3. Votre nouveau roman paru en août dernier est Zed, agent I.A. Le titre semble indiquer un polar de SF, possiblement cyberpunk. Le personnage de Zed diffère-t-il des intelligences artificielles bien réelles d’aujourd’hui ?
Non, je ne crois pas qu’on puisse classer ce roman dans le genre cyberpunk. Il est dans la lignée des Enquêtes de Logicielle. D’ailleurs, le créateur du robot n’est autre que… Tony Beffroy, le demi-frère de mon héroïne devenue capitaine de police : un hacker repenti qui a longtemps travaillé pour NCF ( Neuronic Computer France ). Comme dans L’OrdinaTueur, l’action du récit, réaliste, se situe dans un futur très proche et mon robot n’offre aucune innovation… sauf qu’il cumule tout ce qui existe déjà dans les domaine des I.A.. Le plus simple, c’est de vous livrer des extraits du début du roman, dans lequel Zed se présente lui-même :
Je suis né à l’instant, en une microseconde. Avec toute la mémoire du monde (…) Cette pièce, je le sais, est un laboratoire. Celui qui me fait face s’appelle Tony Beffroy. C’est mon inventeur. Mon concepteur. Mon père, en quelque sorte. Plus exactement le chef d’équipe du projet 00Z.Il est informaticien ; il a 48 ans, des cheveux roux en désordre et un visage tourmenté par des tics nerveux.
Je le vois pour la première fois mais j’ai sa fiche d’identité complète.
- Qui es-tu ? me demande-t-il. Dis-moi qui tu es !
Cette question simple pourrait me faire sourire. Je ne le fais pas, cela pourrait être mal interprété.
- Je m’appelle 00Z : Zéro Zéro Zed… et j’ai déjà un surnom : Zed. Je suis un robot. Le dernier né de la société Zircon, spécialisée dans l’Intelligence Artificielle : l’I.A..
Ma réponse le soulage. Ma voix est la même que la sienne quand il avait treize ans : il s’est servi de ses vieux enregistrements pour programmer ma commande vocale. Des voix, j’en possède des milliers.(… )
- Tu connais l’emploi auquel tu es affecté ?
- Agent de sécurité.
- Et… sais-tu comment et pourquoi tu as été créé ?
Ces infos sont confidentielles. Mais mon créateur est dans le secret. Il connaît les réponses à ces questions.
- Je suis destiné à être fabriqué en série. À condition que mes actions soient efficaces et mon existence sans danger pour l’entourage humain.
- Bonne réponse, Zed ! dit-il en applaudissant.
Là, j’estime ( à 63% ) que mon interlocuteur fait de l’humour. Alors je souris à mon tour.
Car mon visage dispose de deux cents expressions. Chacune correspond à une situation particulière. Mes mimiques ont été conçues à partir des émoticônes des smartphones.
L’informaticien apprécie ma réaction. Il pose la main sur mon épaule. Ce que je traduis comme un geste amical ( à 98% ).
- Tu peux faire le tour du labo ? Et revenir ici, face à moi ?
Je m’exécute et j’avance. À la vitesse d’un piéton puisqu’on ne m’a pas fourni d’autre indication. (… ) Mon visage et mon buste ont une apparence humaine.
Sauf que ma poitrine affiche un écran HD. Très utile pour livrer des vidéos, des images, une carte… Ah : je n’ai pas de jambes. Trop compliqué. Trop lent.
Grâce à mon unique pneu sphérique, je peux pivoter dans toutes les directions. Sur tous les terrains.
À l’arrêt, je reste immobile grâce à mon gyroscope intégré. Je peux aussi me déplacer sur coussin d’air. Jusqu’à 50 kilomètres à l’heure. (…)
Je suis un être artificiel. Une machine qui ignore les sentiments.
Voilà pourquoi je ne suis pas jaloux des humains.
Les humains ? Ils sont prisonniers des humeurs qui perturbent leur comportement : la colère, l’amour, la haine, le vertige, la peur…
En être dépourvu me rend plus efficace. Plus objectif. D’une certaine façon, je leur suis supérieur. Doté de capacités qu’ils ne peuvent pas acquérir… pas encore.
