C’est, en 2017, le nombre de migrants recensés dans le monde, toutes catégories confondues. Oui, je sais, il faudrait différencier les migrants politiques, économiques, climatiques… mais à mes yeux, ces nuances ont peu d’importance, même si, en principe, les réfugiés politiques ( donc menacés de mort ) pourraient avoir une priorité sur les réfugiés économiques ou climatiques : après tout, jugent certains à voix basse, pour ces derniers, c’est leur faute : ces gens n’avaient qu’à naître ailleurs !
En France, les voix s’élèvent contre le laxisme des autorités : avec 100 000 « demandeurs d’asile », mais où allons-nous ? C’est oublier que l’Allemagne, depuis 2015, en a accueilli… un million !
Nos voisins, allez-vous nuancer, avaient de bonnes raisons : ils manquent de main d’œuvre et leur natalité est en péril. D’ailleurs, face aux protestations, Angela Merkel a dû réduire la voilure. En Syrie, depuis l’an 2 000, trois millions d’habitants ont fui. Depuis 2015, l’Allemagne en a accueilli 21 000. Et la France, depuis 2013… 1 500. Qui dit mieux ?
Et là, ce ne sont pas des « migrants économiques ou climatiques ».
Où Grenier veut-il en venir ? vous demandez-vous.
À examiner le problème sur le plan planétaire…
Par exemple, en constatant que la loi du marché autorise :
des sociétés à s’implanter n’importe où dans le monde, pour y exploiter, par exemple, les habitants du Bangladesh ( surtout les femmes ), qui fabriquent pour deux euros par jour ( si, vérifiez ! Le salaire moyen mensuel y est de 32 euros/mois, le textile paie deux fois plus, magnifique ! ) des vêtements que les mêmes sociétés vous vendent avec de scandaleux bénéfices. Ne parlons pas des enfants de 7 ou 8 ans, en Inde, qui récoltent des tomates qu’on leur achètera… 1 centime d’euro le kilo - j’en passe.
que ces bénéfices réalisés par ces trusts internationaux soient placés dans des paradis fiscaux grâce à des astuces complexe tout à fait légales.
Donc : ces lois qui autorisent la libre circulation de l’argent et des marchandises… refusent la libre circulation des travailleurs qui produisent ces marchandises - donc ces richesses.
Au XIXe ou au XXe siècle, on pouvait encore oser objecter : chaque pays gère ses biens et sa population comme il l’entend. Ne nous mêlons pas des affaires du voisin – ce qui, en soi, est déjà risible puisque, dans notre glorieux passé, les pays les plus riches ont envahi des territoires qui ne leur appartenaient pas, de l’Afrique aux deux Amériques, en anéantissant ou ( au mieux ) en asservissant les populations locales.
Aujourd’hui, ce discours n’est plus supportable : si le marché chinois éternue, les Etats-Unis s’enrhument. La bourse est mondiale, comme l’est devenu le système économique de toute la planète. Une planète que les Etats-Unis ( et déjà les Chinois ) inondent de leurs produits, Coca Cola, Mac Do, Google et cinéma compris.
Comment alors s’étonner que les pays pauvres envisagent d’accéder au même système ? Et cherchent à rejoindre nos pays qui, sans produire ces richesses ( coton, huile de palme, terres rares, etc. ) en récoltent les fruits ?
Ah, il y a un problème : les ressources de notre monde sont limitées. Mais ce sont les pays industrialisés qui en bénéficient – plus pour très longtemps, à en croire les économistes.
Et les statistiques risquent d’effrayer : dans les années à venir le chiffre des migrants va sans doute exploser. Celui des migrants économiques ( non, non, restez chez vous, débrouillez-vous avec ce qui vous reste ) comme celui des réfugiés climatiques : oui, 60% de la population mondiale vit au bord des océans. Des océans dont le niveau va monter.
Quant aux zones menacées par la désertification et le manque d’eau potable, elles se multiplient à vitesse grand V.
Au fait, tout ça, à qui la faute ?
Au réchauffement climatique provoqué par les gaz à effet de serre, essentiellement produits par… eh bien justement : les pays industrialisés. Quant à l’Afrique, L’Inde, le Bangladesh et d’autres pays du Sud-Est asiatiques, ils sont les premiers à en pâtir.
Alors bien sûr, il y a des solutions provisoires : construire des digues, élever des murs, promulguer des lois et revendiquer l’indépendance de sa petite vallée, crier très fort : « interdit d’entrer, on est chez nous,! »
Sauf que chez nous, désormais, c’est la planète.
Et n’en déplaise au dieu croissance, le jour viendra où il faudra, de gré ou de force, se résigner à en partager les fruits – enfin, ce qu’il va en rester.
CG
1 De Jean Louis Bobin -
En contrepoint, d'un autre vieux schnock, ce dialogue entre les trois personnages de "Demain quelle Terre?"
Migrations climatiques
Sagredo, Salviati et Eccoverdi, en promenade apéritive, parcourent les allées du parc de Miramare près de Trieste
SAGREDO Ce parc en pente douce jusqu'au rivage est vraiment très agréable. L'archiduc Maximilien…
ECCOVERDI Cet étranger…
SAGREDO Il n’était peut-être pas d’ici, mais à l’époque, il était chez lui. N’oublions pas que Trieste et ses alentours ont appartenu à la couronne autrichienne jusqu’à la fin de la première guerre mondiale. La grande ligne de chemin de fer, c’était Trieste-Vienne. Toujours est-il que Maximilien avait du goût.
