1. Quels sont les livres, films ou BD ( de SF, Fantasy ou Fantastique) de votre jeunesse que vous recommanderiez à un jeune lecteur ? Par exemple un roman du Fleuve Noir Anticipation, Présence du Futur et Rayon Fantastique ? Ou encore une aventure d’Atome Kid, Spoutnik, Sidéral ou Cosmos dont l'intrigue vous serait restée en tête ?
Ma jeunesse a été baignée par le théâtre. J’allais rarement au cinéma et je crois que jusqu’à l’âge de 20 ans ( 1965 ), je n’ai vu aucun film relevant de la SF !
En revanche, j’ai été abonné très tôt ( en 1951 ) au magazine Mickey d’après guerre, j’en possède encore les 100 premiers numéros ! J’ai lu, sans savoir qu’il s’agissait de SF, les épisodes de Mickey à travers les siècles : le héros, à chaque fois qu’il recevait un coup sur la tête, se retrouvait projeté dans le passé et devenait le compagnon ou le complice d’un roi ou d’un personnage célèbre, une façon pédagogique et détournée d’apprendre l’Histoire ! J’ai lu aussi, par épisodes, les romans de Ridder Haggard : à l’époque, She était rebaptisé La cité sous la montagne ! À 7 ans, j’ignorais la signification du mot fantastique.
Faut-il recommander ces lectures à des jeunes d’aujourd’hui ? Je n’en suis pas sûr ! Je peux évoquer leur influence sur moi – mais je doute qu’ils passionnent le jeune lectorat contemporain.
Dès 1952, j’étais abonné à Tintin et à Spirou – j’en possède encore les numéros. Mon cadeau de Noël était en général un album Tintin, en particulier les aventures qu’il avait vécues dans les magazines que je n’avais pas lus. Eh oui : dans les années cinquante, Hergé livrait chaque semaine une page de l’aventure en cours. Ainsi, fin 1952, j’ai assisté au décollage de la fusée de Tournesol pour la Lune ( magazines N° 214 et 215 ). Cinq ans plus tard, les Soviétiques lançaient le premier Spoutnik !
Si j’avais de vieilles BD à recommander aux jeunes lecteurs, ce serait bien sûr Objectif Lune et On a marché sur la Lune. Et, pour les plus courageux, l’intégralité des aventures de Blake et Mortimer, notamment ceux que j’ai lus par épisodes : La marque jaune, SOS Météores et Le Piège diabolique, devenus des classiques.
Les romans ? A huit ou dix ans, je les achetais d’occasion, au marché aux Puces ( c’était la promenade du dimanche ! ), la plupart dans la vieille collection Bibliothèque Verte d’avant guerre : les Jules Verne ( parfois l’édition d’origine, chez Hetzel ! ). Un roman de SF, hors collection, a baigné mon enfance : Docteur Oméga, sous-titré Aventures fantastiques de trois Français dans la planète Mars. Je n’en recommanderais aucun aux jeunes lecteurs d’aujourd’hui !
Jules Verne, notamment, est devenu difficile à lire.
Ce n’est plus le cas si l’on passe aux trois collections Fleuve Noir, Présence du Futur et Le Rayon fantastique. Je les ai découvertes sur le tard, au milieu des années soixante – j’avais vingt ans !
Un roman du Fleuve Noir Anticipation à recommander ?
Niourk de Stefan Wul, évidemment ! C’est le titre que j’ai repris en 1982 quand Gallimard m’a demandé de créer la série SF en Folio-Junior chez Gallimard. Elisabeth Gilles l’avait d’ailleurs déjà réédité chez Denoël ; mais il se vendait mal, et sa sortie en littérature jeunesse l’a révélé au public.
En Présence du Futur ?
Hélas, j’hésite entre des dizaines, des centaines de titres. Mais parmi les premiers, ceux de Bradbury sortent du lot. Avec Fahrenheit 451 bien sûr ( qu’on relit au collège, parfois grâce à mon récent Virus LIV 3 que j’ai dédié à Bradbury et qui prend le contrepied de Fahrenheit ) mais surtout – et ce sera mon choix : L’Homme illustré. D’abord parce que j’ai puisé dans ce recueil de nombreux textes pour ma série Folio Junior SF ( La ville, Kaléidoscope, La brousse, la pluie… ) mais aussi parce que le meilleur de la SF se trouve souvent dans les nouvelles.
Pour le Rayon Fantastique, c’est plus facile puisque le choix est restreint avec ses 119 titres. Mais ce serait Le gambit des Etoiles de Gérard Klein, l’un des premiers romans qui m’a fait découvrir la SF et que son auteur a judicieusement fait reparaître au Livre de poche Jeunesse.
Quant aux magazines, le choix est plus difficile.
