J’ai passé trois heures délicieuses en compagnie d’Anny Duperey... en lisant ses Chats de hasard. Ce récit n’est pas un roman – ni vraiment un essai ou une autobiographie. ( J’ai déjà évoqué ici, en son temps, Le voile noir, dans lequel la comédienne relate la mort accidentelle de ses parents alors qu’elle n’avait que huit ans. )
En préambule, Anny Duperey explique ici à ses lecteurs qu’il y a sans doute des gens à chiens et des gens à chats. Souvent, ceux qui aiment les chiens attendent d’eux de l’amour, de la fidélité... ils deviennent « un maître à qui il faudra obéir ».
Ceux qui préfèrent les chats n’attendent en général rien d’eux : le chat n’a pas de maître, il n’a pas besoin d’obéir. Ceux qui les aiment sont habituellement tolérants, attentifs, calmes – et ils affectionnent d’instinct animal qui le sent aussitôt et, dès lors, risque de les adopter et de leur être alors fidèle.
Ici, Anny Duperey évoque en vrac ses rapports avec les animaux, en livrant ici ou là des anecdotes puisées au cours de sa vie. Elevée par l’une de ses grands-mères dans une banlieue déshéritée de Rouen, elle a longtemps côtoyé... treize chats !
Et elle en a ensuite été privée pendant vingt ans. Privée ? Pas vraiment.
Car c’était un choix de sa part : ses activités, son métier, ses déplacements ne lui permettaient pas d’avoir le moindre animal de compagnie, elle les respecte trop pour cela.
Mais un jour, alors qu’elle se consacrait à l’écriture dans un petit deux pièces pourvu d’un jardin de curé, elle a vu atterrir sur son bureau un petit chat gris de cinq ou six mois, venu lui rendre visite depuis la ferme voisine. Peu à peu, le chat s’est imposé, installé chez elle et il l’a adoptée. Elle a fini par comprendre qu’elle devait le prendre en charge – et l’assumer. Elle l’a appelé Titi, c’était un chartreux.
Oui, c’est ainsi. Et c’est également ainsi que notre propre famille a vu arriver des chats dans notre vie : un chien, on l’adopte, mais un chat, c’est lui qui vous choisit.
Anny Duperey relate quelques souvenirs étonnants…
Celui d’un repas pris chez Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud, au cours duquel les animaux familiers des deux comédiens étaient à table au même titre que leurs convives !
Celui d’un aveu de Jean Mercure ( un grand metteur en scène ) qui, à la suite d’une visite dans une entreprise d’animaux élevés en batterie, en pleurait de dégoût. Un précurseur, car si Les chats de hasard date de 1999, l’anecdote est bien plus vieille encore – 1971, époque où il mettait en scène avec l’auteure La guerre de Troie n’aura pas lieu !
Anny Duperey évoque le sort d’animaux qu’elle a tenté de sauver ; un oiseau, un pigeon ( Chichi ), un écureuil – qui n’a pas survécu. Et elle nous offre le discours, imaginaire mais plausible, de chacune de ses deux grands-mères, l’une qui vivait à la dure et tuait ( sans haine aucune ! ) poules et lapins pour les manger, l’autre qui était entourée d’animaux jour et nuit, une « mamie-gâteau » tolérante et généreuse.
Deux discours opposés, et pourtant aussi raisonnables et justifiés l’un que l’autre.
Elle nous parle enfin, longuement, d’un chat étonnamment intelligent : Missoui, un chat « qui était quelqu’un ». Un animal irremplaçable, dont la perte est aussi ( et parfois bien davantage encore ) épouvantable que celle d’un oncle ou d’un cousin. Parce qu’un animal familier est souvent l’être qui vous est le plus proche. Des liens étonnants finissent par se tisser avec lui.
Aussi, avant d’adopter ( ou de se faire adopter ) par un animal en général et un chat en particulier, il faut être tout à fait conscient... qu’il va sans doute mourir avant vous. Et que sa perte risque d’être très douloureuse.
Un chef d’œuvre, cet ouvrage ? Non, pas le moins du monde – je dirais même que c’est là un récit mineur, parfois superficiel et un peu décousu.
Mais les réflexions d’Anny Duperey ( qui souvent tourne autour de son sujet, quitte à s’en éloigner pour livrer des considérations personnelles ) sont touchantes, pertinentes.
Cependant, il y a fort à penser qu’elles toucheront en priorité les amoureux des chats.
Et les écrivains. Deux espèces qui parfois n’en font qu’une...
Lu dans sa version grand format, avec une couverture très colorée et des illustrations ( au trait ) de l’auteure. Très beau papier et une présentation quasi luxueuse.
CG