Du 23 août 1572 ( veille de la Saint Barthélémy ) au 31 mai 1574 ( autopsie du roi, mort la veille ), Jean Teulé nous relate les deux dernières années de la vie, du destin et de la folie grandissante de Charles 9, l’un des fils de Catherine de Médicis.
Charles 9, faut-il le rappeler, eut une vie courte et il fut détesté : mort à 24 ans, il est resté sous l’influence de sa mère. C’est sous son influence qu’il a ordonné le massacre de la Saint Barthélémy, qui causa la mort de 2 ou 3 000 parisiens et celle, par ricochet, de 10 ou 20 000 protestants, les jours suivants, dans pas mal de villes de France. Un massacre, note au passage Jean Teulé, qui fut salué comme un exploit par le pape !
Ouvrage historique mineur ( du moins dans l’œuvre de l’auteur ), Charly 9 se lit d’une traite grâce ( ou malgré ? ) un style très particulier, très riche, truffé d’expressions historiques ( on pense au meilleur de Fortune de France ) mais aussi de jurons, de scènes paillardes et de clins d’œil plus contemporains de l’auteur.
Si ce roman me touche, c’est parce qu’on y retrouve les Médicis, Henri de Navarre ( tout jeune marié avec Marguerite de Valois, la future Reine Margot, fille de Marguerite ! ) et aussi tout ce qui fait le terreau du dernier roman de Ken Follett, Une colonne de feu ( dont on a lu la critique sur mon blog au premier trimestre 2018 ).
Veule, égoïste, influençable, ce petit roi va finir par devenir sanguinaire et tuer tout ce qui bouge, au point de vouloir chasser à courre dans son propre palais du Louvre. A l’image de la ( superbe ) couverture du livre, Charles 9, pendant les dernières années de son trisge règne, va se couvrir du sang de ses sujets, au sens propre comme au sens figuré. Epoux d’une jeune allemande qu’il délaisse ( au profit de sa maîtresse favorite, une prostituée, Marie Touchet ), fils d’une reine autoritaire qui fera tout pour que succède à Charles 9 son fils favori, le futur ( et efféminé ) Henri III surnommé par sa mère « Mes Chers Yeux ».
Entre deux massacres, deux chasses à courre et deux disputes familiales, le lecteur aura le plaisir de croiser les sommités de la fin du XVIe siècle : Ambroise Paré ( protestant, certes, mais épargné par Charly ), et surtout le vieux Ronsard, toujours à l’affût d’une mignonne –y et à qui Charles 9 aurait commandé La Franciade, en dodécasyllabes.
L’intérêt de ce récit ( à peine ) romancé ?
Historique, au premier chef : on y apprend (ou on nous rappelle ), entre autres, que :
c’est sous le règne de Charles 9 qu’on change la date du 1er janvier ( jusqu’ici différente selon les villes du royaume !
ce changement va provoquer la mort par le froid de milliers de paysans !
on décide qu’au 1er avril, on aura la liberté de mentir et de se livrer à des canulars,
le 1er mai sera dédié au muguet ( une plante hélas mortelle si on la mange ! ).
L’agonie sanglante de Charles 9 est sans doute due à un empoisonnement… aurait-il été assassiné par sa propre mère, soucieuse de mettre sur le trône un autre de ses fils ?
c’est la première fois qu’a lieu l’autopsie d’un roi.
Intérêt également littéraire, grâce à un style ciselé, efficace, d’une richesse étonnante, parfois émaillé d’une touche contemporaine et d’un jugement subjectif de l’auteur, parfois lui-même amusé par le cocasse ( et l’horreur ) de la situation qu’il décrit. A ce titre, le « Allah Akbar ! » jeté par un passant lors des funérailles ( mouvementées et sanglantes, elles aussi ) du souverain est sans doute une facétie de l’auteur !
Lu dans son édition Julliard moyen format, avec une fort jolie couverture, le vrai portrait de Charles 9 ( estampe ) auquel ont été judicieusement ajouté quelques coulées de sang.