ECCOVERDI Et un certain sens de la nature. On pourrait se croire dans une vraie forêt.
SALVIATI Sauf que l'on risque d'y rencontrer plus de chats que d'écureuils. Tout à l'heure, près de la grille d'accès au port de Grignano, nous avons pu apprécier le spectacle de ce bonhomme avec son panier de petits poissons, péchés par lui sans doute, en train de distribuer cette friandise aux chats qui peuplent cet endroit.
SAGREDO C'est très bien d'aimer les chats. A Venise nous les aimons aussi plus que de raison. Mais ce symbole d'une société apaisée ne doit pas nous faire oublier le drame qui se joue sur nos côtes méridionales.
ECCOVERDI Vous voulez parler de ces migrants, chassés par la guerre et qui se noient ?
SAGREDO Evidemment. Et je crains que nous les Européens nous comportions de manière indigne.
SALVIATI D'autant que le flux migratoire que d'aucuns déplorent ne fait sans doute que commencer. Il vient de paraître dans la revue Science un article qui montre la corrélation entre le nombre des demandes d'asile qui nous sont faites et des événements climatiques.
ECCOVERDI Un effet du réchauffement d'origine anthropique ? Voilà encore une conséquence détestable de notre civilisation consumériste qui a perdu tout contact avec la Nature. De pauvres gens sont contraints d’émigrer. Ils traversent la mer sur les embarcations de fortune menées par des passeurs peu scrupuleux et atterrissent sur nos côtes dans un état lamentable, quand ils ne se sont pas noyés en cours de route. Nous devons les accueillir.
SAGREDO Certes, mais une partie de l’opinion, relayée par des formations politiques « antisystème », crie à l’invasion. La peur du « grand remplacement » a pesé lourd dans les derniers scrutins. L’Italie va être ingouvernable.
SALVIATI Nous en avons l’habitude.
SAGREDO Ce n’est pas le cas d’autres pays européens où cependant les sentiments anti migrants sont largement partagés. Prenez la France où l’exécutif est stable. La télévision nous montre régulièrement ce qui se passe à Calais. Des gens de tous pays cherchant à gagner l’Angleterre vivent là-bas sous la tente et dans la boue. Ce n’est pas mieux à notre frontière autour de la gare de Vintimille. Le spectacle est assez lamentable de tous ces hommes qui prennent le train, se font impitoyablement refouler et recommencent.
ECCOVERDI Heureusement, des êtres généreux des deux côtés de la frontière organisent des passages à travers la montagne à partir de la vallée de la Roya ou, plus au nord, vers Bardonecchia.
SALVIATI Ce genre d’initiative individuelle n’est pas une solution. Que fait-on de ceux qui ont ainsi pénétré sur un territoire où ils ne sont pas bienvenus. N’est-ce pas irresponsable que de leur offrir pour seul avenir la clandestinité ? et si le nombre de ces migrants est décuplé ou centuplé comme tout le laisse croire pour les temps à venir, la situation deviendra vite ingérable.
SAGREDO C’est bien pour cela qu’il faudrait une grande initiative européenne recueillant un large consensus pour organiser leur accueil et leur intégration avec tous les efforts d’hébergement et d’éducation que cela comporte.
ECCOVERDI Et pourquoi ne pas simplement aider ces migrants à s’organiser par eux-mêmes ? ils sont souvent instruits et en ont les capacités.
SAGREDO C’est bien ce qui s’est passé en France, dans la fameuse « jungle », une sorte de camp de transit en forme de village de toile spontanément poussé à côté de Calais. La vie s’y était organisée d’elle même avec des commerces, des services et même un bordel, l’essentiel de cette population étant constitué de jeunes hommes. Mais la cohabitation entre communautés n’allait pas de soi dans la gadoue et le manque d’hygiène. Il n’y avait guère d’autre solution que le démantèlement de ce triste campement et la prise en charge de ses habitants. Mieux vaudrait je pense qu’une organisation unissant empathie et rationalité soit une grande cause partagée par l’ensemble de nos états.
SALVIATI Qui devraient dégager les budgets correspondants.
SAGREDO Bien entendu. Mais je ne me fais pas d’illusion. C’est mission impossible ! Il est pourtant indispensable de s’atteler à cette tâche, sinon notre continent sera voué au chaos. Tous les extrémismes se donneront libre cours dans des états impuissants, incapables de s’entendre. L’Union Européenne, ou ce qu’il en reste n’y survivra pas.
2 De chrisgrenier@sfr.fr -
Merci, Cher Jean-Louis,
d'abord pour votre fidélité, ensuite pour ce commentaire fort pertinent qui fait hélas écho à ma minute du vieux schnock.
Suite à ce réchauffement climatique prévisible, les migrations vont devenir monnaie courante - et il serait temps que la communauté mondiale ( et pas seulement européenne ) prenne les choses en main.
Enfin, j'ai bon espoir que nous finissions par nous croiser à nouveau - à Scientilivres en octobre prochain, peut-être ?
Très cordialement à vous,
Christian
3 De chrisgrenier@sfr.fr -
Merci, Cher Jean-Louis,
d'abord pour votre fidélité, ensuite pour ce commentaire fort pertinent qui fait hélas écho à ma minute du vieux schnock.
Suite à ce réchauffement climatique prévisible, les migrations vont devenir monnaie courante - et il serait temps que la communauté mondiale ( et pas seulement européenne ) prenne les choses en main.
Enfin, j'ai bon espoir que nous finissions par nous croiser à nouveau - à Scientilivres en octobre prochain, peut-être ?
Très cordialement à vous,
Christian