Dans le silence et l’obscurité, j’attends. Sans impatience. J’ai tout mon temps. J’ignore ce qu’est le vieillissement.
Mais je m’interroge sur la mission que Tony Beffroy a évoquée. Me montrerai-je à la hauteur ? Pourquoi ne suis-je pas utilisé dès aujourd’hui ? Me laisser ainsi inactif pendant plusieurs heures, c’est… du gâchis.(…)
Je ne connais pas le repos. Ni l’ennui.
Connecté en permanence sur Internet, je n’ai pas besoin d’un smartphone. J’engrange en permanence des milliards d’infos. Grâce à elles et aux interconnexions que j’effectue, je ne cesse de me perfectionner. De gagner en puissance, en efficacité.
À chaque seconde, je capte la marche du monde entier…
Ce roman policier est le premier d’une série destinée au 10 ans et plus. Cette commande de mon éditeur est destinée à faire la jonction entre les Enquêtes de Logicielle ( 12 ans et + ) et Hercule, chat policier ( 7/8 ans et + ) dont les jeunes maîtresses sont des jumelles, filles de Logicielle et Max.
Zed sera toujours accompagné d’un être humain – en l’occurrence, Tom, le fils de Tony. Et leurs enquêtes mettront ( je l’espère ! ) en lumière deux comportements différents qui tantôt se complèteront ou s’opposeront.
On le voit, un certain Isaac Asimov a déjà exploité ce filon avec Les cavernes d’acier et Face aux feux du soleil. Ici, l’objectif est d’utiliser les dernières innovations techniques, de mener des enquêtes dans un environnement familier aux préados. Ce premier volume les entraînera dans le monde du show biz.
4. Le temps est l’un de vos thèmes favoris. Avez-vous mis en scène différentes théories scientifiques ou fantastiques du temps dans vos romans et nouvelles ?
Le temps, c’est vrai, me fascine. C’est l’un de mes thèmes favoris. Je crois l’avoir conjugué à toutes les sauces, y compris de la façon la plus scientifique qui soit, notamment dans Le satellite venu d’ailleurs, où une petite fille est enlevée ( pour la bonne cause : la sauver des radiations du vaisseau qui a atterri ! ) par les visiteurs venus de Proxima du Centaure. Ceux-ci la renvoient peu après sur la Terre, à une vitesse relativiste. Après deux fois cinq ans ( le temps de l’aller-retour ) elle revient vieillie de dix ans sur une Terre qui, elle, a soixante ans de plus.
La plupart de mes autres récits temporels sont des fictions qui n’ont rien de scientifiques. Dans La Machination, mon héros pilote un vaisseau censé dépasser la vitesse de la lumière ( hum… il échoue, ouf ! ). Dans Le Montreur d’étincelles, une société entière a quitté la Terre pour s’installer sur une planète qui fait partie d’un autre système solaire – et Gérard Klein m’a reproché de ne pas consacrer un petit paragraphe pour expliquer… comment ils s’y étaient pris et combien de temps leur voyage avait duré ! Dans Les Cascadeurs du Temps, à la manière dont Wolff débarque ( dans Le Faiseur d’univer et la suite, de Philip José Farmer ) dans l’univers de Kickaha, mes héros découvrent une faille spatio-temporelle dans la grotte immergée d’une rivière – la Loue !
Je fais même reculer mon héros dans le temps ( in Seul à seul puis dans Un billet pour l’éternité ) pour qu’il se rencontre lui-même.
La seule innovation réellement pseudo-scientifique, je l’utilise dans Le Soleil va mourir : pour sauver la Terre de la chaleur dégagée par notre étoile devenue une supernova, un savant, Messigny, enferme notre planète dans une ceinture temporelle qui la place dans un univers ralenti des millions de fois. Tiens, ce truc pourrait être fort utile avec la menace du réchauffement climatique. Hélas, ce n’est pas encore au point…