LA COUVERTURE D’UN LIVRE… ou


... réponses à des questions fréquentes concernant ce sujet délicat.

 

On me pose parfois la question ( naïve ) :

- Est-ce vous qui faites la couverture de vos livres ?

A quoi je réponds :

- Si c’était le cas… mes livres se vendraient beaucoup moins ! Je ne sais pas dessiner.

J’explique alors que la couverture, c’est l’éditeur qui en est le responsable ;  qu’il en confie le plus souvent la fabrication ( et le choix de l’illustrateur-trice, ou de la photo ) à la ( au ou ) D.A., Directeur ou direction artistique.

Plus pertinente, la question qui m’est aussi posée est :

- Choisissez-vous l’illustrateur ? Avez-vous un droit de regard sur la couverture ?

La réponse ( non ! ) étonne bien sûr le lecteur.

En effet, sur le contrat que signe l’auteur est spécifié que l’éditeur décidera de la couverture, du prix et de la collection du futur ouvrage.

Certes, il m’arrive aujourd’hui de livrer un avis, une suggestion, de conseiller de faire appel à tel ou tel illustrateur. Mais il est rare qu’on tienne compte de mon opinion !

Et 45 ans plus tard, j’avoue que j’en suis moins indigné qu’avant.

Oui : pour le choix de la couverture, l’auteur n’est pas le plus compétent. Celle de certains de mes livres ne me plait pas du tout – mais ils se vendent mieux que la couverture précédente qui me plaisait davantage. La couverture, c’est l’emballage.

Et c’est moins l’affaire de l’auteur que celle des commerciaux chargés de vendre l’ouvrage.

 

Toutefois, il arrive que des couvertures soient… fautives : ce qu’elles représentent est une erreur manifeste. Je pense à la première couverture de mes Surfeurs de l’inconnu, où le petit personnage représenté a 7 ou 8 ans ( il en a 18 dans le texte ! ) et où, surtout, il surfe sur la crête de la vague, ce qui a fait beaucoup rire les vrais surfeurs.

Je pense aussi à la première couv d’@ssassins.net, qui représente mon héroïne Logicielle, rousse, âgée d’une bonne quarantaine d’années, face à l’écran d’un ordinateur des années 80… d’où surgit un petit fantôme noir.

Ces couv ont été refaites – et pas seulement à ma demande !

 

Une ou deux anecdotes concernant les couvertures méritent d’être livrées ici :

Commençons par Le soleil va mourir et sa première édition, en 1977.

A mes débuts, chez GP Rouge & Or, ( Presses de la Cité ), j'ai été surpris de constater que l'auteur n'avait quasiment aucun mot à dire sur la couverture. J’ai appris que les responsables de la DA , le plus souvent, ne lisaient pas l'ouvrage. Ils disposaient d’un résumé du récit fourni par le directeur ( en l'occurence la directrice : Marie-Hélène About ) de la collection.

En 1974, j'avais même été ( comme les lecteurs ) scandalisé par la couverture de Cheyennes 6112 ( même collection : Grand Angle ) qui représentait, perdus dans l'espace, des astéroïdes pourvus d'une grosse bulle censée abriter une ville de plusieurs millions d'habitants. Une aberration puisque, dans ce roman, toute l'action se déroule sur la Terre et que, jamais, il n'est fait mention d'une ville en orbite !

Pour éviter que cette incohérence se reproduise, j'ai usé d'un subterfuge et… décrit moi-même, dans mon manuscrit, la couverture de mon livre.

J'espérais naïvement que la DA se verrait dans l'obligation de reproduire la scène que je décrivais. Bien entendu, cela n'a pas été le cas. Et j'ai vu arriver en projet ( heureusement, j'en avais fait la demande, je me méfiais - sinon j'aurais découvert la couverture à la sortie du livre en librairie, comme cela avait été précédemment le cas ! ) un dessin avec un immense soleil - et aucun personnage ( c’est la version Grand Angle de 1977 ).

J'ai protesté et mis en avant l'argument : "je décris ma couverture" ! Peine perdue.

C'était d'ailleurs trop tard, la couv était partie à l'impression - mais, par chance, pas encore le livre ( eh oui, le livre "papier à plat" n'est pas toujours fabriqué par le même imprimeur ).
Il ne me restait qu'une solution pour rectifier le tir : modifier quelques lignes de mon propre texte, ce que j'ai fait, en décrivant la couv existante qui allait paraître.