À l’époque, je les achetais au numéro, et en fonction de mon argent de poche. Je me souviens notamment, dans Meteor d’une aventure du docteur Spencer ( et ses complices Spade et Texas ) sur la planète Rapida, où les habitants se déplaçaient et vivaient à toute vitesse, pouvant dans la journée tomber amoureux, se marier, faire un voyage de noce et se séparer, pas très loin de nos sociétés où règnent l’urgence et le rendement. À noter que la future série télévisée Cosmos 1999 aura d’étranges ressemblances avec un grand nombre de ces récits des années cinquante…
2. Y-a-t-il des livres, films, séries télévisées, bandes dessinées, jeux vidéo actuels qui vous ont récemment impressionnés, quel que soit le genre ?
Ces questions me prouvent que je dois mener une vie culturelle très décalée… En effet, je vais rarement au cinéma, les films récents que je regarde à la télé soulèvent rarement mon enthousiasme. Je ne lis pas de BD – encore moins de mangas. Je ne suis aucune série, même celles dont tout le monde parle ( et dont mon fils me dit le plus grand bien… ). Et même si mes thrillers technologiques traitent souvent des réseaux sociaux et de l’informatique, je ne joue à aucun jeu vidéo – je ne suis pas non plus sur Facebook et j’ignore Snapchat…
Pour les lecteurs qui jugeraient que je ne réponds pas à la question ( ou qui n’auraient pas compris que l’image joue un rôle mineur dans ma vie ! ), je préciserai que je suis un inconditionnel de Stanley Kubrick, Fellini, Mike Leigh, Pedro Almodovar... Mes films culte sont Barry Lindon, 2001 l’Odyssée de l’espace, Blade Runner, Bienvenue à Gattaca, Fellini Roma, La cité des femmes, Secrets et mensonges – mais aussi, pour ratisser plus large ( ? ) et rester dans la SF, Contact, Avatar et Rencontres du 3ème type, dont l’humanisme me touche. Les suites, remake et imitations m’ont peu convaincu.
En revanche, sur le plan des livres, la place risque de me manquer et je vais devoir limiter mon propos… ou renvoyer les lecteurs vers mon site : ils y trouveront chaque semaine la critique d’un des livres que j’ai lus récemment. Pas forcément un livre récent. On y trouvera de la littérature jeunesse, de la poésie, du théâtre, des essais, des classiques, des polars, de la SF, des romans historiques…
Un livre récent ? Soit. Pour la SF, j’évoquerais la trilogie de Liu Cixin : Le problème à trois corps, réservé à un lectorat qui accepte la hard science. Pour le polar, j’avoue avoir été bluffé par Yeruldelgger, roman d’un jeune auteur de 70 ans, Patrick Manoukian alias Ian Manook. Je n’ai pas encore lu le Notre Dame de Ken Follett mais je vais le faire en toute confiance : j’ai lu tout Ken Follett qui est ( avec John Le Carré et Jean-Christophe Rufin ) l’un des auteurs vivants dont je suis le travail depuis ses débuts.
Ma lecture la plus récente est L’humanité en péril, le coup de gueule légitime, en forme de SOS, de Fred Vargas. Il serait bon que les 7 milliards et demi de Terriens connaissent la vérité : l’humanité va disparaître dans deux ou trois siècles si nous ne baissons pas au plus vite ( de 90% voire 100% ), avant 2050, le taux de CO2 que nous produisons. Et nous n’en prenons pas, mais pas du tout le chemin. Une alerte déjà lancée par Lester Brown in Le plan B puis par Pablo Servigne et Raphaël Stevens ( in Comment tout peut s’effondrer ).
Ah… j’ajoute tout de même que dans la liste de ces activités culturelles existent deux domaines qui ne figurent pas dans la question : la musique et la danse.
Le piano, tout particulièrement, requiert mon attention, peut-être parce que j’en ai fait et ai eu la chance de croiser la route de certains pianistes comme Aldo Ciccolini. En ce début du XXIe siècle, les pianistes chinois font un tabac. Je n’évoquerai pas Lang Lang ( je l’écoute respectueusement mais ses mimiques m’irritent ), plutôt la jeune Juya Wang, au talent stupéfiant. Je l’ai découverte il y a dix ans et on commence enfin à parler d’elle. Elle a ( à mes yeux, ou plutôt à mes oreilles ) renouvelé l’interprétation des Etudes symphoniques de Robert Schumann – et sa maîtrise dans les sonates de Prokofiev est stupéfiante.
Sur le plan vocal s’impose ( surtout dans Schubert ) le plus très jeune Thomas Quasthoff. Si je me risque dans le domaine vocal, je vais m’égarer, car les jeunes mezzo soprano actuelles sont pleines de talents – la voix touche peu de public, je le sais. Un ( dernier ) mot sur la formation Les Disssonances ( à l’origine un quatuor ) et leur créateur David Grimal. L’orchestre sans chef qu’il a réuni a donné récemment un Sacre du Printemps exemplaire, une vraie performance car cette œuvre est acrobatique à diriger ; alors sans chef… il faut le faire !
Enfin, je pense que les chorégraphes contemporains, depuis deux décennies, ont renouvelé leur art. Là encore, il faudrait évoquer les récentes mises en scène du Bolschoï dans l’Age d’or de Chostakovitch ou les ballets de Melbourne dans le Roméo et Juliette de Prokofiev. Euh… j’ai fini.