Archie Trumper naît en janvier 1900.
Petit-fils d’un honnête marchand de quatre saisons ( la charrette s’appelle ici une « baladeuse » ) il n’a qu’une ambition : succéder à son grand-père et faire fructifier son affaire.
Hélas, la guerre survient ; Archie s’engage à 17 ans, assiste à la mort ( ou plutôt à l’assassinat déguisé ) de Tommy, son meilleur copain ( un voleur repenti ) dans les tranchées, par un odieux supérieur, le capitaine Guy Trentham, qui mentira sur les faits et sera injustement décoré. Il hérite de Tommy un gobelet de fer et un joli petit tableau ancien – une reproduction ?
De retour dans le civil, Archie s’agrandit avec l’appui d’une ancienne camarade de classe, Becky Salmon dite « Chiqué Dondon ». Celle-ci suit des cours d’art à l’université avec l’aide d’une amie de la haute société qui l’héberge : Daphné.
C’est le début d’un irrésistible ascension commerciale, ponctuée d’incidents pécuniaires et sentimentaux variés.
Difficile d’en dire plus sans livrer les éléments d’un puzzle géant, presque monstrueux.
Ce gros roman dont la vie des personnages couvre les 70 premières années du XXe siècle a tout d’un thriller. Et ce, grâce à l’efficacité redoutable de l’écriture de Jeffrey Archer ( Avez-vous lu Seul contre tous ? Vous ne lâcherez le livre qu’à la dernière page, après plusieurs jours de lecture quasi ininterrompue. )
Jeffrey Archer et Kent Follett ont plusieurs points communs : ce sont des écrivains anglais de la même génération qui ont fait de la politique et touchent à plusieurs genres littéraires.
Avec une différence : Ken Follett est du côté travailliste… et Archer côté conservateur.
Le souffle du temps est un marathon commercial et financier, où le bonheur passe essentiellement par la case réussite.
De fait, Le souffle du temps, qui pourrait avoir comme sous-titre l’irrésistible ascension commerciale du petit marchand de quatre saison Charlie Trumper, ressemble à une grande partie de Monopoly, avec la volonté du héros de s’agrandir sans cesse et de se voir coter en bourse – une lutte acharnée entre le héros, son épouse, leurs alliés et leur ennemie jurée, la mère du traitre Guy Trentham. Ce roman est un habile mélange contemporain du Bonheur des dames et du Conte de Monte Cristo, dans lequel l’auteur a puisé le meilleur de John Grisham pour les différends juridiques, et de Ken Follett pour les problèmes familiaux.
En effet, ce thriller rappelle parfois Le siècle des géants – même si le style de Jeffrey Archer est plus sec et moins littéraire encore que celui de Ken Follett.
Autre particularité de cet ouvrage : sa structure.
En effet, on passe d’un personnage à l’autre, le lecteur étant ainsi invité à partager un autre point de vue. Et ce,
en revenant chaque fois un peu en arrière ( Charlie : 1900/1919 ) puis Becky ( 1918/1920 ), puis Daphné ( 1918/1921 ), etc.
en rédigeant le premier chapitre de chacune de ces parties à la première personne… puis à la troisième.
Il faut sans doute être un lecteur attentif pour en prendre conscience. Ces procédés, loin de gêner la lecture, l’éclaire de façon subtile, car on obtient ainsi de précieux renseignements qui échappent à chacun des narrateurs successifs.
Attention : les premiers chapitres sont essentiels, et certains éléments majeurs ( le tableau, une croix de guerre, etc. ) ne réapparaissent que très loin dans le récit.
Certes, les ficelles sont parfois simplistes ( une course finale contre le temps très classique ) mais il faut saluer la maîtrise avec laquelle l’auteur structure son récit, et son habileté à placer ici ou là un fait qui, trois ( ou six ) cents pages plus loin, provoquera un coup de théâtre inattendu – c’est magistral de ce point de vue.
Un « page turner » qui, à sa sortie ( en 1991 ! ), a dû échapper à pas mal de lecteurs, dommage – mais… il est encore temps !