Cinq cents ans après sa création, La Joconde prend la parole.
Elle nous raconte son histoire depuis le départ ( la fuite ? ) de Léonard de Vinci qui accepte l’invitation de François Ier, quitte l’Italie et se rend au manoir de Cloux - devenu Le Clos Lucé, à Amboise - avec ses trois tableaux préférés, jusqu’aux mesures contemporaines de sa protection, au Louvre, en ce début de XXIème siècle.
Chronologiquement ( ou presque ), l’auteur relate par le menu les heurs et malheurs du tableau : ce petit format ( 0,77 x 0,53 ! ) en bois de peuplier ( donc fragile… comme si Léonard ne lui accordait pas au départ la valeur qu’il prendrait par la suite ) que Léonard ébaucha sans doute en 1503 et qu’il peaufina pendant quinze ans avant de le céder à la France, en remerciement de l’accueil que ce pays lui réservait.
L’auteur évoque celles et ceux qui ont côtoyé le tableau, qui l’ont dérobé ( sans doute le passage - central - le plus intéressant et le plus documenté ) ou l’ont fait voyager, toujours de façon exceptionnelle. C’est l’occasion d’un bref hommage à Jackie Kennedy qui insista pour que La Joconde franchisse l’Atlantique en 1962 à bord… du paquebot France.
Il nous livre des détails sur Léonard, ses liens avec ses élèves préférés, son homosexualité ; il doute ( à juste titre ! ) de l’hypothèse selon laquelle le modèle de Mona Lisa aurait été Salaï ( son élève et amant, qui posa pour le tableau de Saint Jean-Baptiste ) ; il s’attache à nous raconter la vie de son très probable modèle : Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo. un marchand de drap florentin. mais aussi celle de toute sa famille.
Enfin, il s’intéresse à l’énigme de son sourire et à la célébrité mondiale de l‘œuvre.
On apprend ainsi que les cils et sourcils de Monna Lisa ( orthographe italienne ) ont été volontairement effacés vers 1598… parce que c’était la mode.
Que sa bouche sourit davantage du côté gauche que du côté droit.
Que le voile très léger dont elle était parée a été gommé par le temps.
Qu’elle a subi des examens radiographiques qui témoignent de modifications importantes.
Que si la plupart des écrivains l’admirent ( George Sand, Théophile Gautier ), d’autres, comme Albert Cohen, la traite de « bonne femme » et jugent qu’elle a « une tête de femme de chambre ».
Mona Lisa s’interroge aussi sur sa valeur – et la possibilité, pas si ridicule, qu’elle soit un jour vendue pour effacer la dette de la France, à l’image du Portugal qui, en 2004, a vendu 85 œuvres de Miro pour récupérer 36 millions d’euros !
J’ai lu ce récit pour deux raisons : la première, c’est qu’il m’a été prêté par ma filleule, qui l’avait dévoré. La seconde, parce que j’ai moi-même évoqué Léonard de Vinci et La Joconde dans plusieurs de mes ouvrages.
Hélas, si j’ai consacré une quarantaine de pages* au voyage de Léonard, en 1516, de Rome à Amboise, François Diwo l’évoque en quelques lignes. Il nous suggère à ce sujet qu’ « à chaque étape, il me déballait avec délicatesse et me plaçait sur son chevalet pour le regarder. Il n’était pas rare qu’il ajoute un détail à mon portrait, au paysage, une broderie à mon vêtement ». Euh… quand on imagine les conditions acrobatiques de cette « folle expédition à dos de mulet à travers les Alpes », je doute que Léonard ait pu beaucoup peindre durant ce périlleux trajet !
J’espérais aussi avoir des détails sur les périodes pendant lesquelles l’artiste a travaillé sur son œuvre ; mais François Diwo, bien que très documenté, ne livre rien à ce sujet. Simplement parce qu’on en ignore à peu près tout !
Le fils de feu l’écrivain Jean Diwo, journaliste, livre ici un récit original et facile à lire. Il n’a aucune prétention littéraire, c’est le ton de la conversation. Le vol et la disparition de l’œuvre ( entre 1911 et 1914 ) constituent le morceau favori de l’ouvrage, avec pour figurants parfois inattendus Roland Dorgelès, Guillaume Apollinaire et Pablo Picasso qui, le sait-on, fut soupçonné et condamné à sept mois de prison !
En revanche ce qui concerne les considérations ésotériques liées au portrait me semblent… fumeuses et quelque peu superflues. Mais les amateurs de Dan Brown apprécieront.
En bref, c’est là un ouvrage instructif, bien documenté, parfois un peu fourre-tout.
Lu dans son joli moyen format ( avec Mona Lisa en couverture, of course ! ), couverture et papier très souples, 200 pages à lire en deux heures.