Pour sa réédition en poche, chez Pocket, en 2002, j'ai expliqué ces faits à la directrice de la collection, Ariane Lamoureux qui, fort gentiment, m'a déclaré :

- Choisissez votre illustrateur et mettez-vous d'accord avec lui, je vous fais confiance.

De toute façon, j'ai entièrement repris et revu mon texte, c'est une véritable version "revue et corrigée", la lecture du début des deux versions vous en convaincrait.

Et là, j'ai contacté Manchu ( illustrateur de SF, passionné d'astronomie,  qui assurait alors toutes les couv de la revue Ciel et Espace et m'avait déjà fourni plusieurs excellentes couvertures : celles du Coeur en abîme, d’Allers simples pour le futur, etc. ).

- Magnifique ! m'a-t-il répondu. Qu'est-ce que tu veux ? Je t'envoie des crayonnés !

J'ai choisi l'un des projets qu'il m'a très vite proposé ( après avoir lu le livre ! ) et j'ai modifié mon texte en ayant sous les yeux le brouillon de sa future couverture - bref, nous avons accordé nos violons..

Pour les éditions étrangères, j'ignore si le texte du Soleil va mourir a été modifié.

La couv de la version brésilienne est très belle, et très fidèle : Pierre Grode, l'un des personnages, est représenté sur la couverture et c'est le;portrait tout craché de Pierre Pelot ( mon plus vieil ami écrivain ! ) qui s'appelle en réalité Pierre Grosdemange. Je le décrit avec précision dans le premier chapitre.

Autrement dit : l'illustrateur de cette version en portugais a sans aucun doute lu l'ouvrage.

Mon texte a-t-il été modifié ? Impossible de le savoir, je ne parle pas un mot de portugais !

 

Pour La musicienne de l'aube, la première version des quatre volumes est sortie chez Hachette début 1997. Bien entendu, je n'ai choisi ni l'illustratrice ni le dessin de la couv, que j'ai, là encore, découvert en librairie à sa sortie !

Pas grave : j'ai été ravi du travail de Florence Magnin ( à l'époque illustratrice de BD ) dont j'ai d'ailleurs fait la connaissance peu après - à noter qu'en revanche, la maquette est horrible, avec cette fenêtre éclatée, mais bon... c'est le travail de la DA !

Là encore, pour la réédition en un seul volume, chez Bayard, j’ai revu mon texte et évoqué, à la fin du récit, la couverture de mon propre livre, répétant en quelque sorte la mise en abîme réalisée vingt ans auparavant avec Le soleil va mourir. Ce qui m’a permis d’imposer non seulement l’image de la couv mais aussi son auteur, Krystal Camprubi, illustratrice d’un gros récit ( Toi, Lumière de ma nuit ) publié trois ans auparavant, et dont le texte et les illustrations se marient d’autant mieux que nous avons travaillé ensemble, page après page !

 

Un dernier exemple avec Big Bug ( une « enquête de Logicielle » initialement parue dans la collection Cascade Policier ) en 2005.

Pour une fois, l’éditrice avait accepté mon choix : ce serait Philippe Munch qui assurerait la couverture – et nous l’avions laissé libre de faire ce qu'il voudrait.

Rares sont les lecteurs à savoir que ce que représente l'image de l'ordinateur qui figure sur la couverture est très précis : c'est celle... de l'hélium ( les 21 centimètres ) vu au spectroscope, la clé même de mon roman !

Eh oui : le choix et le sujet de la couv peut aller du pire au meilleur mais là encore, il faut en avoir conscience : ce n’est pas parce qu’elle est fidèle au contenu ou à l’esprit de l’ouvrage que celui-ci se vendra mieux ou plaira… Ces deux domaines sont très différents.

Hélas, beaucoup de lecteurs ne se fient qu’à la couverture pour acheter un livre.

On me répondra que le plus sage, c’est sans doute de ne rien représenter, comme cela a longtemps été le cas pour la collection « blanche » de la BRF ( Gallimard ). Sauf que le service commercial a fini par constater que le livre se vendrait beaucoup mieux… s’il était pourvu d’une jaquette avec une illustration ou une photo – comme cela était le cas pour les « romans destinés à la jeunesse » ! Un choix qui est de plus en plus fréquent, il suffit de le constater en regardant la vitrine d’un libraire.

Décidément, les lecteurs ne sont pas raisonnables : hum… leur faudrait-il des images pour les convaincre de lire un livre ?

CG

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