à 1941, puis 1988, 1950, 1989-90, 2004-2006…
Les événements récents sont rédigés au présent, les plus anciens au passé. Et bien que Catherine Cusset ait opté pour le monologue indirect libre avec Elena/Helen comme héroïne, il arrive que la narratrice se mette dans la tête et la peau de Marie – qui souvent comprend mal l’hostilité de sa belle-mère.
Attention : ces remarques ne sont en rien un point négatif. Car le style de Catherine Cusset est d’une clarté, d’une vivacité, d’une densité qui rendent la lecture d’Un brillant avenir aussi passionnante qu’aisée. Le lecteur reconstitue d’autant plus facilement ce puzzle spatio-temporel qu’il lira sans doute ce roman d’une traite.
Jamais manichéen, ce récit offre une palette de personnages réalistes, attachants jusque dans leurs erreurs, leurs contradictions et leurs entêtements. Ce qui explique que ce roman ait été couronné en 2008 par le Prix Goncourt des lycées. C’est là un vrai récit d’apprentissage contemporain – avec en filigrane une réflexion permanente sur la notion de parenté, de passion contrariée et… d’immigration. Chacun des protagonistes de ce récit est un déraciné, autant en quête d’identité que d’un bonheur qui semble sans cesse fuir devant lui.
Lu dans sa version poche, 370 pages d’un ouvrage souple et pratique.
CG