Morris Zapp pourrait être un homme heureux : enseignant brillant et prétentieux à l’université d’Euphoria ( Etats-Unis ) spécialiste reconnu de Jane Austen, il est marié avec Désirée et père de trois enfants : Mélanie ( l’aînée, d’un mariage précédent ), Carol et Deirdre, des jumelles.
Mais son épouse, lasse de ses infidélités, veut divorcer… et toute l’université va l’apprendre.
Philip Swallow, lui, est un prof modeste, timide et sans avenir, père de Mattew et d’Amanda et fidèle à sa femme Hilary ; il enseigne sans spécialité dans la tristounette université de Rummidge ( Midlands, Angleterre ).
Pour échapper à sa situation familiale et au scandale d’un divorce, Morris Zapp accepte une permutation de six mois avec Philip Swallow… qui n’en revient pas de cette aubaine !
Philip découvre les joies et les avatars d’un logis prestigieux – mais instable, le terrain est glissant, au sens propre comme au sens figuré ! - et d’un monde étudiant libertaire en ébullition ( on est en 1968 , période révolutionnaire, manifs contre la guerre du Vietnam et marijuana ! ) De son côté, Morris se contente d’un environnement minable et de collègues très distants. Dans l’avion, il a fait la connaissance de Mary Makepeace, une jeune femme très séduisante ( mais enceinte ) – puis, évidemment, d’Hilary, la femme de son collègue.
Philip, lui, dans l’avion qui l’emmène en sens inverse, y retrouve un ancien ( très mauvais ) élève à lui, Charles Boon, qui semble très populaire et anime une émission de radio très provocatrice, le Boon Show…
Cet échange universitaire improbable va être l’objet de quiproquos et de hasards comme seul David Lodge sait en provoquer ! Eh oui : chacun des deux héros va devenir l’amant de la femme de l’autre : après une nuit d’orgie improvisée avec Mélanie, le timide Philip va profiter d’un glissement de terrain pour squatter l’appartement ( puis le lit, puis la voiture ) de Morris Zapp. Morris, lui, va si bien s’adapter à cette université minable ( dont il espère remonter le niveau ) et s’entendre avec l’épouse de Philip… qu’il envisage de se faire nommer ici à titre définitif !
Dans ma critique d’Un tout petit Monde ( toujours de David Lodge ), j’avais promis à mes lecteurs de leur infliger prochainement une fiche concernant le volume qui précède - nous y voici. Et ce premier volet est au moins aussi distrayant ! Les situations les plus imprévues succèdent aux rencontres les plus cocasses. Et même s’il s’agit là de vieux ouvrages ( ils approchent le demi-siècle ! ), leur humour ravageur n’a pas pris une ride.
David Lodge s’amuse beaucoup : il va d’un de ses héros à l’autre, et truffe même son récit de séquences journalistiques, d’interviews pour achever son roman en forme de scénario de film, avec un mémorable dialogue à quatre, qui flirte hardiment avec le théâtre de boulevard. Sauf qu’on a ici affaire non plus à un trio mais à un quatuor.
Né en 1935, le Britannique David Lodge a été prof et universitaire. Il connaît bien les Etats-Unis. On retrouve sa ville imaginaire de Rummidge et le héros américain Morris Zapp dans Un tout petit monde ( déjà cité ) et dans Jeu de société, auquel mes lecteurs n’échapperont pas une prochaine fois !