Réflexion après la diffusion d’un doc « 13H15 le dimanche » sur la 2, en août dernier.
On y voit notamment une abeille en train de mourir. Elle gigote et agonise, victime d’un dérèglement causé par un pesticide… ou même deux pesticides réputés inoffensifs, mais dont la rencontre provoque le même effet dévastateur, comme deux médicaments sans danger peuvent se révéler incompatibles. Son système endocrinien est perturbé, elle est incapable de se diriger –les abeilles se servent du soleil pour communiquer leurs trajets et retrouver leur ruche.
Cette abeille n’est pas la seule à mourir.
En trente ans, on le sait, 80% des insectes ont disparu sur notre planète.
Ce qui rend obsolète la fameuse blague : « A quoi reconnaît-on un motard heureux ? Réponse : les moucherons, sur les dents. »
Les vieux conducteurs l’ont remarqué : autrefois, en été, leur pare-brise était vite constellé par des mouches, guêpes, moustiques et autres insectes projetés sur le pare-brise.
Il n’y en a quasiment plus… merci, Monsanto !
75% des abeilles ont disparu. Ce petit gain de 5% est le fait des apiculteurs qui se battent pour renouveler leurs ruches. Les abeilles ont deux ennemis : les parasites et les pesticides.
Dans le monde, un seul pays n’a pas vu de diminution des abeilles des ruches : Cuba.
Pourquoi ?
Parce qu’après la chute de l’URSS, l’embargo américain n’avait plus d’adversaire.
Cuba n’a plus disposé de l’envoi des pesticides de ses alliés russes.
Les apiculteurs cubains ont été contraints de… faire du bio.
Et là, miracle : les abeilles se sont montrées capables de lutter elles-mêmes, par de rapides mutations, contre leurs parasites naturels ! Sans pesticides, elles ont continué à produire ( du miel ) et à se reproduire. Merci l’Amérique ( et Mr Bush senior ) !
On me dira : les abeilles vont disparaître… et alors ?
On connaît la phrase ( faussement attribuée à Einstein ) évoquant la fin programmée de l’humanité s’il n’y avait plus d’abeilles : elles sont responsables (à 80% ) de la pollinisation. Sans elles, la biodiversité disparaît ( ainsi que la plupart de nos cultures ).
Or, la responsabilité des pesticides semble entière : ils sont coupables de la mort des abeilles.
Monsanto ?
On sait ce qu’il en est : sans pesticides, ça va coûter plus cher de désherber.
Donc il faut attendre un peu avant d’agir, pour des raisons économiques.
Même Nicolas Hulot l’admet, l’accepte, le soutient – bizarre !
Sauf que pour les mêmes raisons, l’humanité va finir par le payer beaucoup plus cher.
Monsanto, on le sait aussi, a été racheté par Bayer, qui hérite de cette patate chaude.
Monsanto ( donc Bayer ) a été condamné à verser 289 millions de dollars ( 250 millions d’euros ) à un jardinier américain dont la cause du cancer semble bien avoir été établie.
Et ce jugement pourrait faire jurisprudence.
Sauf que Bayer, rassurez-vous, n’est pas près de payer : il fait appel. Le procès peut durer des années, avec l’aide de rapports établissant que le glyphosate n’est pas du tout dangereux. Rapports douteux rédigés par des « spécialistes » tous liés à Monsanto.
Cherchez l’erreur.
L’abeille en train de mourir lève peut-être le doigt ( si j’ose dire ) pour affirmer : ben non, je suis même la victime de pesticides jugés sans danger, alors le glyphosate, pensez donc…
A-t-on estimé le coût ( là, pas en millions mais en dizaines de milliards ) des conséquences ( sanitaires : médicaments, traitements, etc. ) de l’usage de ces pesticides ?
Les 250 millions d’euros auxquels Monsanton vient ( enfin ! ) d’être ( théoriquement, hélas ) condamné sont une goutte d’eau dérisoire.
Le coût de ces conséquences, c’est la sécu qui l’a payée – et la paiera.
C'est-à-dire nous.
Et ce qui se passe pour les abeilles n’est que la surface de l’iceberg de notre belle économie de marché : on privatise les bénéfices ( Monsanto s’est magnifiquement enrichi pendant des dizaines d’années ! Avec un dernier chiffre d’affaire de 15 milliards de dollars, il vient d’être racheté par Bayer pour… 59 milliards d’euro, qui dit mieux ?) et on nationalise les pertes : c’est la société, les impôts ( nous ! ) qui devons réparer les dégâts… quand c’est encore possible.
Ah, pour les abeilles, je rassure mes lecteurs : des sociétés privées ont trouvé la solution : des abeilles robots fabriquées par millions ( je ne plaisante pas, renseignez-vous, Walmart, 485 milliards de chiffre d’affaire, a déposé un brevet ! ).
Les trusts ont toujours une réponse : non contents de s’enrichir en détruisant la biodiversité, ils trouvent encore le moyen de continuer à le faire en inventant des remèdes pour réparer les catastrophes qu’ils provoquent.
CG